Révision constitutionnelle saison 2 - A nos députés : vous n’aurez pas une troisième chance !
Mesdames et Messieurs les Députés, Vous allez reprendre les travaux de la révision constitutionnelle en janvier. Il est temps de faire un bilan intermédiaire de vos travaux pour espérer être enfin à la hauteur des enjeux !
Vos propositions
Vous avez participé fin 2017 aux 4 groupes de travail qui ont fait une cinquantaine de propositions constitutionnelles pour améliorer le fonctionnement de nos institutions en le rééquilibrant au bénéfice du parlement. Or en juillet dernier, après plus de 24 séances publiques et 911 amendements examinés, à part les deux propositions déjà incluses dans le texte de l’exécutif, aucune de vos propositions jusqu’à l’article 34 n’ont été retenues ! ( vous trouverez un bilan complet ici )
Quelles étaient vos principales propositions à partir de l’article 35 :
Améliorer le fonctionnement de l’Assemblée et la procédure législative :
- supprimer la limite des 8 commissions permanentes
- systématiser l’avis du conseil d’état sur les propositions de lois,
- associer le parlement à la préparation des projets de lois
- instaurer un débat préalable en séance publique avant tout examen en commission,
- porter le délai à 6 semaines entre le dépôt de loi et son examen en commission
- permettre à la conférence des présidents de décider que le droit d’amendement ne s’exerce qu’en commission,
- assouplir les critères de recevabilité des amendements ayant un impact sur les charges et ressources publiques
- ne rendre qu’une lecture obligatoire sauf opposition des conférences des présidents,
- préciser et rendre transparent le fonctionnement des commissions mixtes paritaires
- permettre des initiatives partagées entre plusieurs groupes,
- mettre en place une séance hebdomadaire réservée aux groupes d’opposition,
« Rationaliser » l’activité législative de l’exécutif :
- chaque trimestre transmission par le 1er ministre du programme législatif de l’année à venir
- information des conférences des présidents de la liste des textes et des périodes d’examen envisagés
- présentation systématique par le gouvernement de ses orientations aux commissions permanentes en amont d’un dépôt de projet de loi
- dépôt des études d’impact dès l’inscription des projets de lois et des amendements gouvernementaux
- systématiser l’avis du conseil d’état sur les amendements gouvernementaux
- soumettre les secondes délibérations à l’accord de la commission saisie au fond
- obligation de la publication des textes d’application des lois dans les 6 mois, possibilité pour le parlement de prendre en charge ces textes en cas de carence du gouvernement
- obliger le gouvernement à répondre dans un délai de 2 mois aux questions écrites,
Rendre effective la fonction de contrôle du parlement :
- permettre la mise en place de clauses de réexamen automatique pour certaines dispositions de lois
- systématiser des indicateurs de suivi pour l’évaluation et le contrôle des lois,
- instaurer une loi d’exécution et d’approbation des comptes de l’état au printemps pour systématiser le contrôle des budgets avec audition systématique des ministres et assistance de la cour des comptes
- mettre en place un contrôle systématique de la publication des textes d’application des lois dans les 6 mois,
- permettre aux commissions d’enquêtes d’effectuer des contrôles sur pièces et sur place.
- autoriser les enquêtes sur des faits faisant l’objet de poursuites judiciaires,
- auditionner le gouvernement 6 mois après la publication d’un rapport d’enquête pour contrôler les suites donné aux recommandations
- abaisser le seuil de saisine du conseil constitutionnel à 42 députés ou sénateurs
Augmenter le pouvoir du CESE et des citoyens :
- permettre la mise à l’ordre du jour de proposition de loi, d’enquête ou de débat à l’initiative de citoyens.
- permettre au CESE de s’autosaisir pour donner son avis sur tout projet de loi, d’ordonnance ou de décret.
Le détail de ces propositions est disponible dans votre rapport publié en décembre 2017
Si l’ensemble de ces propositions étaient adoptées nous aurions une République où le Parlement jouerait réellement son rôle pour une meilleure qualité des lois et un vrai contrôle de l’exécutif. Par contre en ce qui concerne le pouvoir citoyen on est encore loin du compte. J’espère que pour cette « saison 2 » de la révision constitutionnelle à L’Assemblée Nationale vous serez enfin conséquents avec vous-mêmes et adopterez vos propres propositions.
