Roumanie, point de situation au 07/12/2024
Je vous propose, concernant la Roumanie, ces deux petits textes traduits du roumain, l’un est de l’avocat Gheorghe Piperea, député au parlement européen et élu sur la liste AUR, et l’autre du journaliste Adrian Onciu, qui a enquêté et dévoilé l’affaire Pfizer-Ursula.
G. Piperea :
Motivation factuelle de la contestation en annulation contre la décision de la CCR du vendredi 6 décembre 2024, annulant l’ensemble du processus électoral concernant l’élection du Président de la Roumanie
Après une série de décisions administratives et de communiqués publics reflétant l’optique de la CCR de ne permettre aucune demande d’annulation ou de révision de la décision rendue lundi, la CCR a été convoquée d’urgence vendredi, sans les formalités légales nécessaires, sans inviter le représentant du parquet à la séance, et sans avertir en aucune manière l’opinion publique.
D’après la motivation de la décision rendue vendredi, très succincte et totalement inhabituelle dans son expression (le style élaboré, technique et parfois prolixe des décisions de la CCR ayant été remplacé par un style précipité et lacunaire), il ressort que la CCR se serait auto-saisie pour prendre cette décision. Or, il n’existe aucune situation légale permettant à la CCR de se prononcer sur une question juridique sans qu’elle ait été saisie par une personne ou une institution spécifique. Au contraire, comme le stipule la loi n° 370/2004 relative à l’élection du président de la Roumanie, plus précisément l’article 52, alinéa 2, la CCR peut se prononcer uniquement sur demande d’un parti ou d’un concurrent électoral. En aucun cas, dans une telle procédure, la CCR ne peut statuer d’office.
C’est exactement ce qui s’est produit dans le cas de la décision du 2 décembre : la demande formulée par un concurrent électoral a été rejetée pour cause de tardiveté, et une autre demande, également formulée par un concurrent électoral, a été rejetée comme non fondée. L’autorité de la chose jugée de cette décision a été bafouée.
Plus grave encore, la décision de la CCR prononcée vendredi a annulé l’intégralité du processus électoral. Non seulement le premier tour a été annulé, mais également tout le processus électoral. Il faut désormais tout reprendre à zéro – à l’exception, très probablement, des candidats qui seront invalidés en cours de route sur la base de notes informatives provenant des services secrets.
Il ressort de la motivation de la décision de vendredi que les seules « preuves » sur lesquelles s’est fondée l’annulation de l’ensemble du processus électoral sont des notes informatives émanant du SRI, du SIE et du Ministère de l’Intérieur, prétendument déclassifiées par le CSAT. Il n’existe actuellement aucune raison, rationnelle ou émotionnelle, de penser que ce précédent ne deviendra pas un modèle d’action étatique lors des prochaines élections.
Selon l’article 52, alinéa 1 de la loi n° 370/2004, la compétence de la CCR se limite à constater si, en cas de fraude électorale, la hiérarchie des candidats est modifiée. Dans l’affirmative, la CCR peut uniquement annuler le premier tour et en ordonner la répétition, mais non annuler l’intégralité du processus électoral. La motivation succincte de la décision critiquée dans cette voie de recours extraordinaire indique que seul l’un des candidats aurait manipulé l’électorat. Dès lors, la CCR ne pouvait annuler que le premier tour, et non tout le processus électoral.
Malheureusement, la CCR a interprété une disposition constitutionnelle, à savoir l’article 146, lettre f) de la Constitution, de manière totalement contraire à son sens ordinaire. La Constitution confère à la CCR le rôle de veiller au respect de la procédure d’élection du Président de la Roumanie, ainsi que la compétence de confirmer les résultats des suffrages.
Aucune disposition de la Constitution n’octroie à la CCR la compétence d’annuler l’ensemble du processus électoral ; elle ne dispose que de la compétence de confirmer les résultats des élections. Veiller au bon déroulement du processus électoral signifie empêcher que des événements ou actes administratifs ou électoraux ne l’entravent ou ne le détournent de son cours normal. Cette fonction de supervision s’exerce pendant, et non après, les élections.
La compétence de la CCR pour annuler le premier ou le second tour est établie dans la loi n° 370/2004, et non dans la Constitution.
Il est crucial que ces limites de compétence soient respectées et non étendues au-delà de la lettre de la loi et de l’esprit de la Constitution. Sinon, la CCR en viendra à nier, par le vote d’une majorité de ses neuf juges, le vote de plus de 9,5 millions de citoyens.
La décision de la CCR du 6 décembre 2024 constitue un précédent extrêmement dangereux, car :
• d’une part, elle constitue une négation flagrante de l’article 2 de la Constitution (la souveraineté nationale appartient au peuple roumain et s’exerce par ses représentants élus), répétable chaque fois que le pouvoir souhaite se maintenir au pouvoir, donc irrévocable par des élections, et
• d’autre part, elle motive sérieusement la perte de confiance du peuple dans la démocratie, les élections et l’État de droit.
