Rétrospective des écoles psychologiques : de Freud à Reich via Paul Ricoeur

Brève présentation des écoles psychologiques en 2017, en partant d’une analyse de Paul Ricoeur sur Freud et Jung. Ballade historique et thématique en éclairant quelques suites logiques qui les unissent. Grâce à des extraits d’interwiews et un texte inédit de Paul Ricoeur, et à un grand Monsieur à l’œuvre oubliée, un médecin, psychothérapeute et philosophe, Jacques Donnars.
Le philosophe Paul Ricoeur a resurgi dans les médias en 2017 avec l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République. Enfin un « président-philosophe », m’a répété l’un de mes interlocuteurs ; l’actuel chef de l’Etat est en effet auteur d’un mémoire de maîtrise sur Machiavel, d’un article perspicace dans la revue Esprit, « Les labyrinthe du politique », et d’une intéressante fiche de lecture sur La mémoire, l’histoire et l’oubli, un ouvrage important de Paul Ricoeur (sur Monsieur Macron, voir sur Mediapart « Emmanuel Ricoeur et Paul Macron », 8 juin 2017, par christophe courtin, Le blog de christophe courtin). Je me suis donc ré-intéressé à Paul Ricoeur et il m’est apparu qu’il pouvait éclairer la manière dont se sont construites les écoles de la psychologie. Paul Ricoeur apparaît comme un maître qui « donne à penser », non comme un maître à penser, ce qui en fait l’un des grands humaniste du XXe siècle et du début du XXIe… et ce qui fait aussi que je ne m’étais jamais intéressé à lui. J’ai voulu partager ma découverte de ses analyses extraordinaires de Freud, mon étonnement quand j’ai découvert qu’il s’était aussi intéressé à Carl Gustav Jung.
LA METHODE RICOEUR
Deux éléments frappent particulièrement qui s’intéresse à Paul Ricoeur : il n’impose jamais sa lecture de la réalité. Son ouvrage-phare, De l’interprétation (1969), est ainsi résumé par Paul Ragon, l’un de ses biographes : « (…) sa manière de philosopher (…) procède par focalisations minutieuses et donne lieu à des lectures particulièrement attentives aux textes, au prix d’un effacement relatif de sa propre position de lecteur et de penseur. » (http://next.liberation.fr/livres/1995/03/16/l-analyse-de-ricoeur-de-l-interpretation_126879.)
L’interprétation : ce thème est central pour qui s’intéresse à Jung et Freud et à leurs antagonismes, qui éclairent nos actuels conflits de représentation. Cet enquêteur de la pensée n’est pas pour autant désincarné. Le « souffrir », le philosophe l’a éprouvé. Penser et débattre n’ont pas été pour lui une manière de se protéger du réel : sa Philosophie de la volonté y est en partie consacré (lui qui a connu le nazisme, le naufrage d’un pays). Il a abordé le thème devant une assemblée de psychiatres, pour une conférence intitulée La souffrance n’est pas une douleur (1992) : pour comprendre la nuance entre les deux, il ne faut pas être un philosophe de salon, il doit y avoir à mon sens un vrai humain et de la compassion. L’un de ses grands biographes, François Dosse (un « ricoeurien » connu) explique sur France Culture : « la position de Ricoeur est de prendre les extrêmes et de les mettre en tensions… (c’est) une philosophie des impasses… pour lui le conflit est une structure fondamentale… il pense des choses qui ne pourraient pas être pensables ensemble » https://www.youtube.com/watch?v=g3NoJ3SqPAc
De quoi intéresser, en effet.
FREUD SELON RICOEUR : UNE PENSEE FRAGILISEE PAR LA CRAINTE DE PAS ETRE ASSEZ « SCIENTIFIQUE » ?
https://www.youtube.com/watch?v=cDuUx4y5wvM : ce lien vers You Tube permet de découvrir l’émission de France Culture Les sources de Sigmund Freud. Quelle science est la psychanalyse, quelles vérités profère-t-elle, quelles preuves fournit-elle ? En 1969, Anne Clancier (qui fut elle-même médecin et psychanalyste) interrogeait le philosophe. Extraits choisis, avec tout de même un peu de partialité. « D’un coté, Freud a sans cesse recours à un modèle (…) Ce modèle, c’est celui qui règne chez la plupart des maitre de Freud, nettement positivistes et même matérialistes, et qui repose sur le principe de conservation des énergies (…) selon ce principe, la somme des forces d’un système, forces aussi bien motrices que potentielles, demeure constante (…) et c’est manifestement comme cela que Freud a essayé de construire son appareil psychique en 1895, c’est en quelque sorte une machine qui fonctionne selon deux principes, comme il le dit lui-même, le principe de plaisir et le principe de réalité. Il y a là manifestement un héritage de l’énergétisme en honneur chez les savants berlinois et viennois qui furent ses maîtres. Mais, en même temps que ce modèle que j’ai appelé énergétique et dont les implications matérialistes sont évidentes, il y avait encore un autre héritage qui remontait d’un peu plus loin, c’est la tradition de Herbart qui, dès 1824, avait construit un système psychique très proche de celui de Freud puisqu’il contient les notions d’inconscient, de refoulement … et lui aussi est compris comme un système à la recherche d’un équilibre… Il y a donc là l’idée d’une sorte de psychologie mathématique, d’un calcul de forces et de quantités qui, pour Freud, était le modèle d’une bonne théorie (…) c’est l’application à la vie mentale, au système psychique, de principes comme le principe de constances, le principe d’autorégulation (…) ».
