Retraites, Sécu, Alloc’, Fraudes Fiscales : En Finir avec les Préjugés !
Préjugés, Raccourcis, Amalgames, Faux Chiffres. Curieux
comme les grands problèmes socioéconomiques de la France peuvent se
transformer en occasions de diviser la population.
Alors même qu’un président de la République est élu pour rassembler le
bon peuple, ses électeurs comme ses opposants, une fois au pouvoir,
suivant ses compétences, sa lucidité et son caractère, il pourra
malheureusement en venir à l’extrême opposé : diviser pour mieux régner.
Et Nicolas Sarkozy fait malheureusement pour nous partie de cette
catégorie.
Préambule
Sur le thème du déficit public, il est de coutume de réduire les dépenses publiques - synonyme de faire des économies - qui passe immédiatement par la case : réduction du poste de fonctionnaires avec ce leitmotiv bien huilé du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux.
Parallèlement on essaye de s’assurer que les personnes soumises à l’impôt, le versent bel et bien. Logique implacable. Et étrangement, tel un réflexe après un stimulus, le français moyen voit flamber dans la presse le thème de la fraude sociale, avec en toile de fond évidemment, l’immigrant (clandestin ou non) arnaquant au choix la CNAF (caisse nationale d’allocation familiale), la Sécurité Sociale ou l’ancien ASSEDIC.
De président en président, de gouvernement après gouvernement, de remaniement en remaniement, gauche comme droite, les mêmes stratagèmes démagogiques et inefficaces creusant toujours un peu plus un trou béant dans les caisses, quand ce trou n’est pas purement virtuel !
Une caisse, quelle soit de retraite, d’allocation familiale, de santé, c’est exactement comme un budget personnel, une tirelire pour enfant, ou le tiroir de la caissière : il y a les dépenses et les recettes.
Plus on sort de l’argent, moins il y a d’argent. Plus on met de l’argent, plus il y en a à l’intérieur permettant même de faire face à d’éventuels imprévus.
La complexité du problème de « trou » vient fort logiquement de ces sorties et entrées d’argent : les causes légales (notamment les niches fiscales…), les causes illégales (arnaque, fraudes et abus en tout genre…) et les causes que l’on pourrait qualifier de « semi-légales » dans la mesure où la loi prévoyait une rentrée d’argent mais la loi n’est appliquée sur le terrain, par on ne sait quel hasard…
Autre principe, avant de rentrer dans le vif du sujet avec des exemples chiffrés, celui du robinet qui fuit. Quand ceci vous arrive, la première chose à faire est de…fermer l’arrivée d’eau, quand c’est techniquement possible. Ensuite de voir d’où vient exactement la fuite puis d’apporter les divers outils de collecte des eaux perdues ainsi que le matériel pour réparer, si tenté que cela soit techniquement faisable.
De plus, entre plusieurs trous à boucher, pour un travail de réparation quasi-équivalent, le bon sens implique de colmater le trou le plus grand et donc laissant passer le plus d’eau. Étonnamment dans la comptabilité à la sauce politicienne, rien de tout cela, mais dans la mesure où l’influence des lobbies demeure plus forte que le but initial « avoir les pieds au sec », quoi de plus normal ?
Maintenant que tout est place, les chiffres qui parlent finalement d’eux-mêmes. Inutiles en effet d’y ajouter les inepties d’un Eric Woerth, les prédictions d’une Christine Lagarde ou les délires d’un Alain Minc ou les préjugés éhontés d’une Laurence Parisot.
Rassurons les gens de droite, piquées au vif dans leur orgueil, les Fabius, Rocard et autres Strauss-Kahn ont fait aussi bien du temps où ils étaient au pouvoir en France.
Fraudes Globales = 1/3 Fraudes Sociales + 2/3 Fraudes Fiscales
Ces quelques chiffres demeurent d’une extrême limpidité pour peu que l’on s’en réfère aux bonnes sources. Selon le Parisien, les fraudes sociales en 2009 s’élevaient entre 540 et 800 millions d’euros. De quoi alimenter les conversations de bistrots basées sur les stéréotypes classiques.
Pas de chance, à y regarder de plus près, la CNAF, la Caisse Nationale d’Allocation Familiale et donc la mieux placée pour confirmer ou infirmer l’information…dément formellement : les fraudes s’établissent en fait à « seulement » 79,77 millions d’euros, CNAF qui précisait viale Monde que plus de 96% du montant indiqué par le Parisien était en fait restitué. En revanche, une hausse des fraudes sociales (de 6 à 7 fois plus) entre 2008 et 2009 a bien été constatée.
Ah la niche !
Autre classique, les niches fiscales. A l’instar des fameux chasseurs des Inconnus, il y a les bonnes niches et les mauvaises niches.
