[REPUBLICATION] Le progressisme en marche
Cet article a été publié en juillet 2019 sur le site Adoxa Info, aujourd'hui fermé. La version republiée dans AgoraVox est légèrement remaniée. Le lecteur averti y verra un écho fort à la loi anti-bioéthique actuellement en débat, ou encore à la politique de soin (ou plutôt de non-soin) adoptée durant la crise du coronavirus.
Né en France, S.P. prend prétexte de ses origines asiatiques pour adopter un regard extérieur. À l'occasion de l'euthanasie de Vincent Lambert, il s'interroge quant à la direction prise par la société française.
Vendredi 12 juillet 2019, Terminal 2F de l'Aéroport Roissy-Charles de Gaulle, je lis le Figaro offert par Air France en attendant l'avion qui doit me ramener à Toulouse. Que l'on m'excuse par avance de ne pas lire les louanges de Staline dans l'Humanité… "Après la mort de Vincent Lambert, l'émotion et les questions", titre le quotidien.
Et de fait, comment ne pas s'interroger, quand, un peu partout, on entend et lit la satisfaction de certains à la nouvelle de cette mort, triste dénouement d'une agonie qu'ils ont souhaité et appelé de leurs voeux ?
Plus généralement, c'est l'idéal - en vérité si dystopique - qu'offre la société dite progressiste qui interpelle. Que nous propose-t-elle donc ?
Diagnostic prénatal pour avorter les présumés trisomiques. Dévoiement de la loi Veil, banalisation de l'IVG, dont on a évacué la notion essentielle de "détresse" défendue par Simone Veil, dont des journalistes expliquent à mi-mot que sa participation, avec son mari, à la Manif pour Tous, en 2013, est à attribuer à la sénilité... [et aujourd'hui IMG jusqu'à la naissance pour "détresse psycho-sociale".] Euthanasie des handicapés. Arrêt des soins à partir de 65, 70 ou 80 ans (comme le préconise Jacques Attali, ou comme en débat la Belgique). Suicide assisté pour la jeunesse en perdition. Achat d'embryons au supermarché de l'eugénisme, location d'utérus.
Triste écho à des pratiques passées ; mêmes intentions, mêmes justifications. Elles sont en apparence assez louables, et elles légitiment les pires dérives.
Ma grand-mère maternelle, cambodgienne, a connu huit grossesses, toutes non-planifiées. En particulier, la dernière a donné naissance à ma mère, en pleine guerre civile. Cette enfant indésirable, ce fardeau supplémentaire en ces moments de lutte pour la survie, née de cette grossesse que maudissait ma grand-mère, c'est elle qui l'a hébergée et soignée jusqu'à sa mort, assez récente (je pourrais d'ailleurs raconter l'attitude révoltante du médecin traitant et des soins palliatifs).
De cette fratrie de huit, cinq ont survécu au régime khmer rouge. Aujourd'hui, un progressiste bien avisé pourrait dire à mes quatre oncles et tantes, plus ma mère, que le pragmatisme [la détresse psycho-sociale] aurait voulu leur avortement. À mon grand-père maternel, veuf, qu'il commence à peser sur les Caisses de la Sécurité sociale. Et aux Asiatiques "traditionnalistes" qui s'accrochent encore à une certaine conception de la solidarité familiale, qu'ils feraient mieux de laisser tomber ces vues arriérées et rétrogrades pour regarder l'exemple du progressisme à l'occidentale.
Je ne cesse ainsi de m'étonner du chemin littéralement suicidaire emprunté par les Français… Sans même parler ici de la théorie du genre et du militantisme LGBTQ++, qui va donner plusieurs générations de Français sans repères, de l'islamisme conquérant qui se développe sur les défaillances de cette société déliquescente, de la collapsologie écologiste décroissante qui finira par détruire l'industrie française et jeter la France dans les oubliettes de l'Histoire. Pour parachever cet ensemble peu glorieux, de nouvelles dispositions légales (la loi Avia, du nom de la députée qui a mordu son chauffeur de taxi) permettront le musellement des discours dissidents, au prétexte de la lutte contre la haine [aujourd'hui, en septembre 2020, ces dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnels].
Difficile donc de ne pas être pessimiste… Pour moi, pour nous, la remigration (le retour au pays, comme celui des Français juifs en Israël, pour qui le pays des droits de l'Homme est devenu un enfer) reste une éventualité que je ne peux exclure. Mon grand regret sera alors de ne pas avoir contribué, à mon échelle, à la richesse nationale. Tout ce que j'ai reçu de la France, l'instruction, la fierté nationale, le sentiment patriotique, la France (une certaine France !) le vomit et le déconstruit. Je deviens un Français étranger dans son pays, mais je peux toujours me faire réadopter par le pays de mes origines. Mais aux Français français qui se sont reniés, citoyens hors-sol du monde, où iront-ils ?
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