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Accueil du site > Tribune Libre > Requiem pour la rebelle attitude

Requiem pour la rebelle attitude

Il fut un temps, pas si lointain, où les rebelles étaient beaux. Leurs regards, bleu azur ou noir profond, toisaient sans pitié les petits bourgeois sans envergure que nous étions, nous les enfants d’une Europe pacifique, pacifiste et pacifiée, d’où l’Histoire, avec une grande hache (Perec), s’était retirée. Tributaires de notre âme de midinette, nous engagions sans cesse et sans trop y croire des combats aussi virtuels qu’héroïques contre d’improbables tyrans, à l’ombre de nos téléviseurs et de nos villages-vacances. C’est que, malgré (ou à cause de) notre goût pour les figures tutélaires, nous hésitions un peu à nous identifier à nos héros. Nous savions que Jean Moulin, que le Che Guevara, que James Dean, avaient payé de leur vie leur droit d’accès au panthéon des dieux de la révolte. Une certaine pudeur nous retenait encore au moment d’adopter la pose hiératique qui était celle de nos héros sur les posters qui ornaient les murs de nos chambres à coucher chez papa-maman.

Puis mai 1968, la mère de toutes les batailles post-historiques, a lentement instillé son sirupeux venin dans nos veines vierges de toutes séquelles. C’est ainsi que nos dernières réticences finirent par tomber. Sans vergogne, nous nous prîmes pour ce que nous ne sommes pas : tout juste des individus, seuls contre tous, en lutte héroïque et désespérée contre un système oppressif. Ce fut le règne de la rébellion virtuelle et obligatoire, jusque là heureusement confinée à nos rêveries adolescentes. En 1987 contre la loi Devaquet, en 1995 contre la réforme Juppé, et encore en 2006 contre le CPE, chaque « mouvement social » draina avec lui son lot de rebelles triomphants, dans un oxymore que seule notre époque a su produire. Si ces révoltes ont fait long feu, il n’en va pas de même de ses leaders. Certains d’entre eux sévissent encore, non pas dans la clandestinité, mais sur les plateaux de télévision. C’est ainsi que l’époque couronna le rebelle et que la rébellion en perdant tout contenu concret devint une simple attitude, une pose. Le rebelle-roi est l’avatar de Narcisse qui règne sur l’époque et « rie de se voir éternellement rebelle en ce miroir » (Muray). Si le rebelle-roi est « naturellement de gauche », il arrive aussi qu’il soit du centre et même de droite. C‘est que les hommes politiques de tous bords, alléchés par le succès mondain de la rebelle attitude, ne se privent plus de l’adopter. Il advient donc aujourd’hui que les candidats au statut de rebelle couronné prolifèrent, ce qui a le don d’irriter les rebelles-rois installés. Ceux-ci en effet supportent mal de se voir imités et concurrencés sur un marché dont ils pensaient avoir le monopole. Tout comme autrefois les aristocrates n’avaient de cesse de tenir à distance les nouveaux riches qui adoptaient leurs manières, le rebelle-roi de gauche dénonce l’imposture du rebelle-roi de droite.

Mais voilà que dans un ultime retournement, nos rebelles-rois de gauche, peut-être fatigués par leurs propres simagrées, affublent aujourd’hui Bayrou, en guise de nez rouge, d’un béret du Che qu’ils n’avaient pas besoin de chercher bien loin puisque leur garde-robe en est pleine (1).

Il est vrai que Bayrou lui-même a sacrifié plus que nécessaire à l’exercice de la rébellion virtuelle. Mais, puisqu’elle est tellement caractéristique de l’époque, il y a quelque logique à ce que la rebelle attitude vienne s’échouer lamentablement à l’extrême centre du paysage politique. « La dernière phase d’une forme historique, c’est la comédie » écrivait déjà Marx. La preuve donc qu’il arrive à ceux qui se réclament de ce grand penseur de ne pas le trahir, serait-ce malgré eux.

