Réponse à Jacques Julliard, éditorialiste à Marianne, et éternel zélateur de la social-démocratie à la française
Article en cause : Candidature à gauche : le tour de Valls ?
Il est difficile d'en vouloir à une personne qui défend si ardemment une conviction au point de lui aveugler l'esprit. C'est une qualité si rare en politique de nos jours qu'elle suscite la consternation puis de l'incompréhension. Julliard croit qu'après cinq années de social-démocratie piteuses qui ont débouché sur le renoncement de Hollande, Valls est la meilleure chance pour la gauche et les sociaux-démocrates (si il en existe vraiment en France). Voici ma réponse :
La social-démocratie ne fait pas partie des traditions politiques françaises et latines en général, c'est le gaullisme et avant le CNR, le Front Populaire et le parti radical qui avaient proposé une forme de collaboration transpartisane entre les patrons, les travailleurs et l'Etat. La social-démocratie est un système qui a été véritablement appliqué dans les pays scandinaves et germaniques, avec parfois des gouvernements de coalition. Enfin, la condition d'un bon fonctionnement de la social-démocratie est un syndicalisme élévé et une forte implication des salariés dans la direction des entreprises.
Alors qu'entendons-nous à droite, monsieur Julliard ? Un libéralisme tchatchérien qui n'a que faire des syndicats, ou si peu. La gauche ne peut pas être responsable de tout dans le dysfonctionnement du dialogue et des réformes sociales. Ce n'est pas à la gauche à elle seule de faire la politique que demande la droite, et la bipolarisation de la vie politique, renforcée avec le régime présidentiel que vous adorez, renforce aussi les extrêmes et empêche toute discussion au centre, que je trouverais intéressante, je le confesse.
On ne peut pas soutenir en même temps un modèle d'organisation qui nécessite une coalition au centre et un régime politique qui favorise le bipartisme. Je vous assure, Monsieur Julliard, je crois que vous perdez votre temps en continuant avec cette grille de lecture.
C'est pour cela qu'il est indispensable de réformer en premier lieu le parlement et la fonction présidentielle, qu'il faut d'abord porter le conflit à un niveau politique avant de songer à faire des arrangements sur le modèle social. Le gaullisme, la cinquième République, sont des systèmes politiques qui avaient été mis en place en urgence dans une situation géopolitique très tendue où la France perdait son statut de grande puissance coloniale. Ce régime a bien fonctionné pendant une vingtaine d'années puis n'a pas arrêté de se scléroser depuis.
Peut-être que la France s'est fait des illusions en restant attachée à son indépendance et à son identité, que le gaullisme est un grand mensonge qui perdure toujours aujourd'hui. On ne sait pas si la France s'en sortirait mieux aujourd'hui si, comme l'Allemagne pendant la Guerre Froide, elle avait été occupée par les autres grandes puissances. De Gaulle est sûrement responsable de beaucoup d'illusions que la France a aujourd'hui. La fonction monarchique qui permettrait mieux d'assurer la force et la continuité de l'Etat central en est une. Actuellement, elle n'est qu'une chape de plomb qui étouffe les individus, les partis, les régions comme la Corse ou celles d'Outre-mer, les femmes, les intellectuels, les entrepreneurs, les syndicats, les religions autre que le christianisme, les métropoles, le fédéralisme provincial, les étrangers... Elle étouffe même l'Union Européenne et l'ONU ! Avec sa diplomatie postcoloniale, la cinquième République donne des leçons à tout le monde alors qu'elle n'a pas les moyens de les appliquer.
La France est un gigantesque patrimoine avec au-dessus un nain politique qui décide tout seul pour les autres, en ramassant vers lui, et donc en usurpant, une histoire multiséculaire qu'il dit incarner devant un peuple qui est plus divers que jamais et attaché à des filiations complétement différentes et, surtout, en partie nouvelles.
Pourquoi les hommes politiques réformateurs en France désignent toujours d'autres modèles à l'étranger, comme l'Allemagne et la Grande Bretagne pour les libéraux et les sociaux-démocrates, et même l'Amérique du Sud pour Jean-Luc-Mélenchon ?
Parce ce qu'il n'y a plus rien à puiser dans le modèle français actuel. Alors qu'Henri Guaino demandait aux africains d'entrer dans l'histoire, les principaux intéressés auraient dû lui répondre : "Mais c'est vous, les français, qui n'êtes pas entrés dans l'histoire ! C'est fini depuis 1968 le temps du papy De Gaulle..."
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