Les « bonnes » : celles qui permettent de créer de la richesse, d’augmenter la consommation, d’améliorer réellement la qualité de vie tout en maintenant ou créant de l’emploi, comme employer un salarié à domicile.
Les « mauvaises » : celles qui font qui ne profitent qu’à des personnes déjà riches ou qui auraient investi dans l’isolation de leur maison quoiqu’il arrive.
Au total, les niches représentent 74,788 milliards d’euros contre… 51,8 milliards d’euros en 2008. Pour reprendre l’exemple du robinet, autant dire qu’on nage littéralement !
Dans cette dernière catégorie des « mauvaises », voici les 10 niches fiscales les plus inattendues et donc très certainement des abus de nos gentils parlementaires, nos soi-disant représentants : Vendre son cheval de course sans payer pour les plus-values (certainement utilisé par Hervé Morin pour financer son Nouveau Centre) , reconvertir un débit de boissons sans payer d’impôts sur les plus-values, journaux et magazines avec une TVA à 2,1%, plein de carburant sans aucune taxe pour les taxis (les autres professionnels de la route apprécieront)
La niche ultime !
Une des plus jolies, une des plus abjectes, une des plus symboliques de l’influence des lobbies, ici le lobby automobile et celui du puissant MEDEF, reste sans conteste cette niche baptisée sobrement « N1″. Évidemment rien à voir avec le H1N1, quoique sa dangerosité sur le budget de l’Etat comme sur l’environnement ne fasse aucun doute.
Elle consiste simplement à faire passer un 4×4 urbain, très à la mode, comme véhicule utilitaire. Toutes entreprises qui se portent acquéreur de ce genre de véhicule se voient épargnées de la TVS, la Taxe sur les Véhicules de Société. Cela revient sur 3 ans à une économie de 40 000 euros, une jolie cagnotte permettant de pallier au coût plus élevé de ce genre de véhicule forcément plus polluant qu’une simple citadine classique.
D’où la recrudescence de 4×4 Audi Q7 et autre Peugeot 4008 avec le culot d’une consommation de CO2 « maitrisée ». Marianne pleure doublement…pour les finances de l’Etat et les petits oiseaux ! (plus d’infos ici)
A la lumière de ces différents types de niches, pourquoi diable le gouvernement comme les socialistes souhaitent subitement, aveuglement (à les entendre) et officiellement supprimer les niches fiscales ? Ne serait-ce pas là encore par pure démagogie après une crise financière odieuse et destructrice ? A vouloir supprimer sans analyse fine ces niches, le risque est de faire la même opération comme pour les zones noires de Xynthia : du grand n’importe quoi, tout en laissant les niches les plus injustes.
Preuve d’une totale incohérence, à l’heure de cette razzia, le grenelle de l’environnement, parodie d’écologie à la sauce UMP, créé à lui tout seul pas moins de 10 nouvelles niches ou exonérations. Borloo considère que ses œuvres constituent de « bonnes niches » comme le précisait un ses conseillers : « On regarde toujours la seule ligne budgétaire du coût pour l’Etat. Mais il faut aussi évaluer les effets bénéfiques pour toute l’économie »
Reste à voir si parmi celles-ci, une niche du style N1 ne s’y cache pas… car comment faire confiance à un ancien avocat d’affaires, ayant eu pour client un certain Bernard Tapie, et se permettant de faire ses aller-retours Paris-Bruxelles…en avion alors même qu’il ministre du développement durable ?
Evasion fiscale
Rappelons ici la définition wikipédiesque : « La fraude fiscale est le détournement illégal d’un système fiscal afin de ne pas contribuer aux charges publiques. À l’inverse, l’évasion fiscale est l’utilisation légale de failles du système fiscal afin de réduire le montant de l’imposition. »
Exemple en pratique d’évasion fiscale « légale » aussi révoltante qu’une véritable fraude fiscale « illégale ».
Comme le notait Bakchich dans un de ces articles « Total a aussi son bouclier fiscal », que dire encore de ces pratiques habituelles de multinationales comme Total ou Renault se permettant d’engager leurs salariés français travaillant sur le sol français dans leurs filiales suisses ou d’un autre pays plus sympathique fiscalement ?
Autre cas concret : un prestataire de services se faisant facturer sa prestation effectuée en France mais via son entreprise basée sur l’Ile de Jersey ne paiera pas d’impôt sur le revenu… en France.
Sont-ce des pratiques normales dans un état de droit, dans un état au budget déficitaire, dans un état avec cette devise devenue billevesée « Liberté, Egalité, Fraternité » ? Car où sont l’égalité et la Fraternité quand les passe-droits et les failles sont légions ?