En se gaussant de la paille qui orne l’œil du révolté de l’extrême centre, les rebelles-rois de l’époque nous indiquent la poutre qui défigure le leur.

La vérité éclate enfin : dépossédé de son béret, le rebelle-roi est nu !

(1) Voir le montage réalisé pour la couverture du dernier numéro de Regards, revue emblétique de la rebelle attitude, à l’adresse suivante http://www.regards.fr/archive/issue/?id=40


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13 réactions à cet article    


  • davaro (---.---.94.26) 13 avril 2007 12:04

    Petite video montrant bien les rouages actuelles du monde politique dans lequel on veut nous pousser , et pourquoi on tient tellement à nous y pousser :

    http://www.dailymotion.com/video/x1p4q7_pourquoi-bayrou-et-pas-sarkozy-ni-r


    • Mogwai (---.---.75.199) 13 avril 2007 12:17

      Excellent article !

      Le rebelle moderne serait il devenu celui qui, le plus intégré à la société qu’il prétend combattre, réussit ce tour de passe passe d’en devenir le plus ardent combattant ? Et les réactionnaires deviennent visionnaires, et vice et versa. Curieux glissement d’une société qui a vu ses derniers révolutionnaires (les 68ards) devenir les gardiens du système qu’ils voulaient abattre à coups de pavés. Ils ont pourtant gardé les pavés, mais pour refaire l’entrée de leur villa, histoire de ne pas salir les pneus de la voiture. De bohème à Béhème, il n’y a que...ohé :)


      • gAZi bORAt (---.---.164.192) 13 avril 2007 12:31

        « Du recyclage des rebelles.. »

        S’ils se contentaient simplement de pantoufler dans leurs villas, pour quoi leur interdire le droit à la retraite ?

        Malheureusement, un certains nombre s’agitent encore, souvent les pires sectataires dans leur jeunesse (admirateurs du grand timonier, entre autres) et recyclés aujourd’hui en moralistes néo-conservateurs et souvent atlantistes frénétiques.

        De BHL à Finkielkraut (qui n’a pas eu, malgré ses antécédents, à obtenir un poste universitaire aux USA) en passant par Kouchner, Debray, Bruckner, July.. La liste de ces ex-révolutionnaires devenus nouveaux réactionnaires est longue.

        Pourquoi cette compulsion à l’erreur ?

        gAZi bORAt


      • bj33 (---.---.47.132) 13 avril 2007 12:39

        Comme quoi, une société qui veut survivre doit savoir intégrer (récupérer, phagocyter) ses « déviants ».......


      • aquad69 (---.---.33.228) 13 avril 2007 16:53

        C’est bien là le désastre : ce maudit système digère vraiment tout...


      • arturh (---.---.119.98) 13 avril 2007 15:19

        Aujourd’hui, le rebelle, c’est Sarkozy


        • (---.---.236.126) 13 avril 2007 18:50

          J’adore les midinettes fonctionnaires en mal de loser !

          Allez en string, dans la rue pour défendre votre reine déchue...

          La petite gauche a perdu son âme en même temps que sa virginité !

          Faut que ça glisse, met de l’huile.

          Et garde ton centre, à défaut de ta droite...


          • Thomas Roussot Thomas Roussot 14 avril 2007 00:34

            Beau style.


            • armand (---.---.35.214) 14 avril 2007 11:25

              Toutes les époques ont recyclé leurs rebelles. Les légitimistes sous la Monarchie de Juillet (car, assurément, être légitimiste en 1830 était aussi rebelle que d’être républicain) sont devenus les vieilles barbes de la IIIème République - voyez Victor Hugo. Des communards qui ont survécu à 1871 sont devenus des antisémites fervents vingt ans plus tard (Cluseret), et les anarchistes qui peuplaient les garnis et les mansardes de Montmartre an 1900, quand ils ont survécu à la Guerre de 14, la pauvreté, la maladie, sont devenus des notables dans le monde des arts et des lettres. Lisez ce que Dorgelès a écrit à leur propos.