« Seulement, même à ce plan, Freud n’est pas complètement englouti dans ce courant matérialiste et énergétique, précisément parce que son problème c’était de rendre compte d’un inconscient, mais d’un inconscient qui soit pas un inconscient matériel, physique, biologique, mais bien un inconscient psychologique. Et je crois que là nous saisissons (…) l’ambivalence de Freud, mais qui est aussi l’ambivalence, non pas de l’homme, mais de la psychanalyse elle-même, puisque la psychanalyse veut être une science, donc elle est très attachée à des modèles scientifiques, mais en même tant c’est une science du psychisme, par conséquent de quelque chose que l’on atteint par des signes comme les symptômes, comme les rêves ». Freud est là en rapport avec toute une philosophie du XVIIIe siècle… le philosophe souligne que les Français, marqués par Descartes (abruptement résumé par le « Je pense donc je suis »), sont moins sensibles à cette richesse de la philosophie allemande et de Leibnitz, qui a toujours lutté contre le primat de la conscience, « de la conscience claire » précise Ricoeur.
LA RUPTURE FREUD-JUNG : CONFLIT DES INTERPRETATIONS, OU PLUS ENCORE ?
Ce conflit dans la pensée de Freud est certainement l’explication centrale de sa rupture avec le médecin et philosophe Carl Gustav Jung, qui illustre l’exploration de l’inconscient dans son versus spirituel, puisque celui-ci s’intéressait à la parapsychologie, aux spiritualités… Et en fait à peu près à toute les pratiques que les sciences exactes avaient dû combattre, pour imposer la mesure contre la sensation ou la légende… pour résumer ce moment capital dans l’espistémologie des sciences (et qui a imposé notre civilisation technique, qui fait preuve en termes d’efficacité, et donc pour beaucoup preuve tout court).
Le maître de Vienne sentait bien que celui dont il eût voulu qu’il soit son pur disciple, son « héritier scientifique », dérivait vers cette conscience « non-claire ». Ernest Jones rapporte ainsi cette conversation des deux hommes : « Mon cher Jung, promettez-moi de ne jamais abandonner la théorie sexuelle. C’est le plus essentiel ! Voyez-vous, nous devons en faire un dogme, un bastion inébranlable. » (Freud) me disait cela plein de passion et sur le ton d’un père disant : « Promets-moi une chose, mon fils : va tous les dimanches à l’église ! » Quelque peu étonné, je lui demandai : « Un bastion contre quoi ? Il me répondit : Contre le flot de vase noir de... » Ici, il hésita un moment, pour ajouter : « ... de l’occultisme ! » L’essentiel est dit : en quelques mots, Freud pointe, comme le soulignait Paul Ricoeur, tout ce que sa pensée doit au principe de conservation de l’énergie, avec ce balancement entre le désir sexuel et la répression sociale. Le mot, « occultisme », peut apparaître comme un jugement de valeur, une sorte de dénonciation, annonciatrice des procès à venir, des exclusions, de querelles toujours présentes (sensibles par exemple dans le livre de Michel Onfray sur Freud, construit sur un dénigrement de l’efficacité de la psychanalyse).
Ce dialogue Freud-Jung est un moment-clé dans la construction des sciences de l’inconscient (le modèle énergétique infusera partout : Jung le reprendra jusqu’à l’appliquer à la synchronicité, une sorte de science des concordances, des hasards heureux et malheureux). Ce qui m’a passionné chez Paul Ricoeur, c’est qu’en 1969 il fournissait sur France Culture et en quelques paroles l’arrière-plan de l’incroyable profondeur de ce débat (ou, en plus, le maître, Freud, dénigre les recherches de son élève, Jung, ce qui est l’inverse d’une relation maître-disciple, où le premier fournit au second, sous forme de suggestions, questions, les moyens de son propre dépassement. Pour ma part, je crois que c’est là ce que le maître de la psychanalyse a raté le plus… par peur du discrédit scientifique… et que, par peur de se discréditer, de nombreux praticiens n’osent « quitter » ou approfondir Freud ; il faut dire que quand on raisonne sur l’interprétation de l’autre, et donc sur sa propre interprétation, l’errance est facile, il faut rester aux faits, donc aux symptômes. Et que se borner à écouter est tout à fait valable, si cela soigne. En outre, en matière d’interprétations, Jung va de tous les côtés… Freud, lui, mène sa barque dans le même sens. En termes de « com », c’est plus pro.