Les véritables enjeux de la révision constitutionnelle
Mais, avec la transformation numérique et le choc écologique qui vient, les enjeux de cette révision constitutionnelle sont malheureusement bien plus larges qu’un simple rééquilibrage des pouvoirs entre exécutif et législatif. Vous pouvez en avoir un aperçu dans la lettre ouverte que j’avais publié il y a un an.
Pour accompagner cette lettre ouverte, en m’excusant par avance de frôler le point Godwin, j’aimerai vous soumettre cette réflexion : les humains, face aux grandes catastrophes ont malheureusement besoin de boucs émissaires pour se laver du passé et reconstruire un avenir sur de nouvelles bases. Au « Nuremberg » de l’effondrement de l’écosystème seuls les responsables politiques, économiques ou médiatiques qui auront réellement engagés la transition écologique et se seront clairement opposés au productivisme et aux mécanismes financiers de la spéculation au service d’intérêts privés pourront espérer éviter d’être suspectés de collaboration.
La constitutionnalisation de l’écocide, l’instauration d’une loi de transition écologique suivie au même rang que la loi de finances, la systématisation d’étude d’impact écologique pour toute loi ou texte d’application, l’interdiction de loi ou d’amendement induisant des charges sur le climat ou la biodiversité et un véritable contrôle des lobbys afin de garantir une loi au strict service de l’intérêt général seraient des avancées indispensables pour faire face aux enjeux à venir dans le système représentatif actuel.
Donner de vrais pouvoirs aux citoyens
Néanmoins pour avoir dans les décennies qui viennent un pays résilient face aux chocs à venir, vous devez absolument tout faire pour favoriser la responsabilisation des citoyens dans la gestion des communs. C’est la seule issue pour réussir la mobilisation et la cohésion nécessaire pour collectivement y faire face.
L’examen des articles 1, 3 et 11 étant derrière vous, et malgré l’opposition de l’exécutif (voir à ce sujet ce qui s’est passé sur le vote blanc ou sur les référendum d’initiative citoyenne ), il est en votre pouvoir de créer cette responsabilisation.
- au niveau national en donnant de vrais pouvoirs au successeur du CESE aux articles 69 à 71,
- au niveau local en modifiant profondément la démocratie locale au travers de l’article 72
- au niveau constitutionnel en redonnant les pouvoirs au peuple à l’article 89.
Pour le successeur du CESE, que vous vous inspiriez des travaux de la FNH sur la chambre du futur ou d’une chambre composée uniquement de citoyens tirés au sort comme par exemple le projet de Sénat Citoyen, dans tous les cas il faudra donner à cette troisième assemblée des vrais pouvoirs de contrôle et de véto (comme la capacité à déclencher des référendums) permettant de s’immiscer dans l’agenda politique du parlement et du gouvernement. Vous pourriez aussi avoir une réflexion globale sur les autorités administratives indépendantes et les mettre sous l’autorité de cette assemblée en charge du temps long et du bien commun. Dans le cas contraire vous recréeriez un instrument impuissant comme l’est aujourd’hui le CESE
En matière de démocratie locale il est indispensable de constitutionaliser le droit imprescriptible des collectivités à privilégier leur autonomie énergétique et alimentaire face aux intérêts privés. Pour responsabiliser les citoyens sur ces enjeux il doit être possible d’expérimenter massivement des dispositifs de démocratie directe ou semi-directe avec des assemblées locales en charge du contrôle de la gestion des biens communs, des budgets participatifs ou des referendums d’initiative citoyenne. Ces dispositifs doivent notamment être déployés au niveau des intercommunalités. En effet ces structures sont aujourd’hui des lieux antidémocratiques où les citoyens n’ont aucune prise sur les décisions qui engagent leur quotidien immédiat.
Enfin en matière de révision constitutionnelle il est nécessaire de redonner la parole aux citoyens comme par exemple dans le projet « osons le big bang démocratique » et, a minima, faire approuver toute modification de la constitution par référendum.
En espérant que ces réflexions vous permettront de mieux préparer vos travaux constitutionnels de janvier prochain.
Démocratiquement
Cette lettre ouverte est envoyée aux 40 députés membres des 4 groupes de travail qui ont fait des propositions constitutionnelles fin 2017 dans le cadre des « rendez-vous des réformes 2017-2022 » mis en place par François de Rugy.
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