              Mais ’rebelle’, comme tant d’autres appellations, est devenu une ’attitude’ - c’est le mot qui tue, qui réduit toutes les manifestations extérieures d’une pensée ou d’une passion à un ’look’ sans consistence, c’est le détournement systématique du signe de son contenu.

              Quant aux maos et autres totalitaires rouges des années ’60 et ’70 je leur reprocherai, dans bien des cas, le refus de reconnaître le soutien qu’ils ont apporté aux pires massacreurs et tortionnaires de l’époque, voire même leur complaisance vis-àvis de leurs errements de jeunesse (mention spéciale pour Gérard Miller). On a suffisamment reproché l’engagement des Longuet ou Madelin dans des mouvements d’extrême-droite de ces années-là (composés, le plus souvent, d’étudiants qui refusaient tout simplement la chape de plomb marxiste), alors qu’il y avait largement ’autant de bêtises à faire à gauche’,pour reprendre les termes d’Ernst Jünger.


              • gAZi bORAt (---.---.164.192) 16 avril 2007 11:10

                « A propos des bêtises de jeunesse.. »

                Il va de soi que je ne partage pas votre positionnement politique mais cependant, j’ai plus d’indulgence vis-à-vis des erreurs de jeunesse de Longuet, Madelin et Devedjian dans la mesure où elles constituent une étape logique dans les milieux dont ils sont originaires. Ils sont ainsi passé d’opinions extrêmes à des opinions plus modérées en restant dans le même camp..

                Pour ce qui concerne les ex-maos.. Issus de la bourgeoisie, ils sont allés prôner un temps l’extermination de la classe dont ils étaient originaires pour ensuite passer, non seulement dans le camp opposé mais pour y prendre de plus des positions, notamment à propos du soutien aux options les plus dures de la politique étrangère américaine ...

                L’erreur est humaine, certes... Mais la persévérance dans l’erreur n’est-elle pas diabolique ?

                gAZi bORAt


              • bob (---.---.22.134) 15 avril 2007 13:05

                J’aimerais avoir une pensee emue pour les soixante huitards : Eleves dans le confort d’une societe materialiste et enrichie, sans peur des lendemains economiques et sociaux, trouvant sa place dans les ecoles et les universites, eleves dans une morale non extremiste, ces gens la se sont revoltes contre cette situation qu’ils vecurent comme intenable. Desormais, ils serait interdit d’interdire.

                Par consequent :
                - Les banlieues flambent
                - le chomage est sans commune mesure avec ce qu’il etait dans les 30 glorieuses
                - l’avenir pour les jeunes est aussi bouche qu’un embouteillage a Paris en heure de pointe
                - le choix des diplomes est restreint puisque l’avenir de l’etudiant l’est davantage
                - le pouvoir d’achat s’est ecroule meme si les gadgets technologiques sont plus nombreux
                - l’immobilier a grimpe a un tel point que se loger est devenu un luxe
                - Les religions traditionnelles sont deconsiderees au profit de sectes et de fondamentalistes
                - le crime flambe et ce quelqu’il soit
                - le taux de natalite s’effondre
                - l’exploitation de l’homme par l’homme explose.
                - ...

                La liste n’est pas exhaustive mais la place et le temps me manquent pour tout ecrire. Les soixantes huitards ont allume la meche d’une bombe qui explosera des qu’ils partiront a la retraite. Elle eclaboussera toute la societe francaise sacrifiee aux ideaux utopiques d’une generation qui n’a jamais fait appliquer ces preceptes des qu’elle etait au pouvoir.Pensez vous reellement que les generations suivantes doivent soutenir ces gens ?


                • Aetius (---.---.231.63) 15 avril 2007 14:37

                  Oui, pensée émue à la génération de 1968, la première génération d’Européens qui mourra massivement dans son lit.

