Renouveler les lectures des faits politiques et du politique à propos de l’Algérie
Renouveler les lectures des faits politiques et du politique à propos de l’Algérie
Réaction à l’article « L’Algérie en chute libre » de « Lounes » sélectionné par Agoravox jeudi 25 février 2010
Non l’Algérie n’est pas en chute libre », ce sont les analyses pré-formatées qui ne peuvent plus convaincre
L’affaire de corruption du PDG de Sonatrach montre tout autant la gravité de la corruption que les possibilités constituées en Algérie de stopper des comportements par la mobilisation de la justice.
Il est imprudent plus encore vis-à-vis de l’Algérie et en général des pays du sud et du monde arabe de procéder à des analyses simplificatrices.
L’affaire de corruption du PDG de Sonatrach montre tout autant la gravité de la corruption que les possibilités constituées en Algérie de stopper des comportements par la mobilisation de la justice.
Il est imprudent plus encore vis-à-vis de l’Algérie et en général des pays du sud et du monde arabe de procéder à des analyses simplificatrices.
Le système politique algérien est plus complexe que ce qui en est dit, quelle que soit la validité des jugements et interprétations développées dans l’article sélectionné et publié par Agoravox , le point de vue développé étant représentatif du discours moyen des classes moyennes algériennes et... des médias français.
Il n’y a en Algérie comme en France et ailleurs fonctionnement de système que parce que le système correspond à des pratiques sociales qu’il tend à renforcer et "le peuple algérien" dirigeants et élites compris est partie prenante.
Ce système de rente avec ce qu’il contient comme clientélisation, avec ce qu’il donne comme place à la consommation et ce qu’il développe comme pratiques économiques, sociales, culturelles et politiques, fonctionne plutôt bien parce qu’il correspond aux intérêts constitués des classes dirigeantes, de la grande majorité des Algériens mais aussi des intérêts de la France et de l’Europe.
La bureaucratie, le clientélisme, la corruption, l’inefficience, le recours à la seule importation, la très mauvaise qualité de l’enseignement scolaire et la dégradation de la santé publique comme d’autres faits graves et dominants doivent être également associées aux très grands progrès en matière de logement (presque identiques à ceux de la Tunisie), de niveau économique et social (scolarisation premiers soins, alimentation, accès à l’au potable, à l’électricité et au gaz, aux transports, au livre, …) lesquels progrès ne sont pas contradictoires de la gravité du chômage et du sous emploi, du très mauvais classement en matière d’IDH, de la violence des relations sociales voire des rapports de travail, de la faiblesse des droits politiques, etc.
Mais là aussi les choses sont plus complexes car, sous des formes critiquables ou discutables, beaucoup de choses qui avancent tout en reculant par certains aspects moindres, (équipement, logement, normalisation, gros travail juridico réglementaire, diffusion culturelle, vitalité de certains secteurs et d’initiatives..).
Certes, ce qui avance configure dangereusement l’économie et les pratiques sociales mais les voies royales constituées n’existent pas et l’histoire accouche dans la douleur, à l’image de l’histoire de l’occident qui n’a aucune leçon à donner puisque sa force a été faite du génocide en Amérique et de la colonisation atroce qui a duré des siècles, éclusant les richesses du monde et puisque cette force déclinante peut être tient au fonctionnement du Conseil et du pouvoir qu’a eu un G.Bush de détruire l’Irak pour installer les compagnies américaines au prix de la condition du peuple irakien et du peuple palestinien.
Quelques points pour regretter la légèreté ou le côté facile des analyses comme celle de l’article « l’Algérie en chute libre » (cf plus haut)
1-côté international : contrairement à ce qu’y écrit ce journaliste, les relations Algéro tunisiennes sont exemplaires au moins mais pas seulement pour la simple raison que la Tunisie constitue un excellent modèle politique pour le président algérien, la condamnation du coup d’état nigérien est venue normalement de tous les pays même si de partout la condamnation s’est faite du bout des lèvres ou de façon obligée par ceux qui ont peur de la même réaction vis-à-vis de chefs d’Etats qui veulent mourir sur leur fauteuil en le transmettant à leur fils. On peut également considérer que la chose maghrébine est compliquée à souhait et que le pouvoir algérien comme tous les autres et pas plus, est enfermé dans une logique nationale .
