Rivalité économique : l’Europe a décidé de perdre face aux Etats-Unis
Dans l’impitoyable bataille de l’économie mondialisée, les forces européennes engagées pourraient, numériquement, faire le poids face au géant états-unien. C’est plutôt l’état d’esprit des Européens qui a déjà scellé leur défaite.
La France victime de sa politique industrielle
La désindustrialisation de la France se poursuit, dans la continuité des dernières décennies : le poids de l’industrie a ainsi dégringolé de 25% en 1961 à 11% en 2015, contre une moyenne de 20% dans l’Union européenne, près de 23% en Allemagne. Pour certains experts, un pays désindustrialisé serait le signe d’une modernité économique, où la production d’idées prend le pas sur le secteur manufacturier. Plus pessimiste encore, Michel Houellebecq croit qu’il faudra se résoudre à ne plus capitaliser que sur ce que la France ne peut (pas trop) dilapider : son patrimoine, sa culture, sa gastronomie, son art-de-vivre. La vile industrie deviendrait l’apanage des pays émergents ou en voie de développement, l’innovation celui des avant-gardistes. Dans cette lutte, saurons-nous au moins faire partie des seconds, ou devrons-nous nous replier sur notre seul folklore ?
A ces considérations s’ajoute le credo écologiste. Il n’a rien à voir avec la conscience, la responsabilité écologique. L’idéologie écologiste, avec ses relents d’anticapitalisme, c’est cette nouvelle police des mœurs que même les décideurs les plus embourgeoisés embrassent au nom du politiquement correct, avec ses normes environnementales à étouffer agriculteurs, industriels et chercheurs, ses quotas de gaz carbonique (dont la nocivité est minime, face aux oxydes d’azote ou aux particules fines, par exemple), ses interdictions de circulation, sa morale péremptoire. Pour que le monde aille mieux, mieux vaudrait qu’il n’y ait plus d’homme.
Outre des implications philosophiques et pratiques effrayantes, cette idéologie n’est pas sans conséquence sur la politique industrielle observée en France. Si l’on s’en tient à des symboles, on constate que beaucoup de fleurons industriels français ont disparu.
Areva n’est plus. Le nucléaire c’est mal. La division énergie d’Alstom non plus, cédée aux Américains de General Electric. Désormais notre souveraineté nucléaire, dans le civil comme dans le militaire, est mise en cause. Les turbines des centrales sont maintenues par GE. De même, le transfert des compétences d’Alstom vers GE en matière de turbines nucléaires pourrait gêner à l’avenir le développement des sous-marins français.
D’ici 2040, l’exploitation ou même la prospection d’hydrocarbures en France sera interdite. Les énergies fossiles, c’est mal. Le diesel, c’est mal. La voiture aussi. Et si dans ce laps de temps, des techniques plus propres étaient mises au point ? Si on découvrait, en Métropole ou en Outre-Mer, des ressources nouvelles ? On préfèrera sans doute couvrir le territoire d’éoliennes et de capteurs photovoltaïques, et les mers d’hydroliennes, ou bien, comme ces infrastructures coûtent cher, on instaurera des quotas de consommation électrique : extinction des feux obligatoire à 21h.
Dans un même ordre d’idée, l’administration américaine est en mesure d’interdire l’exportation de matériels protégés, par exemple certains composants électroniques utilisés par le Rafale, l’avion de chasse de Dassault Aviation. Lequel est un concurrent du tout nouveau Lockheed-Martin F35 sur de nombreux marchés.
Or, ce sont précisément ces secteurs de pointe, nucléaire, aéronautique, défense, qui traditionnellement soutiennent les exportations françaises. En 2016, le déficit commercial de la France se chiffrait déjà à près de 50 milliards d’euros.
L’Union européenne, le rempart en carton
Face à ces faiblesses, il est de bon ton de brandir l’Union européenne comme rempart. Evidemment, dans les chiffres, le bloc européen représente une masse commerciale et économique conséquente. Ainsi les arrangements industriels se font à l’échelle européenne : au lieu de créer des champions nationaux d’envergure internationale, on préfère créer des champions européens en misant sur la force de frappe économique de l’UE. Il y a, bien sûr, les succès incontestables d’Airbus et d’Arianespace (quoiqu’aujourd’hui la concurrence des Boeing, SpaceX et autres fait furieusement rage).
Il y a aussi le démantèlement d’Alcatel en 2015, qui après des noces malheureuses avec l’américain Lucent, a été absorbé par le finlandais Nokia, lui-même aujourd’hui brisé en deux : une division téléphones reprise par Microsoft (encore une firme américaine), et un reliquat européen. L’absorption, par l’allemand Siemens, des restes d’Alstom, autrefois auréolé du prestige du TGV. La disparition de Nexter (ex-Giat Industries, dans le secteur de la défense, le constructeur du char Leclerc notamment), au profit d’un conglomérat franco-allemand. La reprise des chantiers de Saint-Nazaire par l’italien Fincantieri, sa prise de participation chez Naval Group (ex-DCNS, constructeurs des bâtiments de guerre utilisés par la Marine nationale). Sans même parler des entreprises reprises par des investisseurs non-européens, comme Manurhin, dans le secteur de l’armement, racheté par des fonds émiratis.
Ces arrangements entre Européens ne seraient pas si regrettables, si elles ne touchaient pas à notre indépendance économique, voire à notre souveraineté militaire. La politique industrielle française se met à la remorque de Bruxelles, où l’idéologie écolo-marxiste prospère. Quant à la chimère de la défense européenne, elle rejoint la folie du fédéralisme européen. Dans l’état d’esprit actuel, un Etat fédéral européen ressemblerait à une pâte de gâteau attendant le rouleau de la mondialisation.
Les Etats-Unis se protègent, l’Europe subit
Au moins, l’Europe est cohérente avec ses idéaux. Adepte du libre-échangisme sans condition, l’UE, fidèle à elle-même, bondit face aux idées de protectionnisme. Elle présente un marché ouvert à des concurrents avides et peu soucieux de la réciprocité. D’ailleurs, sa vision en termes de frontières et d’immigration est la même : ouverture absolue, mais le flux est à sens unique.
Pendant que les Européens dressent aux Etats-Unis un procès en sorcellerie protectionniste, populiste et isolationniste, la croissance y est de 3,5%, le chômage à 4,4%. La réforme fiscale a permis un allègement de la pression fiscale sur dix ans de 1126 milliard de dollars pour les ménages, 650 milliards pour les entreprises. Les Etats-Unis demeurent, résolument, le pays de l’initiative privée, celui des libertés individuelles et de l’entreprise : il n’y a dans leur posture aucun anti-libéralisme, mais une simple volonté de ne pas subir.
En réalité, l’Union européenne est le seul îlot de promotion aveugle du libre-échangisme inconditionnel, le seul point du globe où l’on amalgame protection des « intérêts nationaux » avec « hérésie populiste ». On veut faire de la mondialisation une force, une opportunité. Dans les faits, on met tout en œuvre pour en souffrir.
Pendant ce temps, les Etats-Unis, la Chine, la Corée du Sud, la Russie, l’Inde, le Brésil, l’Argentine, entendent protéger leur marché intérieur. Les accuser d’ « isolationnistes » n’a aucun sens : ils sont déjà, ou s’affirment comme les moteurs de la mondialisation. Eux ont compris le profit qu’ils pourraient tirer de la mondialisation, surtout en présence d’Européens si ouverts.
Dans ce combat, la faiblesse de l’Europe est en fait la rigidité de sa doxa bien-pensante, et de celle de ses pays membres. La France au premier chef …
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