C’est vraiment essentiel, car si j’étais capable de synthétiser encore davantage Freud que Paul Ricoeur, peut-être pourrait-on dire que Freud essaye de concevoir l’essence du canevas « cérébral » que porte en lui l’individu, tandis que l’on pourrait peut-être dire de Carl Gustav Jung qu’il analyse la manière dont l’individu reflète le monde sur son canevas « psychique »… pour Freud l’individu serait un peu un disque dur d’ordinateur, alimenté par l’énergie des désirs et des refoulements ; et, pour Jung, les données seraient conservées quelque part sur une « toile » un peu cosmique et captée par la personne, en même temps que l’énergie… Jung se rapprochera des spiritualités, orientales par exemple, où ce sont des éléments qui s’admettent généralement (mais ce serait un peu tirer l’interprétation ; Michel Cazenave a souligné que « Jung a écrit tout un ensemble d’articles sur le Bardo Thödol, le livre de la grande délivrance, qu’à l’évidence Suzuki lui avait donné à lire »). Le Bardo Thödol, le livre tibétain des morts : or, il s’avère que j’ai bien connu Philippe Cornu, l’un des spécialistes de la médecine tibétaine, ayant travaillé quelques années pour la même petite maison d’édition (http://paris.rigpafrance.online/index.php/al/94-philippe-cornu). Dans l’univers bouddhique, la guérison est une grande affaire de circulation d’énergie, de méridiens et de canaux, et je voyais Philippe Cornu expliquer à notre incrédulité le fonctionnement des chakras où l’énergie est parfois représentée comme un feu. Je me revois aussi dire à Philippe Cornu : « La preuve que la réincarnation n’est pas possible, c’est que tu ne peux pas avoir 1 milliard d’êtres humains à un moment, puis 10 milliards à un autre. T’es flingué là ! » ; et celui-ci se répétant (il avait renoncé à nous convaincre) : « La conscience se divise autrement, la conscience se divise autrement ». Et nous, encore plus rigolards. Il sera souvent de bon ton chez les psychanalystes d’être athée. Bien sûr, pas systématiquement, avec toutes les nuances possibles… Pour ma part, je n’ai jamais rencontré aucun médecin « jungien » (c’est rare que l’on se dise jungien) qui ne portât pas témoignage de l’importance de Freud. De Freud à Jung, en passant par le bouddhisme, il y a des visions qui semblent antagonistes de l’énergie, mais qui me semblent en fait toutes des mathématiques, des exercices de dynamique énergétique où souffrance (et parfois douleur) sont inguérissables si on ne parvient pas à porter un regard extérieur sur ses réflexes et ses attachements, ou alors sur des trames de fond encore indiscernables. Dans le Tao chinois, il y a également deux forces en inter-actions : le ying et le yang, et la bonne santé dépend de leur équilibre. Mais cela, c’est la théorie des ensembles, non ? Ce qu’il y a, c’est que pour se soigner il faut parvenir à créer son propre ensemble un peu à la manière du théorème d’incomplétude de Gödel : mais comment faire ? Pour moi, une partie de la paralysie actuelle de l’analyse freudienne est là. J’y reviendrai.
QUAND PAUL ECRIT SUR JUNG : UN TEXTE TRES PEU CONNU DE LA REVUE « ESPRIT »
Je me mis donc à chercher ce que Paul Ricoeur avait écrit sur Carl Gustav Jung, et ne trouvai rien. Je fis donc appel à un Professeur ricoeurien (de Rennes, d’où vient le philosophe), d’une rare expertise, Jérôme Porée (https://philo.univ-rennes1.fr/interlocuteurs/jerome-poree), et en même temps à divers érudits… Et cette coalition finit par trouver. Il existe en effet un texte rare de Paul Ricoeur, retrouvé grâce au conservateur du Fonds Ricoeur (http://www.fondsricoeur.fr/) et disponible pour une somme très modique à la revue Esprit (II.A.113. Le symbole donne à penser. Esprit 27/7-8 (1959) juillet-août, 60-76. http://esprit.presse.fr/). C’est un texte magnifique, reposant, ample, qui fait le lien entre Freud, Jung, Gaston Bachelard, Mircea Eliade, Kant et Héraclite l’Obscur, une réflexion condensée entre psychanalyse et spiritualités, où Jung n’est pas opposé à Freud.
Un symbole… peut-il exister en soi ? Comment entre-t-il dans la mécanique énergétique du psychisme ? Est-il au-delà des pulsions, des censures, du langage ? Vieux débat de fond de la philosophie. En tout cas, pour Paul Ricoeur, il permet de dépasser la problématique du point de départ… Parce que « Le symbole donne à penser » : c’est-à-dire ne « pose pas le sens », le donne, « tout (étant) déjà dit en énigme ». « Et pourtant (…) il faut toujours tout commencer et recommencer ». « Une méditation sur les symboles part du plein du langage et du sens toujours déjà là ». C’est ici que Ricoeur est proche de Freud : la psychanalyse part du mot, du jeu des mots. Précision : « Deuxième zone d’émergence, le nocturne, l’onirique. On sait que chez Freud lui-même le symbole ne désigne pas toute représentation qui vaut pour autre chose, qui déguise et dissimule mais seulement ce secteur de représentations oniriques qui (…) plongent dans le fond imagier commun à toute une culture, voire dans le folklore de l’humanité entière. C. G. Jung nous a appris à discerner dans ces symboles moins des projections de la part infantile et instinctuelle du psychisme que des thèmes qui anticipent sur nos possibilités d’évolution et de maturation. » Conclusion logique : une citation d’Héraclite l’Obscur. « Le roi dont l’oracle est à Delphes ne parle pas, ne dissimule pas, il fait signe (sêmaïneï). » (Frag. 93.)
