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Accueil du site > Tribune Libre > Résistons au « business de la peur » !

Résistons au « business de la peur » !

Depuis des années en bons spectateurs que nous sommes nous acceptons d’être intoxiqués par ces journalistes qui, en mal de notoriété et de reconnaissance, nous distillent à qui mieux-mieux des dénonciations et des pseudo-scandales. Alors c’est vrai, les temps sont durs pour la presse, il faut faire face ! Le secteur de la presse comme tant d’autres est en crise, une crise qui depuis une dizaine d’années est devenue chronique à cause du trop puissant web. Cette crise, nous en voyons les effets tous les jours, que ce soit dans la presse écrite contrainte de faire des mariages consanguins, ou dans des appels aux dons des médias on-line qui eux non plus n’arrivent pas à tirer leur épingle du jeu : bref, on le sait tous maintenant la presse est en crise !

Malgré cette crise, on laisse cependant des tas de petits jeunes se bercer d’illusion et croire que l’on peut encore aujourd’hui vivre de la profession de journaliste en France. Mais c’est faux, je connais des dizaines de journalistes que vous entendez, lisez et voyez tous les jours et qui pourtant sont des pigistes (payer à la pige). Pour la presse écrite, collaborateurs réguliers de journaux mais payés à l’article et pour la TV et la radio, les mieux lotis, sont dotés pour quelques mois de contrats à durée déterminée, de six mois maximum renouvelables si les concepts qu’ils proposent sont susceptibles de rapporter de l’audience et donc du cash. Dans certaines rédactions, des journalistes font même des concours pour savoir celui qui a le plus grand nombre de CDD, d’après mes infos le recordman a dépassé les 300, normal cela fait 20 ans qu’il bosse pour la même chaine, mais qu’il n’a jamais réussi à obtenir un CDI. Bref, la précarité n’existe pas que sur le port de Ouistreham, mais infiltrer une rédaction pour montrer la précarité des journalistes c’est moins vendeur, malgré tout le respect que j’ai pour Florence Aubenas…Mais je m’éloigne de mon propos …

De quelles solutions disposent ces journalistes pour exister dans cet univers de crise et survivre dans la précarité ? Il y a encore quelques années on disait que, pour faire carrière, un journaliste devait trouver un scoop ou plutôt le scoop : l’information qu’il était le seul à avoir et qui allait lui assurer de sortir du lot. Et celui qui sortait du lot avait droit à un contrat ! Mais plus les temps devenaient durs, plus la presse s’enfonçait dans la crise et moins il était facile de le trouver ce scoop. Le système s’est donc perverti et, au fur et à mesure, quelques journalistes un peu moins scrupuleux se sont dits que ce scoop finalement on pouvait aussi le créer car le contexte était favorable : la crise de la vache folle venait d’atteindre sérieusement notre confiance de consommateur et le nuage de Tchernobyl n’en finissait plus de s’arrêter aux Alpes… Dans cet état d’esprit craintif, quoi de plus facile que de surfer pour des gens sans éthique ni morale, sur ces craintes pour la santé et l’environnement, et de trouver régulièrement un scandale à dénoncer ?

Et c’est ainsi qu’est apparu ce qui aujourd’hui est un véritable phénomène de presse, le « business de la peur ». Vous voulez vendre, faite peur ! Vous voulez être écoutés, faite peur ! Vous voulez être regardés, faite peur ! Et le pire c’est que cette nouvelle tendance a pris racine dans notre culture médiatique, telle une mauvaise herbe, et que maintenant elle est partout. Car comment croyez-vous que les journalistes plus anciens, plus scrupuleux ont pu résister à ce mouvement de fonds ? Malheureusement, beaucoup ont rejoint le mouvement chacun dans son domaine, et aujourd’hui est-il outrancier de dire que la presse nous fait peur ? je ne le pense pas ! Si je prends quelques exemples rapides dans différents sujets. L’économie fait peur et à chaque jour une nouvelle crainte émerge, l’environnement fait peur l’air, la mer, les sols, sont pollués, les collectivités locales font peur, elles sont au bord de la faillite, la politique fait peur, Sarkozy était présenté pendant la campagne présidentielle comme le nouveau dictateur, la consommation fait peur chaque jour un nouveau produit est dénoncé pour ses effets néfastes, l’agriculture fait peur, l’algue est devenue « tueuse » : les plages mortelles, l’été fait peur car s’il fait trop chaud c’est la canicule, l’apéro est devenu criminel, internet le repère de tous les vices et de toutes les perversions…

Si vous êtes encore sceptiques, prenez le journal devant vous et regardez combien d’informations il contient qui ne sont pas destinées ou de nature à susciter chez vous la peur ? Mais surtout quelles preuves viennent étayer ces affirmations bien trop souvent outrancières ? Combien de nouveaux experts apparaissent tous les jours, experts sans qualifications reconnues, spécialistes sans diplôme ?