                  Elle a certainement ses défauts, mais ils me paraissent quand même moindres que ceux des générations précédentes qui ont succombées aux pires atrocités.


                • dom y loulou dom 1er juillet 2007 21:54

                  décidément Emmanuelle, vous êtes de ceux qui disent que si des nazis vous intiment l’ordre de tuer un enfant vous le ferez de peur d’être un rebelle devant Dieu. C’est très évangélique ou quoi ?... mais absolument abscon.

                  On peut être parfaitement rebelle à l’idolatrie justement pour être fidèle à des valeurs bien plus profondes que sont le souci de vérité et l’humilité qui n’a rien de lâche.... mais vous savez sans doute mieux que l’esprit saint qui se déverse sur nous.

                  Dommage que vos croyances vous empêchent justement d’entendre ce que l’esprit dit aux églises. Et celui-ci, le complexé... ne se prend justement pas pour Dieu contrairement à toute une civilisation dont les tenants préfèrent maîtriser les hommes plutôt que de leur faire confiance.

                  Alors vos relents intégristes sur le rebelle... il n’est simplement pas là où vous le voyez, à aucun moment ne demanda-t-il qu’on le protège par des moyens militaires et tous les jours se rebelle-t-il contre l’ignorance et l’obscurantisme de la guerre et de ces dits gentils qui tordent le monde et empêchent l’évolution de s’accomplir.

                  Mais c’est infiniment plus difficile que de taper sur un type que le monde des championats désavoue, ça c’est de la rébellion contre Dieu, rien d’autre... mais vous avez sans doute la science infuse ? Donnez-moi votre adresse et je viendrai prendre des cours... smiley Vous feriez sans doute mieux de savourer les belles forces qui circulet par sa prière et du fait qu’il a quand même justifié tous les enseignements et le remercier de vous avoir montré ce que vous n’auriez rêvé voir. Mais c’est de votre attente envers lui que vous êtes frustrée pas réellement de ce qu’il est, un type comme un autre, mais ayant un coeur débordant et tout sauf tiède, alors révisez votre jugement « divin », lisez les textes apocryphes et vous comprendrez mieux son parcours, parce que vous vous êtes vraiment arrêté sur un jugement qui vous plait bien sûr puisqu’il vous décharge de toutes responsabilité... mais il n’y a malheureusement que le mal de ce monde pour vous inspirer celà.

                  et puis excusez qu’il parle à la troisième personne mais puisque votre altesse trouve indigne de s’adresser directement à lui est-il obligé de prendre des postures absolument grotesques pour vous répondre. smiley

                  C’est vraiment dommage que vous n’ayez fait que de tordre la perception de ce qu’il vous envoyait parce que vous seriez au courant des sept forces de Dieu qu’il nous faut invoquer et du lien évident qu’il y a entre les différentes facettes de l’enseigneur, même le pater noster de notre Seigneur Christ, la conscience solaire, est une réadaptation de l’invocation d’Hermès, en passant par les sept rayons du Seigneur d’Abraham, le Dharma de Krishna ou les sept joyaux du Bouddha. Le pater noster est une réinterprétation - reprenez-le, ne croyez donc pas tout connaître parce que vous croyez en Jesus, quoique celà veuille dire pour vous... mais votre manière de frapper un homme à terre devrait vous amener à vous souvenir des paroles de celui que vous vénérez sans aller jusqu’au bout de ce qu’il percevait : - Ce que vous faites à l’un de ces petits, c’est à moi que vous le faites. Peut-être avez-vous oublié que nous sommes tous des enfants. Pour voir le gros affreux il vous faudra sans doute encore attendre vingt ans. Aimez et vivez simplement et soyez plus honête avec la vérité - septième force de Dieu et continuez à apprendre, car il n’y a rien de pire que les gens qui croeint tout savoir, ce qui n’est pas le cas du complexé comme vous dites. smiley

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