Donc, comme Freud, Ricoeur partirait des mots et reviendrait au langage ? Bref, si un jour nous entrions dans les rêves des uns et des autres, nous pourrions interpréter le rêve de l’autre et en tirer des faits, sans nous rêver l’un-l’autre et nous perdre encore plus dans un conflit d’interprétations (moi, je suis bénévole, ce n’est pas grave). Rêver pour construire un autre type d’analyse. C’est pourtant ce qu’a tenté de faire Jung.
DES SYMBOLES DE RICOEUR AUX « ARCHETYPES » DE JUNG
« Sigmund Freud » : 12 800 000 résultats de recherche Google ; « Carl Gustav Jung » : 467 000 résultats. Freud vs Jung : 100/3,64. Voilà selon Google le rapport de visibilité entre Freud et Jung. Et c’est aussi un rapport de force thérapeutique : autant dire que si je voulais en tant que psychothérapeute me créer une patientèle, je serai freudien. Autrement dit, si vous entrez chez 1 000 psychiatres, vous rentrerez 36 fois chez des Jungiens. En même temps, il en suffit d’en seul.
Pour autant, Jung possède une telle force d’interprétation et d’expression qu’il a singulièrement marqué beaucoup d’artistes. (Par exemple, André Breton et le surréalisme. Certes, l’écrivain était fasciné par Freud, qu’il a cherché à voir à Vienne, tandis que celui-ci refusait de lui ouvrir sa porte. Mais si on regarde le surréalisme plus en détail, on voit combien il s’est nourri de l’inconscient romantique)… Jung n’a pas non plus cette obsession de la science « prouvante », comme le montrait précédemment son dialogue avec Freud. L’homme va son chemin. Comme Freud, cependant, il commence par s’analyser lui-même : il part de là pour bâtir sa pratique.
Mais que sont « ses » archétypes ? « Il nous est facile de parler aussi tranquillement des archétypes, mais se trouver réellement confronté à eux est une tout autre affaire. La différence est la même qu’entre le fait de parler d’un lion et celui de devoir l’affronter. Affronter un lion constitue une expérience intense et effrayante, qui peut marquer durablement la personnalité. » C.G. Jung Sur l’Interprétation des rêves, Albin Michel, 1998 p 120. https://www.cgjung.net. C’est là que Jung est profondément original, certes par rapport à Freud, mais aussi peut-être par rapport aux grandes spiritualités orientales (il faudrait peut-être me rectifier, sur ce point, car je sens là des racines chamaniques, si présentes dans le bouddhisme tibétain) : Jung nous montre des figures symboliques qui seraient animées d’une énergie propre, des sortes « d’en-soi » capables d’inspirer parfois une épouvante bien réelle. Pour les preuves, il n’en apporte pas, mais pas plus ou pas moins que Freud. On oublie souvent qu’un médecin est un praticien : la preuve que cela est réel c’est que cela guérit. Alors, les archétypes guérissent-ils ? En tout cas, personnellement, je préférerais les avoir pour que contre moi. Après cette bonne blague, continuons.
ALORS, QUE SONT LES ARCHETYPES !
Revenons à L’Homme et ses symboles : un archétype est plus qu’un symbole, qu’une image… c’est un « schéma » de représentation, une sorte de fil conducteur réinterprété selon les époques et les civilisations. Tentons une première approche. Par exemple, j’ai un rhume : on me dira à telle époque que j’ai rencontré un mauvais esprit dans les marais, on me dira aujourd’hui que j’ai attrapé un virus… aujourd’hui, on me dira qu’une écharpe augmentera la chaleur dans ma gorge et que celle-ci créera un environnement défavorable au virus ; avant, on me dira de mettre une écharpe car elle étranglera le mauvais esprit qui s’est enroulé autour de ma gorge et le forcera à fuir… dans les deux cas, la croyance en ce que l’on me dit créera aussi un moi un effet placebo favorable à la guérison. Bon, on va essayer de faire mieux… Prenons le Tao en Chine et Freud à Vienne : ying et yang, pulsion et censure… il y a comme une analogie. Un archétype liant les deux serait-il « l’énergie » ?