Il y a une variante à ces pseudos experts/spécialistes : le journaliste enquêteur. Nouvel icône des rédactions, il va, bien souvent, se contenter de mener son enquête depuis son ordinateur, sans même maitriser les moyens qui permettent sur le grand web de vérifier la crédibilité d’une source… Mais il prendra pour acquis l’angle croustillant et anxiogène que lui proposera un illuminé du troisième jour qui aura trouvé la vérité auprès du professeur Nimbusky (habituellement affublé d’un nom slave, se terminant en « sky », parce qu’il n’y a pas d’archive scientifique dans les pays de l’ancien bloc de l’Est), lui-même obligé de publier en cachette (un nouveau concept), car le Big Brother officiel cherche à détruire ses travaux car ceux-ci nuiraient aux intérêts du grand capitalisme (la théorie du grand complot revisité)… Mais les conclusions de ces soi-disant travaux scientifiques rendus publics dans une émission « sérieuse » en « prime time » viendront contrebalancer et parfois même sérieusement ébranler les conclusions contraires d’une cohorte de scientifiques, qui eux ont le tort d’être des scientifiques et non des « personnages médiatiques », et qui ne sauront pas simplifier leur discours pour le rendre compréhensible par chacun d’entre nous, et surtout qui auront la faiblesse ultime d’être rassurants. Ce système n’est-il pas déjà tellement ancré dans nos inconscients que nous sommes incapables aujourd’hui d’accorder un tant soi peu de crédibilité à un expert rassurant ? J’espère de tout mon cœur que ce n’est pas le cas, et aujourd’hui je vous appelle à entrer en « résistance » pour rompre ce business et pour rappeler à cette presse déviante les fondamentaux de sa mission et l’éthique de sa profession. Oui, tout le monde doit vivre dignement mais mesdames et messieurs les journalistes vous, qui vous reconnaitrez dans mes propos, pas à ce prix !

A mon tour, je dénonce (eh oui vous n’êtes pas les seuls) non comme expert ou comme spécialiste, mais comme simple citoyen, cette tendance qui nous transforme peu à peu en névrosé de la consommation, de la santé et de l’environnement. Mais, une autre raison domine à mon propos : j’ai énormément de respect pour les journalistes consciencieux, les reporters pour qui la vérité est plus qu’une cause, elle est une raison d’être et de vivre. Or, le discrédit que nos businesseurs de la peur jettent sur la profession dans son entier est terriblement regrettable et nous amènera bientôt à confondre information et spectacle et à définitivement oublier ces derniers Croisés de la vérité.

Enfin, à force de nous inventer des peurs quand saurons-nous quand il faudra vraiment avoir peur ?

Si comme moi, vous voulez faire cesser ces dérives, emparez-vous de ces propos, faites les vôtre, même, si vous le souhaitez, mais parlons en !

Et vous, camarade journaliste qui refusez ce business, parlez en !

Oui, du buzz contre le business de la peur !


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3 réactions à cet article    


  • Plume-plume 18 mai 2010 00:32

    Vu le reportage que vient de nous balancer la 3, t’as raison Gepetto, quelle manip ?
    « Du poison dans l’eau du robinet » mais finalement pas plus que dans la bouffe, dans la maison, dans l’air ...
    Ca fait une semaine que tout le monde nous bassine avec soi-disant un reportage remarquable, ... circulez y’a rien a voir !
    En tout cas ton appel je le relaie ! Merci d’avoir osé le dire.


    • renato666 18 mai 2010 09:30

      Bonjour.


      O.K à 100 % avec cette analyse des médias d’aujourd’hui, presse écrite et télévisuelle confondues.
      De mon point de vue les médias utilisent depuis longtemps ce vieux ressort de la peur qui asservit le lecteur, l’auditeur ou le téléspectateur à sa source d’information.
      Chacun sait que, en France particulièrement, on est plus intéressé par les trains qui sont en retard que par ceux qui arrivent à l’heure. Le bonheur ou la réussite des autres, il n’y a rien de plus ennuyeux.
      Cet état de fait permet en plus aux médias de se poser en « défenseurs de la vérité » et aux hommes politiques complices de ces médias officiels, propriétés de financiers qui les soutiennent, de contrôler l’opinion publique en l’amusant avec des sujets anxiogènes.
      Beaucoup plus facile de gouverner avec la peur qu’avec la conscience.
      Et le phénomène de racolage médiatique s’accentue aujourd’hui de plus en plus, à mon avis, avec l’entrée du « people » et de la rumeur dans le champ de l’information. Une bénédiction pour tous ceux qui veulent détourner le citoyen des vrais problèmes en utilisant et encourageant son penchant pour le voyeurisme.

      Arrivée d’un nouvel acteur médiatique, et pas des moindres : internet, objet de toutes les critiques, à la fois des médias traditionnels qui voient là arriver un sérieux concurrent, et des politiques que ce nouveau média, pour l’instant incontrôlable, dérange au plus haut point .
      Ce nouvel arrivant est pourtant, pour moi, une bénédiction pour la véritable information et la liberté d’opinion car, espace de liberté mais non de vérité, il va nous obliger, par la pluralité de ses sources qui nous donnent tout et son contraire, à cultiver notre discernement, ce qu’évitent les médias traditionnels habitués à nous servir de l’info triée et prédigérée par leurs soins.
      Et, 2ème bonne nouvelle, les générations montantes utilisent en majorité cette nouvelle source d’information. 

      • Servane Servane 20 mai 2010 17:34

        Gepetto, si vous avez le temps, je vous engage à aller lire et à réagir a un post édifiant illustrant les résultats de ce type de manipulation sur ce même site « l’eau en robinet ... »
        Avec tout mon soutien, Servane

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Gepetto


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