Le gouvernement avait pour mission, donnée par le président E. Macron selon son engagement de campagne, de simplifier le système des retraites pour le rendre plus juste et plus lisible. Son slogan était d'une limpidité égalitaire : "un euro cotisé donne les mêmes droits à la retraite". Mais comme le diable est dans les détails...
Avec le dernier rapport du COR (Conseil d'Orientation des Retraites) annonçant un déficit dans la décennie prochaine, les cartes ont été rebattues ... par le gouvernement qui a lui-même en grande partie creusé ce déficit. D'où l'introduction de l'âge pivot à 64 ans, non prévu dans la réforme systémique. Le véritable bon sens pour rééquilibrer le système n'est pas que "l'espérance de vie augmentant, il est normal de travailler plus" (pour contenir la hausse démographique des retraités et la baisse des actifs), vu que personne n'est égale dans la santé, mais de chercher de nouvelles recettes (cotisations et fiscalité ad hoc) * . Le gouvernement affirme que "toutes les options sont sur la table", mais déjà la hausse des cotisations est balayée d'un revers de main, s'alignant ainsi sur la position du Medef.
En l'absence du plan gouvernemental sur la transition (officiellement la clause du "grand-père" est abandonnée), voici les grandes lignes de mon contre-plan, à appliquer dès juillet 2020, le temps jouant à creuser le déficit :
1) régime général :
- abandonner l'âge pivot d'équilibre et son système arbitraire et injuste du bonus / malus (pour rappel +/- 5% = +/- 8 trimestres validés),
- durant la période de transition vers la disparition totale et définitive de tous les régimes spéciaux (10 à 12 ans, voir plus bas), permettre d'accumuler jusqu'à cinq trimestres validés par an pour pallier les ruptures de carrière et prendre en compte une fraction de trimestre (par tiers soit 50 h cotisées), moyennant une faible hausse partagée des cotisations-retraite et/ou de la fiscalité * : "Un tiens ne vaut-il pas mieux que deux tu l'auras" ?
2) régimes spéciaux :
- retarder le départ à la retraite des régimes spéciaux de six mois par an, jusqu'à l'alignement sur les 62 ans,
- abaisser dès 50 ans pour tous les salariés avec compte de pénibilité / risque exposé, le temps plein des CDI à 80 %, pour soulager la charge de travail devenant insupportable selon certains grévistes, pour un passage en douceur vers l'inactivité et avec un salaire restant supérieur au montant d'une pension, mais surtaxe des charges patronales, jusqu'à ce que l'employeur offre un poste non pénible et/ou non exposé,
- pour les enseignants et autres fonctionnaires, chaque trimestre, allonger de six mois la prise en compte du salaire moyen : en douze ans, ce régime sera basé sur les vingt-cinq dernières années, proche des vingt-cinq meilleures années du régime général,
- négocier entre partenaires sociaux une durée maximale et/ou un âge limite de pénibilité / risque exposé dans une carrière, selon les branches professionnelles
3) - dans la gouvernance du nouveau régime universel, les partenaires sociaux, selon la situation financière de l'année (comme le budget pour une copropriété), proposeront au gouvernement au choix trois solutions pour maintenir l'équilibre et le niveau de pension : a) augmenter (ou baisser) le montant des cotisations retraite, b) augmenter (ou baisser) la fiscalité, c) jouer sur les deux *. Ainsi, le gouvernement n'aura plus jamais de prise paramétrique (l'âge de départ devient immuable) sur le dossier des retraites
- cumul emploi-retraite possible pour toute personne jusqu'à ses 70 ans ("jurisprudence Delevoye") où le temps de travail (avec cotisations) à mi-temps maximum et la retraite différentielle selon le principe appliqué aux chômeurs indemnisés.
Beaucoup de salariés et autres des régimes spéciaux poursuivront la grève pour conserver leurs acquis, dont une caisse excédentaire, mais cette grève est aussi une grève par procuration d'autres salariés, ceux du régime général, craignant encore le retour d'un allongement de la durée de cotisation et/ou le report de l'âge légal de départ à la retraite. Chaque corporation se bat pour conserver ses acquis selon le statut, la pénibilité, et au final y gagnera, soit comme jusqu'à présent au détriment du régime général, soit au détriment de tous les contribuables mais en différé (pour financer les "cadeaux distribués" à des régimes spéciaux) . Mais pense-t-elle aux "outsiders" du marché du travail, tels les chômeurs (dont des seniors), les contractuels de l'éducation nationale, etc. ?
Je ne suis plus naïf : ce contre-plan n'a aucune chance d'être suivi par nos dirigeants élus, faussement généreux, qui se moquent des avis de citoyens contributeurs, qui ne sont pas tous anonymes ou sous pseudonymes (cf. Grand Débat et autres Consultations numériques), comme des syndicats, d'autant plus que la plupart des salariés de ces régimes spéciaux se montrent franchement - et hélas pour des progressistes - égoïstes, "masochistes" ou vénaux, au choix. Mais il a le mérite d'exister et de faire débat, comme mon premier plan * aurait dû faire s'il était lu, alors que le déficit annoncé est nettement moins important que la dette publique, dont un déficit budgétaire récurrent *.
* cf. "Le Plan C" ou "A la recherche des équilibres perdus" (2014), contenant mes propositions chiffrées et détaillées par catégorie professionnelle pour un retour à l'équilibre
Philippe POINSOT de Dijon