Retraites : la vraie réforme reste à faire !
Les réformes des retraites « Balladur » en 1993 et « Fillon » en 2003 sont souvent présentées par leurs initiateurs ou par les médias, qui ne font malheureusement que « survoler » le dossier, comme des modèles de réforme par excellence.
Pourtant, ces deux réformes successives ne sont en réalité que des mesures partielles et comptables, destinées avant tout à contenir le déficit de la branche vieillesse du régime général de la Sécurité sociale, en abaissant le niveau des retraites, sans même en garantir le financement futur.
Entre ces deux dates (1993-2003), Lionel Jospin, pendant ses cinq années de gouvernement, s’était contenté uniquement d’abonder un fonds de réserve pour les retraites (FRR) et de commander un énième rapport sur les différents régimes de retraite mais en se gardant bien d’abroger les mesures Balladur de 1993...
Aujourd’hui, à l’approche de l’élection présidentielle, le déficit de la branche vieillesse s’annonce comme un enjeu de taille car, trois ans après l’adoption de la loi Fillon, le déficit prévisionnel de 2,2 milliards € à la fin 2006 serait de l’ordre de 4 milliards € à la fin 2007.
Les propositions de Nicolas Sarkozy s’inscrivent dans la continuité de la réforme Fillon de 2003 : les salariés devront travailler plus longtemps, et si ce n’est pas suffisant, les cotisations sur salaires seront augmentées, le montant des pensions baissant déjà de façon régulière depuis la réforme Balladur.
François Fillon, ex-ministre « remercié » par Jacques Chirac, est d’ailleurs devenu l’un des principaux conseillers politiques de la campagne présidentielle du candidat UMP.
Quant à Ségolène Royal, dans son pacte présidentiel, elle se borne sur ce sujet, comme d’ailleurs sur les autres, à une litanie de bonnes intentions, sans l’ombre d’un début de propositions concrètes. Il est simplement indiqué au point 47 : « Sécuriser les retraites en ouvrant avec les partenaires sociaux une large négociation » sur une série de points particuliers mais dont sont absents la réforme du mode de financement des retraites du régime général ou l’abrogation des lois Balladur et Fillon.
Aujourd’hui, de nombreux salariés ne se font plus guère d’illusion sur une possible alternance en avril 2007 et ont tendance à partir dès qu’ils le peuvent par crainte d’un durcissement à venir de la législation de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) après la fin 2008.
Avant
A l’été 1993, la réforme Balladur était complètement passée inaperçue des organisations syndicales. Il est vrai qu’Edouard Balladur avait choisi le moment propice pour porter ce mauvais coup aux salariés. Il est vrai aussi que les dirigeants syndicaux n’avaient pas tout à fait réalisé, à ce moment là, que cette réforme ne produirait véritablement tous ses effets qu’au bout de quinze ans...
Les mesures Balladur ont modifié notamment :
- les règles de calcul du SAM (salaire annuel moyen) qui était calculé sur les 10 meilleures années de salaire et qui est calculé maintenant sur les 25 meilleures année ;
- l’indexation automatique des pensions qui était basée sur l’indice d’augmentation des salaires et qui est basée maintenant sur l’indice des prix, beaucoup moins avantageux pour les salariés.
Sur la base de
La loi Fillon du 21 août 2003, malheureusement avalisée par trois organisations syndicales, dites elles aussi « réformistes », mais qui ont fait preuve pour le moins d’une grande naïveté politique (CFDT, CFTC et CFE-CGC), aggrave encore considérablement la situation en prévoyant :
- l’allongement progressif à 41 ans en 2012 (si nécessaire 42 ans en 2020) de la durée d’assurance pour obtenir une pension à taux plein de 50% avant 65 ans ;
- La réduction progressive à 5% par année manquante d’ici à 2013 de la décote en cas de liquidation avant 65 ans sans réunir les conditions du taux plein.