Rebondissement sur fond de crise européenne…
Mais qu’attendent les ministres (Borloo et cette niche N1) et nos parlementaires pour se retrousser les manches et faire leur boulot, eux qui aiment garder le contrôle des finances de la nation car se réclamant, quand cela les arrange, « élus du peuple » ?
Sûr qu’ils ne voient pas d’un très bon œil, que la Commission européenne veuille contrôler les budgets nationaux, avant que ces budgets pourtant honteusement déficitaires (et source du drame en Grèce). Pourtant, pour reprendre un principe cher à Monsieur Estrosi dans le domaine de la vidéo-surveillance, si leur travail de comptable des finances de l’Etat est bien réalisé, et donc s’ils n’ont rien à se reprocher… ils n’ont rien à craindre !
En ces temps d’austérité, il semblerait normal que d’une part les parlementaires et le gouvernement se serrent la ceinture sur leurs budgets de financement (fini les gueuletons, les crédits bancaires préférentiels, les notes de frais, les enveloppes d’argent) et aussi qu’ils fassent profil bas pour respecter enfin le traité de Maastricht et les 3% du PIB de déficit public à ne pas dépasser.
A moins qu’ils ne craignent que cette Commission Européenne puisse voir leurs petites manigances dans les subtiles amendements et autres niches qu’ils s’évertuent chaque mois voire chaque semaine à créer ?
A l’instar des banques, qui non contentes de voir les Etats contrôler leurs comptes après les avoir renflouées, ce sont empressées de rembourser afin surtout d’éviter ces contrôles !
Et les parlementaires europhiles devenus subitement eurosceptiques d’utiliser l’argument massue de leurs adversaires, les partis opposés à l’Europe, opposés à Maastricht, à Lisbonne : « la souveraineté nationale », un comble !
Que doit-alors penser un contribuable quand, au moment de payer son impôt sur le revenu, il s’aperçoit dans une lettre magnifique signée de la main d’Eric Woerth alors encore Ministre du Budget, que l’impôt versé va financer un budget… en déficit !
Dépenses : 419, 7 milliards d’euros Recettes : 270,5 milliards d’euros soit un déficit de 149,2 milliards d’euros en 2010. Et de retrouver la même tête à claque avec son sourire niaiseux, quelques mois plus tard, en charge de la réforme des retraites : une mutation qui promet !
Battre la retraite…ou pas ?
Justement pour les retraites, le mot d’ordre est : allongement de la durée de cotisation et donc du temps de travail (si vos finances ne vous permettent pas de racheter des années de cotisation pour partir plus tôt.)
Aberration qui n’aura échappé à personne sauf à nos têtes pensantes au pouvoir : bien souvent les seniors, dès 45 ans, possèdent le triste record d’un chômage élevé. Autant changer de piste immédiatement alors !
D’ailleurs le journal 20minutes du mercredi 12 mai précise dans un article au titre évocateur « Travaillez plus ne suffira pas » que le COR, le groupe d’études sur le retraite, sur lequel se base François Fillon et Eric Woerth pour avancer dans les négociations, a mentionné dans son rapport que les deux solutions du gouvernement, à savoir report de l’âge légal de la retraite (de 60 à 65 ans) et allongement de la durée de cotisation. (de 41 à 45 ans), solutions miracles dont on nous rabâchent pourtant les oreilles, ne suffiront pas.
Pourquoi alors tant d’entêtement ? Pourquoi tant d’obscurantisme…même du Parti Socialiste qui par la voix de sa charmante « Titine » consternait les militants de « gauche » le 19 Janvier dernier le PS brise la tabou, à condition « qu’on traite le problème de la pénibilité et qu’on traite le problème de l’activité des seniors »…avant de ravaler sa langue 3mois plus tard « Martine Aubry opposée à un allongement de la durée de cotisation des salariés » !
Grande mode du « levé de tabou » pour attaquer ouvertement et (presque) en toute impunité les acquis sociaux… Et ça se dit encore « socialiste » ?
Non, l’une des véritables solutions les plus réalistes (puisque l’effort doit être partager par tous et car « ensemble tout est possible », rappelons-nous !) est l’extension des prélèvements sociaux avec notamment une taxation des revenus financiers et une taxation des transactions.
Car comme le rappelait les membres du CNR - vous savez celles et ceux qui sont battus contre le fascisme entre 39 et 45 et pour la sécurité sociale et un régime de retraite juste et équitable - comment imaginez qu’une Europe, partie de zéro après la guerre, ayant accru ses richesses et son taux de productivité au fil des années puisse se retrouver sans un sou pour financer la retraite de ses populations ?