« L’archétype réside dans la tendance à nous représenter de tels motifs, représentation qui peut varier considérablement dans les détails, sans perdre son schème fondamental », écrit Jung. Et ce même si le « Qi » est beaucoup plus qu’une énergie. Ce qui extraordinaire dans l’archétype qui semble unir le « souffle » chinois et le freudisme, c’est qu’il existe dans le Tao des « énergies du ciel antérieur », « de nos ancêtres » (sur le mode des névroses et psychoses familiales), des énergies qui ne devraient pas être là où elles sont, dites alors des « énergies perverses » (mais pas qu’au sens occidental de « pervers »)… les stagnations de l’énergie dans les organes étant à l’origine de leurs affections : d’où l’acupuncture. Jung ajoute : « Les archétypes sont (…) doués d’une initiative propre et d’une énergie spécifique. Ils peuvent (…) intervenir dans une situation donnée avec leurs propres impulsions et leurs propres pensées. A cet égard, ils fonctionnent comme des complexes. Ils vont et viennent à leur guise, et souvent, ils s’opposent à nos intentions conscientes ou les modifient de la façon la plus embarrassante. » (L’homme et ses symboles, Robert Laffont, 1964 p 78/79). « Une méditation sur les symboles part du plein du langage et du sens toujours déjà là », disait Paul Ricoeur, mais c’est tout de même forcer sa pensée que de dire qu’il a voulu dire cela. L’archétype est très loin après le symbole, même s’il peut parler comme un oracle, et que refuser de l’entendre précède toujours la catastrophe.
A l’ECOLE DU « TRANSPERSONNALISME » : CHEZ LE MEDECIN ET PHILOSOPHE JACQUES DONNARS
Il y a des années, une fois par mois, le jeudi soir, un petit groupe de médecins, psychotérapeuthes et amis de longue date se réunissait dans ce qui m’apparaît à présent comme le carrefour de toutes ces influences : c’était au 78 boulevard Malesherbes, à Paris, dans un appartement labyrinthique, une sorte d’oasis où les tapis auraient remplacés les carrés de verdure, où la circulation du dehors bourdonnait à peine, avec partout des tableaux, des fauteuils, des sièges, des chaises, des chaises ; une statue en bois de l’empereur chinois qui avait amené l’acupuncture (ou le zen, je en sais plus) trônait face à des buffets colossaux... partout des vitrines pleines de sculptures, souvent orientales, des plantes vertes.
C’est au maître à penser des lieux, Jacques Donnars, que je dois pouvoir expliquer toutes ces influences. Je ne saurais mieux dépeindre l’ambiance qu’en disant qu’ici régnaient l’affection et la curiosité, une espèce d’encyclopédisme des théories de la psychologie et des spiritualités, autour de l’écoute et du respect de l’autre. On y entendait des médecins, des philosophes, des artistes, Jacques lui-même (et Nicole Eichelberger), au travers souvent les cas bien réels qui y étaient développés : au fil du temps, une cinquantaine de livrets ont été produits de ces entretiens, conférences, au moins 1 000 pages, et je crois que je sous-estime l’importance et la qualité de ces échanges.
Boris Dolto ; René Laforgue ; Jacques Lacan ; Bela Grunberger ; les pensées indoues, bouddhistes ; le Tao ; proche de Marguerite Choisy, à laquelle il succédera à la tête de l’Alliance mondiale des religions… voici quelques-unes des rencontres et influences qui marqueront Jacques Donnars (Marguerite Choisy que l’on retrouvera dans bien des revues, comme un texte rare à la revue IIIè Millénaire – p 21, 3e trimestre 2003, www.revue3emillenaire.com – où elle râle contre les archétypes jungiens, justement). Médecin psychosomaticien, psychanalyste, il a grandement contribué à l’introduction en France de la psychologie transpersonnelle, de la sophrologie et des thérapies par transe (Eh oui). Sur le moment, je ne comprenais pas ce que l’on entendait par « psychologie transpersonnelle » : étais-ce que la psychologie s’étendait au-delà de la personne ? L’un des créateurs de ce champ d’analyse est le psychiatre Sébastien Grof (avec Abraham Maslow), qui a fait partie de l’équipe qui a développé le LSD et s’est intéressé aux « états modifiés de conscience » : mais qu’est-ce-que cela ?? Je les définirai, dans leurs formes extrêmes, comme ces états de béatitudes, d’extase, où se sont trouvés les grands saints, le Bouddha… mais enfin pour leurs formes extrêmes. Pour comprendre les visions sous LSD, je recommande La porte des perceptions, un bref livre d’Aldous Huxley (connu comme auteur de science-fiction pour Le meilleur des mondes, bien qu’il fréquentât en général d’autres genres littéraires).
Pour ceux qui ne sont pas mystiques, c’est-à-dire quasiment nous tous, les rêves sont un état de conscience modifiés qui consiste en une baisse de fréquence du cerveau, car le cerveau est un organe électro-chimique qui vibre, selon une mesure que l’on réalise en Hertz (1 Hertz = 1 oscillation par seconde ; pour le cerveau, entre 0,5 et 20 Hertz) : succinctement, ces vibrations diminuent quand on passe de la veille au sommeil. En sophrologie, telle que Jacques Donnars nous l’enseignait, on obtenait une relaxation profonde en rythmant sa respiration et en conscientisant, tour à tour, chaque partie de son corps : donc, chute de fréquences du cerveau et des aires associées. Pour ce qui concerne les états modifiés de conscience lors des rêves, je renvoie vers cette revue confidentielle (mais l’optique de cette rétrospective est de lier sources peu connues et connues), qui les décrit plutôt bien : IIIe Millénaire (février 2013, http://www.revue3emillenaire.com/shop/revues/161-la-force-des-reves.html?search_query=etats+modifies+de+conscience&results=2 : je conseille surtout la lecture de l’article de Gérard Vigneron, « Etat de rêve et états modifiés de conscience »).
Mais revenons à la psychologie transpersonnelle et proposons-en une définition : disons tout de suite que Wikipedia indique que beaucoup la considèrent comme une « pseudo-science », et qu’elle est née dans les années psychadéliques, hippies et new-ages. L’écrivain Carlos Castaneda y décrit dans plusieurs ouvrages l’outil thérapeutique et de connaissance qu’est le peyotl, un champignon hallucinogène, et son initiation par un sorcier amérindien des Etats-Unis : ses livres seront les Bibles du mouvement hippie, entre enquête sociologique, personnage mi-inventés, états oniriques vécus ou rapportés, amplifiés par l’imagination ; Castaneda est lui-même un homme un peu trouble, un peu mégalomane, mais comme un écrivain il tisse un univers homogène et crédible. Les choses peuvent être fausses séparément, mais elles sont vraies ensemble. Enfin, on ne sait pas vraiment. En tout cas, son univers condense bien les archétypes du « transpersonnalisme », même si l’auteur ne s’en réclamait pas. Aujourd’hui, on voit beaucoup de groupes néo-« chamaniques » et sectaires abuser de la psychologie transpersonnelle, sans toujours savoir qu’il s’agit de cela. Alors qu’est-ce ? Donc : essai de définition…
1/ L’inconscient individuel est le résultat de l’histoire familial et individuelle : ces points ont été éclaircis par Freud en Occident. Il a redonné à voir l’inconscient en lui assurant une base scientifique et une légitimité. Bravo !
2/ Ce que Freud n’a pas vu ou eu le temps de voir, c’est qu’il existe une mémoire périnatale, c’est-à-dire des « mémoires de vécus de gestation et de naissance », selon les termes de la psychothérapeute Geneviève Fribourg-Blanc, qui avait donné chez Jacques Donnars en 2007 une conférence intitulée Les matrices périnatales, à propos des expériences de vie utérine. Pour simplifier, je connais un cas où une personne a perdu sa jumelle à la naissance : aussi, chacun de ses anniversaire est marqué par l’émotionnel d’un deuil impossible (qu’elle aurait pu peut-être soigner avec les outils que je présente) : cela, c’est la mémoire de la naissance, après neuf mois d’une double fusion sœur-mère. Donc : du point de vue freudien, pour faire rempart à la souffrance de sa mère ex-jumelle, sa fille a conçu un système de dénégation du sensible… et est devenue une perverse-narcissique. Cela, c’est le résultat de la mémoire familial. Préférer s’écarter de l’amour. Plutôt que de risquer d’aimer, perdre l’amour : c’est l’aspect premier de la perversion narcissique. (Incompréhensible pour la plupart d’entre nous, et c’est ce qui la rend très difficilement détectable, puis indisable aux enfants qu’aura éventuellement ce père ou cette mère. Comme parent, on est soi-même pris au jeu du silence complice : combien d’entre eux me l’ont-ils dit ?) Ce qu’apprenait aussi Jacques Donnars, c’était de donner des cas : d’être pratique. Faire un aller-et-retour ouvert entre théories et pratiques.
3/ Enfin, un troisième cercle représenterait une troisième champ de conscience, englobant les deux premiers, décrit pat Jung, c’est-à-dire tout le champ du « transpersonnel » : ces états non ordinaires de conscience permettraient ce que Jacques Donnars appelait le Ut conscienta noscatur, le processus « pour que la conscience puisse être connue » : ce sont ces états de conscience qui ont guidé tant de créateurs… par exemple, le musicien Pierre Henry (mort le 6 juillet 2017, nous connaissons tous des notes de La messe pour le temps présent)… donc P. Henry entendait en dormant la musique et se réveillait par instants pour retranscrire… C’est en rêve qu’Albert Einstein eut la vision de la relativité générale. Le monde n’est pas à notre service, c’est nous qui sommes au service du monde : tel était le titre d’une série de cours que nous donna Jacques Donnars (six cours dits tels quels, au magnétophone, et retranscris dans leur style impeccable par l’une des meilleures personnes que je n’ai jamais connue). Tout le monde comprend aisément que les problèmes du monde viennent du fait que nous pensons que le monde est à notre service : changement climatique, mise en servitude des autres, négation du réel, refus d’échanger, telles sont les ramifications du mal que nous nous causons en tant qu’espèce et que nous causons aux autres espèces. Cette vision du « transpersonnel » est aussi, et toujours, une super-mécanique (à l’image du modèle énergétique que décrivait Paul Ricoeur pour Freud) : car, en effet, comment englober le champ de sa conscience sans mettre en jeu toute la théorie des ensembles ? La théorie des ensembles a été bouleversée par le théorème d’incomplétude de Gödel… les ensembles sont pris dans un ensemble fractal, et le jeu du recul de la perspective fait apparaître toutes les supers logiques, les emboîtements d’ensembles les uns dans les autres ; le problème du chercheur de vérité ne devient plus « que » de gratter pour faire apparaître peu à peu les contours de ce super-ensemble, qui n’existait pas dans sa conscience au départ. C’est penser l’impensable. Je n’ai personnellement aucun avis scientifique sur le « transpersonnel », j’en serai incapable : d’intuition, je le sens juste, et symboliquement il nous renvoie à notre coupure du monde pour rendre compte des conflits que nous vivons. C’est un archétype, qui rend aussi compte de l’ensemble des philosophies : plus qu’une voie de savoir, c’est une voie d’enseignement. Et si l’énergie doit se redistribuer, elle le fera sur le mode du désir et de la censure : Freud aura été respecté.
Prenons un cas concret : François Bayrou porte une moralisation de l’action politique, je crois personnellement avec conviction, mais entre le dit et ce qu’il a fait ou dû faire pour rester dans la compétition, il paraît y avoir un écart. Il aurait eu recours à des assistants parlementaires pour porter sa propre action. A un moment donné l’écart du faire et du dire crée un déséquilibre institutionnel, donc une sorte de déséquilibre énergétique : garder le monde en équilibre. Or, tel est le rôle de Zeus. Sur ce modèle, Emmanuel Macron s’est séparé de son éphémère ministre de la justice : bien sûr, un président de la République n’est pas Zeus, et le chef de l’Etat le sait forcément, mais là il agit selon la trame d’un modèle général. Car il y a une sorte d’emboîtement en poupées russes, de modèle fractal qui se reporte sur le plan énergétique et, selon la théorie des ensembles, à des niveaux énergétiques de plus en plus élevés, qui mettent donc progressivement en jeu des forces qui peuvent même être apocalyptiques. Le monde donne ses leçons qui ne sont pas que des mots. Le monde met en exergue les lignes de fractures : une crise financière mondiale pourrait être une telle leçon. Elle n’est pas portée par des donneurs de leçons, elle est juste là en soi pour « donner à penser » ; et, quand nous refusons d’ajuster nos pensées à la réalité, nous passons par des crises. Une crise financière mondiale, c’est un système cybernétique, donc énergétique, où la monnaie est une grandeur symbolique ; en dégonflant une « bulle spéculative », une crise réajuste la valeur monétaire à la valeur des choses qui sont « ici et maintenant » (comme on nous disait en sophrologie : « respirez », soyez « ici et maintenant », « présents à vous-même »). L’ubris, c’est ce que Zeus ne peut tolérer, non parce que c’est « immoral » (il faut voir Zeus courir derrière les nymphes pour les violer), mais parce que cela déséquilibre ; or, nous sommes tous dans l’ubris, et l’auteur de ces lignes porte sa propre ubris en cherchant à trouver une clef. (L’auteur de ces lignes pense aussi que ce qui est moral est souvent juste et permet de faire l’économie de théories compliquées. Dans l’Olympe, les dieux semblent passer leur temps à rabattre l’orgueil des uns et des autres.)
Il faut bien comprendre que l’un des aboutissements de la théorie des archétypes a pu pousser de nombreux auteurs, comme Lovelock, à raisonner comme si la Terre était un système, qu’il a nommé l’hypothèse Gaïa : nous arrivons là à une pensée paraissant presque panthéiste, où Gaïa devient un « en-soi » pensant. Pensant « avec » quoi… je n’en sais rien : cela vient sous ma plume, puisque je tente d’éclairer la dynamique des théories psychologiques. Mais Lovelock éclaire ce modèle, selon un point de vue énergétique qui n’en est pas moins riche. Un « en-soi » qui régule les prédateurs par les prédateurs, ou par l’auto-destruction des espèces dangereuses pour la planète. A l’échelle planétaire, on essaie, on essaie à nouveau ; à cette échelle, ce n’est rien pour le système vivant global, à notre échelle collective et individuelle, c’est tout. Mais pour Paul Ricoeur, dont toute la pensée est traversée par la figure d’un Christ spirituel, a-religieux, voire laïc, l’humanité vaut bien mieux qu’une fin aussi dévastatrice, et je le crois aisément. (Voir aussi Qu’est-ce que l’éco-psychologie ? Revue Troisième Millénaire, www.revue3emillenaire.com, numéro de décembre 2015. Elle montre notamment comment le père Teilhard de Chardin est aussi à l’origine de l’hypothèse Gaïa ; Emmanuel Mounier, Paul Ricoeur, Chardin, Lovelock… quelles racines à ces arbres !). En tout cas voici comment on en est venu à parler « d’écopsychologie ». Enfin, en parler c’est bien, encore faut-il voir comment on vit cela sur le terrain, en faire le « feed-back », en illustrer l’effet boomerang, en mal et j’espère en bien.
LE PSYCHOTHERAPEUTE ET MEDECIN WILHELM REICH : LA CARAPACE CORPORELLE
« Présents à vous-même » : ce n’est pas une rêverie : c’est être présent à son corps. On le sait tous : nous ne sommes jamais si présents au monde, à nos sensations, à l’autre, que lorsque nous aimons, dans la jouissance de l’instant et du plaisir également partagé, de l’orgasme. Après, combien de Roméo et de Juliette séparés par le sur-moi social et la bêtise ? Ce point, entre une famille naturelle fondée sur l’amour et la famille coercitive… fut l’une des raisons de la rupture entre Wilhelm Reich et Freud. Pour expliquer cela, revenons à Jacques Donnars : kinésithérapeute et chiropracteur, fondateur du Corps à vivre, une association qui promeut la sophrologie en France, Jacques Donnars outre qu’il a fondé une famille s’étendant au-delà de sa parenté et fondée sur l’affection, nous a présenté lors d’une de ses soirées du Corps à vivre un grand connaisseur de Wilhelm Reich, Emmanuel Choisnel, polytechnicien.
Tout ces gens-là ont un point fondamental de désaccord avec Freud, en ce sens qu’ils « transgressent un tabou de la cure analytique » (…). « Dans sa grande sagesse, le prudent Freud avait bien dit qu’il ne fallait pas toucher au corps du patient au cours d’une psychanalyse ». Ilse Ollendorf, l’une des femmes de Reich, racontait comment le médecin mimait les expressions névrotiques de ses patients…pour les leur faire comprendre. A la différence de l’analyste freudien, voici un homme qui n’était pas assis à côté de ses patients, en miroir invisible. Outre La fonction de l’orgasme, Reich écrivit L’analyse caractérielle, traitant de toutes les résonnances somatiques des conflits intérieurs. « Reich (…) n’avait jamais permis (au concept d’instinct de mort ̶ l’un des socles conceptuels du freudisme) d’influencer sa pratique clinique. (Il) fut à même de montrer que la réaction thérapeuthique négative était due à la cuirasse caractérielle (je précise : en réalité des contractures musculaires) et qu’elle pouvait être surmontée si l’on pénétrait la seconde couche perverse des émotions destructives », rapporte encore Emmanuel Choisnel. Autrement dit, prenez vos mains et massez… ou pratiquez la relaxation dynamique, le yoga, les étirements, les auto-massages, le reiki. Avec des professionnels, bien sûr, et des médecins si possible : et ne sombrez pas dans les analyses complexes.
Car ce que Reich et Freud avaient négligé, c’est que dans la construction cérébrale de l’enfant la construction du néo-cortex se fait progressivement : avant, de la naissance à la fin de l’enfance, les émotions, et donc les informations, sont du domaine limbique, purement émotionnel, et s’engramment littéralement dans les contractures musculaires, amenant à la création d’une cuirasse qu’il faut adoucir, pour faire remonter les émotions de toutes sortes qui tissent les psychés, « psyché » qui doit être alors comprise comme une union corps-esprit : incestes, abandons, mépris, délaissement… C’est parce qu’elle faisait confiance à des thérapeutes trop intellectualisants que la personne qui avait perdu sa jumelle n’a jamais pu se guérir : inscrit dans le cerveau limbique et des contractures profondes, la personne n’est jamais parvenue à conscientiser l’information pour en faire le deuil. Pour les ascendants le message caché était : « méfiez vous d’aimer ». C’est ainsi que se bâtit la légende conjugale, familiale si le couple fait naître une descendance : fuyant la réalité première, elle repousse tous ceux qui pourraient la contredire, les écarte par de fausses rationalisations... mais toujours sur fond de pouvoir, de manipulation, de mensonges presque ontologiques, de compromissions pour rester « ensemble »… et qui sont autant de minuscules engrenages. Elle est sa propre narration. Mais ce creux narratif appelle sa propre révélation : pour se dénouer, ceux qui dissimulent doivent comprendre qu’ils ne sont pas coupables, c’est une sorte d’apothéose, un pardon qu’on se donne et que les autres vous donnent. Le « pardon », ce n’est pas s’excuser… c’est une toute autre affaire… et ce n’est ni l’oubli, ni la naïveté.
Jacques Donnars n’a pas été aimé du Conseil de l’Ordre des médecins : ces médecins ont grandement contribué à l’écarter de sa pratique, et que je crois bien que quelques-uns ont réussi à faire dire au ministère de la santé que la sophrologie n’était pas une thérapie. Mais, en fait, Jacques, nous le connaissons tous : il fut le mystérieux docteur G. de l’émission de Ménie Grégoire sur « Radio Luxembourg », et dans le film L’armée des ombres il est le médecin qui contribua à faire évader Jean-Pierre Lévy de la prison de la Santé, où il était interne, lui diagnostiquant une fausse crise d’appendicite. (Lors du transfert de la prison de la Santé à l’hôpital, le fourgon transportant Jean-Pierre Lévy fut arraisonné par un commando que dirigeait Charles Gonnard, dit « Morlot ».) Jacques reçut la médaille de la Résistance et fut nommé à l’Ordre du mérite.
CONCLURE ?
Nous sommes partis d’un Président, nous avons fini sur un Résistant qui a risqué les camps d’extermination, lui et sa famille. En contrepoint de la vie de Jung, de Reich, il y a aussi la fuite face au nazisme, le combat face aux collègues, les excommunications par Freud, les drôles de psychés de ces chercheurs qui n’étaient pas blancs-bleus non plus, leurs essais ratés. Mais tous, ils sont réunis par le courage et le désir de se dépasser pour comprendre et, au-delà, guérir. La fraternité n’existe qu’en actes.
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