2- L’affaire Sonatrach qui est le point de départ de l’article a été révélée par la presse Etasunienne laquelle s’est emparée de l’affaire parce que le capitalisme américain ne peut fonctionner sans condamner les sociétés écrans comme celle créée par le fils du PDG de la Sonatrach aux Etats-unis, le pouvoir algérien était au moins contraint de réagir
3- la loi et les institutions sont certes très manipulées en Algérie comme dans l’ensemble des pays arabes (et plus subtilement en Europe et aux Etats unis.). Mais on peut construire l’hypothèse selon laquelle une telle affaire a permis à des gens d’influence et à une parie de la classe politique de remettre en cause l’évolution récente des rapports politiques internes aux forces constituées au sein du pouvoir lesquelles forces sont quoique l’on pense plus diverses et moins simplifiables. En Algérie comme ailleurs les forces sociales défendent leurs intérêts en fonction du système. Aussi conviendrait-il à propos de l’Algérie comme on le fait à propos des pays européens, d’affiner les analyses des jeux de pouvoir et d’hommes plutôt que de reprendre les antiennes simplificatrices appliquées à l’ensemble du monde arabe, Autorité palestinienne comprise par le système médiatique international. Il y a des luttes économiques, sociales et politiques en Algérie, elles se déroulent sous d’autres formes que celles de la démocratie formelle dont on sait quelle peut donner la victoire d’un parti comme le FIS ou du fils d’Omar Bongo etc.
Certes la démocratie est indivisible mais en aucun pays au monde la démocratie n’est venue facilement et elle n’a pas été exercée et pratiquée par le pouvoir colonial et par la République française au cours des 132 années d’exercice total du pouvoir. Le « peuple » algérien est certainement encore victime de ces manquements historiques et du modèle démocratique colonial dont il a connu les jeux, manipulations, hypocrisies, vilénies et massacres accentués au moment où il le fallait (1834, 1840 , 1871, 1945, de 1954 1962 ) et même après l’indépendance comme punition de la nationalisation du pétrole .
Le « peuple algérien » en est lui-même porteur puis je écrire comme l’avaient montré Frantz Fanon (et Albert Memmi), déjà avec son complexe du colonisé. Il idéalise contradictoirement et de façon schizophrène le modèle français qu’il rejette en même temps. Il combine ce rapport au modèle français avec sa participation au modèle unanimiste national- religieux que l’argent du pétrole facilite. Il n’en faut pas moins procéder à une meilleure analyse de son « opportunisme » et surtout de ce qui se constitue comme forces et pouvoirs entre la société et les institutions. On ne s’étonnera pas qu’il ait du mal à constituer son régime idéal.
L’histoire Algérienne plus que d’autres peut être imposent des analyses plus subtiles et plus nuancée que celles qui sont servies. Plus que toutes autres relatives aux pays du sud, plus qu’elle ne l’est de façon ordinaire chez l’algérien « moyen » et plus encore chez le français « moyen » (qui a toujours quelque lien à l’Algérie dans son histoire familiale), les jugements et analyses doivent rompre avec la représentation dominante et ce quelles que soient les inquiétudes réelles ou appréciations « gentilles » qui peuvent être faites des évolutions présentes politiques et vis-à-vis du pouvoir qui a su très intelligemment se jouer des cultures politiques vieillottes à l’exemple triste et lamentable de ce qu’a été et de ce que sont les « discours » du FFS et de Ait Ahmed dont beaucoup attendaient tant en 1988.
Il est peut être temps de construire des analyses plus solides de l’Algérie en rupture avec ce que montre l’exemple des positions (encore défendues aujourd’hui) d’un homme de la trempe et du génie d’Albert Camus lequel après avoir exprimé au cours des années 30, sa sensibilité à la condition des "musulmans", n’a pu -pour des raisons certainement culturelles et psychologiques- associer sa condamnation des pratiques terroristes à sa solidarité avec un peuple en très grande souffrance d’oppression et de guerre radicale menée contre sa volonté d’indépendance et dont il ne s’est pas senti membre à l’instar de quelques Algériens d’origine européenne.
Il devient peut être indispensable de construire des analyses affinées à propos de l’Algérie comme à propos de l’ensemble des pays du Maghreb, du monde arabe et des pays du sud, Chine comprise laquelle montre tous les jours la superficialité des clichés et schémas de lecture de tout ce qui n’est pas conforme au modèle politique européen même si ce qui est analysé peut faire le jeu - par la croissance - du système international à l’exemple des Emirats arabes unis voire de la Chine que l’on peut considérer avec la Tunisie comme modèles de référence pour l’Algérie qui, par ailleurs fait ou a fait ici et là figure de modèle.
Là est peut être le défi actuel pour l’intelligentsia algérienne comme pour la classe politique et l’élite française dont on sait l’importance pour l’Algérie et les Algériens.
Nadir BOUMAZA
Le 26 février 2010
5 réactions à cet article
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