Rêverie auprès du Dieu Serpent
Séléné est en sa plénitude ce soir.
Elle joue à se draper dans les voiles fantomatiques, dont lui font parure quelques nuages courtisans. En Majesté, en cette première soirée de froidure hivernale, elle darde de ses rayons sans chaleur, la terre qui s’ensommeille jusqu’au prochain printemps.
La surface ondoyante du fleuve lui fait miroir. Et comme elle est pâle en son reflet. Pourtant, elle observe et guette, celui qui, entouré de sa garde d’honneur d’arbres frissonnants, s’agite et montre les prémices d’un emportement prochain.
La bise s’est levée. Son souffle frisquet chasse les derniers passants, qui le col relevé, presse le pas pour retrouver la tiédeur d’un foyer plus apaisé.
Tandis que les feuilles mortes virevoltent et tourbillonnent, Séléné scrute Liger. Attentive elle regarde se lover le Dieu Fleuve, le Dieu Serpent. Elle sait ses colères tumultueuses, ses emportements bouillonnants. Il roule, ondule, ramasse ses anneaux avant que de frapper de sa queue la surface de l’eau, faisant naître la brune et pernicieuse écume.
Violemment, il va dévaler en son cours, impétueusement dévaster son lit, frénétiquement envahir ses berges, furieusement enserrer arbres et piles de pont.
Et gare à l’humain qui voudrait braver l’ire du Dieu Reptile.
Depuis trop longtemps ces mécréants ne lui ont rendu culte et dévotion. Ils ont effacé son existence de Dieu Fleuve, lui substituant en leur impiété, l’existence d’une divinité féminine lui attribuant pouvoir d’une maléfique sirène qu’ils appelèrent Loire.
Dans leurs délires d’apostats oublieux du culte originel, ces pauvres fous prétentieux pensaient conquérir en leurs fantasmes de domination des femmes, une rivière plutôt que le Dieu Fleuve. Imbus de leur mâle existence, ripailleurs et menteurs, noceurs, volages, inconséquents et infidèles, les blasphémateurs allaient en payer le prix.
Cette nuit, cette nuit ils comprendront sa rage d’être négligé, délaissé, oublié. Eux aussi allaient découvrir en leur chair, l’humiliation d’être ravalé au néant du temps et de l’inexistence. Cette nuit, même en leur sommeil, le Fleuve viendra à eux et sera leur pire cauchemar. Vengeance d’une divinité outragée, envahissant rues et cours, caves et maisons, emportant tout sur son viril passage.
Séléné assistera impassible au châtiment infligé, tandis qu’Hélios, son frère chéri, au petit matin, en révèlera l’étendue.
Alors les hommes maudiront la rivière, cette Loire, qu’ils voudront une nouvelle conquérir. Ce n’est que peine perdue et nouveau sacrilège pour le Dieu Serpent, le Dieu Fleuve qui fourbira nouvelles représailles.
Ils ont tout oublié…
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