Pour la fonction publique,
- de porter à 40 ans en 2008 la durée de services requise pour obtenir la pension maximale contre 37,5 ans aujourd’hui. Comme pour le secteur privé, cette durée sera portée à 41 ans en 2012 et, si nécessaire, à 42 ans en 2020 ;
- de créer une décote en cas de départ en retraite avant de totaliser la durée de service ouvrant droit à la pension maximale, qui sera progressivement portée à 5% par année manquante à partir de 2015.
Le nombre d’annuités pour une retraite à taux plein pourrait donc dépasser 42 ans en 2020, voire plus puisque
En théorie, le montant des retraites est censé ne pas diminuer si les salariés peuvent travailler jusqu’à la date où ils auront le nombre de trimestres nécessaires au versement d’une retraite à taux plein. Mais en pratique, la réalité sociale est bien différente car la durée moyenne de carrière d’un salarié du secteur privé n’excède pas 37 années.
Au cours des dernières années avant la retraite, de nombreux salariés sont en effet au chômage, en préretraite ou en en invalidité et n’arrivent pas à 40 annuités de carrière réelle, soit 160 trimestres. Cette situation sera pire lorsque la durée de cotisation nécessaire, pour obtenir une pension à taux plein, dépassera les quarante années de versement. Au lieu d’être maintenu et protégé, le niveau des pensions baissera alors dans des proportions considérables entre 2010 et 2040.
Pour éviter de telles conséquences, il est nécessaire d’abroger les lois Fillon et Balladur mais cela ne sera pas suffisant si une réforme du financement de laSécurité sociale n’est pas entreprise immédiatement.
Les traditionnelles cotisations salariales et patronales ne sont plus adaptées et sont suffisantes pour faire face au besoin nouveau de financement dû au vieillissement de
Pour les entreprises également, les taux de cotisations s’appliquent sur les seuls salaires. Les sociétés avec de nombreux salariés de main-d’œuvre notamment, ayant une forte masse salariale mais une faible valeur ajoutée, se trouvent pénalisées par rapport à d’autres, à faible masse salariale mais à haute valeur ajoutée.
De plus, la part des salaires dans la richesse produite chaque année a baissé de 10% en 30 ans, ce qui accentue encore un peu plus les problèmes liés au financement.
Au lieu d’entrevoir constamment des solutions basées sur les seules augmentations de taux de cotisations (et/ou baisse des prestations), il conviendrait mieux d’introduire un financement complémentaire, basé sur l’impôt progressif sur les revenus et la valeur ajoutée pour les entreprises.
Un tel financement présenterait un quadruple avantage :
- le règlement du problème du déficit de la branche vieillesse du régime général, voire de l’ensemble des branches de la Sécurité sociale, grâce à des rentrées financières nettement plus importantes ;
- une ponction financière plus juste, aussi bien pour les salariés que pour les entreprises ;
- un traitement identique pour tous les citoyens : actifs, retraités, salariés du secteur privé, fonctionnaires, artisans, commerçants, professions libérales, chefs d’entreprises, etc. ;
- une augmentation sensible des salaires nets par un arrêt de la hausse continue des taux de cotisations depuis plusieurs dizaines d’années.
Un tel financement mixte existe déjà pour les régimes spéciaux de retraite, notamment ceux des gaziers, cheminots, agents de la RATP, financés à plus de 60% par des subventions de l’Etat. Au nombre de quinze, ces régimes sont également déficitaires compte tenu de leur histoire, du niveau des avantages servis et des perspectives démographiques.
Le COR a calculé que le retour à la durée moyenne réelle de 37,5 annuités de cotisation pour les salariés du secteur privé ne représenterait que 0,3 point du PIB annuel en 2040.
C’est donc avant tout un « choix de société » qui peut être fait à égalité pour le public et le privé, encore faut-il en avoir la volonté politique et décider dorénavant de faire appel à la solidarité nationale plutôt qu’ à une nouvelle contribution des seuls salariés...
19 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON