Report des élections en RDC : les vraies raisons inavouées
La ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu s'est réveillée, ce vendredi 21 décembre 2018, sous une présence policière inhabituelle, 24 heures après l'annonce par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) du report des élections au 30 décembre prochain. Une décision qui intervient au lendemain de l'interdiction de la campagne électorale pour les présidentielles dans la ville de kinshasa.
La CENI justifie le report des élections par le souci d'organiser le scrutin sur l'ensemble du pays au même moment, après l'incendie enregistré à Kinshasa causant la perte de 8 000 machines à voter de 19 sur les 24 communes de la capitale. "5 millions de bulletins de vote ont été commandés dont un premier lot de 1 million est arrivé à Kinshasa, le mercredi 19 décembre 2018, alors que le dernier lot ne peut arriver qu'au soir du samedi 22 décembre", a déclaré Corneille Nangaa, président de la CENI, en conférence de presse du 20 décembre 2018. Au nombre des réactions,il ya eu celle de Alexis Thambwe Mwamba, ministre de la Justice qui, devant les ambassadeurs accrédités à Kinshasa ce vendredi 21 décembre, a déclaré que « La CENI a confirmé qu’elle était à même d’organiser les élections sans faute le dimanche 30 décembre sur l’ensemble du territoire. »
De nombreuses interrogations fusent de partout sur cette nouvelle date fixée par la centrale électorale de la RDC. D'aucuns pensent qu'il serait impossible d'organiser ces élections le 30 décembre, au regard des difficultés d'acheminement du matériel constaté, la RDC étant plus qu'un continent. En dehors de kinshasa où les bulletins de vote posent problème à cause de l'incendie du dépôt de la Ceni, le 13 décembre dernier, de nombreuses provinces manquent encore du matériel électoral et pour de nombreux candidats, il serait impossible qu'en une semaine que tout soit acheminé . Et c'est la raison pour laquelle que , de nombreux kinois croient que même ce nouveau delai ne sera pas tenu. Une situation qui se justifierait, selon eux , par l'impréparation de la CENI, en dépit des garanties données par Corneille Nangaa, selon lesquelles " le processus électoral était reversible ."
Au cours de l'emission "kiosque" de ce 21 décembre en matinée sur les antennes de "Canal Congo Télévision", les invités, candidats à l'election nationale et provinciale, ont parlé de " ballon d'essai " , au sujet de la date du 30 décembre 2018 . Pour ces derniers, la CENI qu'ils considéraient comme "marionnette" du pouvoir en place n'était pas à son premier report. C'est le quatrième report enregistré , ont-ils soutenu, depuis 2016. Une situation qui s'expliquerait , selon les mêmes orateurs, par le manque de volonté politique de la part du pouvoir en place, du reste incapable , d'organiser les élections dans les delais prescrits par la loi éctorale. Un argumentaire soutenu par un certain nombre d'indicateurs , d'après les uns et les autres.
Il faut préciser que, le contexte général dans lequel la loi électorale a été élaborée, est marqué notamment par la signature le 31 décembre 2016 de l’accord politique global et inclusif, par la situation sociale avec l’inflation monétaire, la poursuite des mouvements armés dans les zones de conflit dans l’est du pays et au centre, avec la rébellion de Kamuina Nsapu. En effet, de nombreux points sont encore loin de faire consensus comme le fichier électoral ou encore la machine à voter. Les principaux opposants et la société civile la jugent peu fiable. Donc l'unanimité autour de cette machine à voter n'a jamais été de mise et ce n'est qu'à quelques jours de la fin de la campagne électorale que la coalition "Lamuka" qui soutient l'un des candidats farouches de l'opposition, Martin Fayulu, a accepté finalement celle-ci que certains entreprises fournisseurs ont d'ailleurs déconseillé.
Aussi le manque d'argent faisait-il planer un doute sur la tenue des élections en RDC, au 23 décembre 2018. Déjà , dans un rapport détaillé de l'ONU remis au conseil de sécurité des Nations Unies, rendu public le 7 mai 2018, le Secrétaire Général Antonio Guterres évoquait « l’absence d’un plan de financement clair de la Commission électorale nationale indépendante » (CENI) par le gouvernement. Or "Le niveau des recettes fiscales est bas et l'exécution du budget 2018, c'est-à-dire le décaissement, en est seulement à 35% des dépenses prévues", expliquait une source proche du dossier., en octobre dernier. A la vérité , l' exécution du budget 2017 a été marquée par la faiblesse de la réalisation des recettes internes. A la clôture de l’exercice budgétaire 2017, les résultats enregistrés en recettes et en dépenses ont connu respectivement un taux de réalisation de 56,22%, soit 6.478.619.340.544,15 FC et 55,56%, soit 6.402.734.997.073,74 FC par rapport aux prévisions.
Toutes ces contraintes et d'autres liées à la situation sécuritaires surtout à l'est du pays avec notamment les tuéries des populations à Benie constituait un grand doute pour la tenue des élections, le 23 décembre. Une situation qui ne surprend personne. « Personnellement, je ne suis pas surprise. J’ai eu à le dire dans toutes mes interventions que la CENI n’est pas prête et qu’elle ne sera jamais prête, du moins cette CENI ici. Un jour de report ou dix, voire deux mois, ça ne servira à rien. Tout ce qu’on est en train de nous préparer, c’est d’aller vers le chaos », a déclaré Marie-Josée Ifoku, candidate à l’élection présidentielle , à la Radio Okapi. Pour sa part, Henri-Thomas Lokondo., l’élu de Mbandaka, membre du regroupement Palu et Alliés au sein du Front Commun pour le Congo est resté plus que sceptique au micro de la presse : « si la CENI était venue défendre très bien son rapport, je pensais proposer à la plénière qu’on lui accorde une rallonge, même d’un mois ou de deux mois pour des raisons objectives et évidentes ».
Comme on le voit, le scénario des élections en RDC demeure encore ambigu et il est à craindre des conséquences plus graves, si et seuleument si cette nouvelle date du 30 décembre était voué aux calendes grecques . Mais , il est à signaler que, la ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu s'est réveillée ce vendredi 21 décembre 2018 sous une présence policière inhabituelle, 24 heures après l'annonce par la Commission électorale nationale. Du côté des candidats à l'élection présidentielle, le ton monte également et les candidats Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe, appartenant à la coalition de l'opposition Cap pour le Changement (CASH) , ont annoncé, ce vendredi 21 décembre, devant la presse et leurs militants au siège de l’UDPS (Union pour la Démocratie et le Progrès Social) à Limete , de poursuivre leur campagne électorale jusqu'au 28 décembre, contrairement à la loi électorale qui a fixé la fin de celle-ci au 21 décembre à minuit..
Une situation, en tout cas, confuse règne à Kinshasa, mais que la passion ne l'emporte pas sur l'intérêt général . En Afrique, ce n'est que sous l'arbre à palabres que les violents s'accordent. L'implication de la communauté internationale est par -là sollicitée pour que des élections libres, crédibles et apaisées soient organisées en RDC .
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