Un paradoxe provenant du fait que nous sommes à l’opposé du principe, pourtant cher (en apparence) à Nicolas 1er, du 1/3 pour l’actionnaire, 1/3 pour la salarié, 1/3 pour l’investissement.
Concernant la taxation des transactions, imaginons l’application de la méthode portée par le NPA et l’extrême gauche, puis souhaitée « miraculeusement » par notre vénéré parodie de président avec la taxe Tobin : un petit pourcentage serait prélevé sur toutes les transactions financières. Sachant qu’il y a des milliards de transactions financières par seconde, qu’à ce titre les systèmes informatiques des banques sont mêmes optimisés en-dessous de la millisecondes pour profiter des moindres écarts, le problème serait évidemment résolu !
Le fait qu’une telle taxe soit forcément vue d’un mauvais œil par le monde de la Finance explique-t-il que cette taxe soit tombée étrangement et subitement aux oubliettes du National Sarkozisme ?
Au final, le journal l’Humanité relance les débats en estimant - on imagine à la grosse louche - à près de 140 milliards d’euros les manques à gagner pour financer la retraite entre exonérations ou cadeaux fiscaux.
Un simple rappel du vrai ménage qui reste à faire donc : il suffit dans un premier temps d’appliquer les dispositifs qui existent déjà (versement des cotisations de la vente du tabac et d’alcool aux bonnes caisses) et de cesser cette suppression si facile si pratique des charges sociales aux entreprises (grandes ou petites) au moindre événement économique ! Si on coupe les financements, très logiquement les caisses sont en déficit. Pas besoin d’avoir son BAC, ni d’avoir fait Sciences-Po ou l’ENA pour comprendre.
Prenant le contrepied du journal communiste, radio UMP (Europe 1) nous enchantait mercredi 12 mai au matin avec une vision assez incroyable : les retraités auraient des revenus confortables avec en moyenne un surplus de 2 points par rapport aux jeunes actifs et un excèdent de leurs finances de près de 10 milliards d’euros. Pile poil le déficit du régime général de la sécurité sociale. Un raccourci tellement évident qu’il fallait qu’Axel de Tarlé d’Europe 1, spécialiste de l’économie, en parle et appuie là ou cela fait mal, en opposant simplement vieux radins contre pauvres jeunes. Radio UMP et le con-seiller du président Alain Minc seraient donc sur la même longueur d’ondes !
C’était bien évidemment oublier que tous les vieux, pardon, toutes les personnes d’un certain âge (et encore ne dit on pas que l’âge c’est dans la tête !) n’ont pas les mêmes revenus que le père d’un certain Alain Minc : l’exemple d’une femme au foyer ne touchant qu’une retraite de misère car n’ayant pas cotisée toute sa vie afin d’élever ses enfants ou l’exemple d’une personne handicapée touchant le minimum vieillesse et sa maigre prime d’invalidité.
Pour information, rappelons simplement que ce minimum vieillesse (officiellement allocation de solidarité aux personnes âgées ou ASPA) culmine à 708,95 euros en 2010 pour une personne seule et 1 157,46 euros/mois pour deux personnes bénéficiaires en couple.(source actionsociale)
Ainsi dans le pire des cas, une personne seule handicapée et bénéficiant du minimum vieillesse aura droit à 708,95 + 265,14 euros pour vivre par mois. Enlever le prix d’un loyer et on imagine l’évidente précarité de ces personnes… précarité à des années lumières de la préoccupation d’une Christine Lagarde, d’un Eric Woerth ou d’un Luc Chatel !
Et de nous poser la question : pourquoi les gouvernements successifs s’entêtent à colmater les plus petits trous avec des méthodes injustes ?
Pourquoi lutter contre 80 millions d’euros de fraudes sociales d’après la CNAF alors qu’à côté, il y a plus de 36 et 46 milliards d’euros dans la France de 2008 d’après la Commission européenne ? (source votreargent)
Pourquoi vouloir à tout prix augmenter l’allongement de la durée de cotisation sans prendre en compte la réalité économique, tout en opposant jeunes et vieux, riches et pauvres, étrangers ou français, entreprises contre particulier ?
Pourquoi maintenir un bouclier fiscal ayant prouvé son inefficacité à rapatrier les capitaux partis à l’étranger tout en supprimant les aides à la relance pour les ménages comme celles pour les TPE (Très Petites Entreprises) ?
A l’heure d’une politique de « rigueur » qui ne veut pas dire son nom, à l’heure d’une diminution drastique des dépenses sociales, là dernière des choses à faire en temps de crise économique, deux réponses viennent immanquablement : incompétence et/ou corruption.
Reste à savoir laquelle préfèrent nos politiques…
Article Original sur Cpolitic.com
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