En outre, concernant le dépassement des compétences de la CCR, on observe que, par le biais du point 22 de la motivation, ajouté à la décision de vendredi sans aucune justification et en l’absence de toute requête d’une personne ou institution habilitée, la CCR a décidé discrétionnairement que le président actuel de la Roumanie, dont le mandat expire le 21 décembre 2024, pourra exercer cette fonction jusqu’à la validation du mandat du nouveau président élu. Il s’agit d’une prolongation anticonstitutionnelle et unique dans l’histoire des démocraties constitutionnelles, sine die, du mandat du président actuel, d’autant qu’il n’est nullement certain qu’à l’avenir les neuf juges de la CCR valideront un scrutin qui ne répondrait pas aux « critères » imposés par les services secrets à travers leurs notes informatives. Il s’agit, tout simplement, d’un coup d’État.
Enfin, nous notons que lors de la réunion informelle du vendredi 6 décembre 2024 des neuf juges de la CCR, aucun représentant du Parquet général n’a été présent, bien que sa présence ait été légalement obligatoire.
Note : les chances que cette contestation soit déclarée recevable sont minces, car il est généralement admis que toutes les décisions de la CCR sont obligatoires et donc inattaquables. C’est bien sûr un préjugé et une potentielle dénégation de justice de rejeter toute voie de recours, surtout face à une décision aussi aberrante que celle de vendredi de la CCR, mais c’est sur ce terrain hostile que nous devons évoluer.
Adrian Onciu :
COUP D’ÉTAT / Observations à chaud :
1. Sur la base des mêmes informations issues des documents déclassifiés des services secrets, le premier tour a d’abord été validé par la CCR (lundi, décision unanime), puis annulé (vendredi, décision unanime).
2. Les sondages d’opinion après la validation du premier tour ont montré que CG aurait remporté le deuxième tour sans difficulté. Les pressions de la Maison Blanche pour trouver une “solution” ont conduit à une nouvelle réunion de la CCR, qui a décidé, de manière complètement abusive et illégale, de reprendre les élections à zéro. L’enjeu de la guerre en Ukraine a été essentiel.
3. Le PNL pourrait pousser Ilie Bolojan à se présenter à la place de Nicolae Ciucă. D’où la grande inquiétude dans le camp de l’USR. Lasconi sait qu’elle ne sera plus en finale lors du prochain scrutin : “L’État roumain a piétiné la démocratie.” Ludovic Orban a exprimé la même indignation, au grand étonnement de Striblea, d’Europe FM.
4. La principale cible de la scandaleuse décision de la CCR, Călin Georgescu, sera éliminée de la course. Sous prétexte qu’il serait un agent russe. Les services spéciaux fabriqueront de prétendues preuves qu’ils diffuseront dans les médias au moment opportun. Si CG restait dans la course, il gagnerait sans problème. Et le coup d’État des juges de la CCR, orchestré sous la pression des services secrets de Johannis (incités par la Maison Blanche), serait totalement inutile.
5. L’attitude des principaux partis mainstream, PSD et PNL, est extrêmement embarrassante. Ciolacu a prouvé, s’il en était encore besoin, qu’il n’est qu’un opportuniste sans foi ni loi, à la solde des services secrets.
6. La Roumanie est devenue une “dictature” de facto au sein de l’UE et de l’OTAN. Dès aujourd’hui, il sera extrêmement honteux pour tout Roumain honnête de pointer du doigt des autocrates comme Poutine, Orbán ou Trump. Chez nous, c’est bien pire. Nous sommes revenus directement au communisme. Autant demander à Joe Biden d’annoncer sur CNN, à Noël, le nouveau président de la Roumanie. Cela économiserait quelques millions d’euros gaspillés en campagne électorale et éviterait des visites chez le psychologue pour traiter la dépression.
7. Si les Russes ont interféré dans la présidentielle (quelle absurdité ! où sont les preuves, messieurs du SRI ?), on peut supposer qu’ils ont également manipulé l’opinion publique lors des élections législatives. La CCR devrait aussi invalider ce scrutin.
8. Les protestations dans la rue pourraient facilement dégénérer au vu de la haine qui émane des sympathisants d’Elena Lasconi. Mais c’est probablement là que l’on arrivera si les services secrets de Johannis, main dans la main avec les globalistes de Biden, continuent de se moquer de millions de Roumains.
9. Je ne trouve pas les mots pour exprimer mon indignation. Je ne pensais pas revivre de tels moments après décembre 1989. Il est fort probable que les services secrets prennent de l’assurance et commencent à réprimer les soutiens les plus vocaux de Călin Georgescu. (Lasconi : “La manière dont la propagande russe s’est répandue dans le pays est un problème très grave, qui doit avoir des conséquences. Nous devons nous en occuper après avoir organisé des élections libres et montré au monde entier combien nous sommes puissants.”)
10. Quiconque sera élu président (après l’exclusion de CG) sera totalement dépourvu de légitimité. Il ne représentera pas la Roumanie, mais une mafia transnationale.
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Pour ma part je me permets ce petit complément synthétique :
Je me base sur ma connaissance de la constitution roumaine, calquée sur le modèle français :
-la cour constitutionnelle s'autosaisit et, après avoir validé le 1er tour de la présidentielle, elle l'annule,
-elle met en ligne sa décision mais rien ne parait au journal officiel,
-voyant le document en ligne, la Commission électorale suspend le scrutin qui était commencé pour les expatriés, et stoppe l'organisation du scrutin sur le territoire national,
Donc des institutions de l'Etat ont fonctionné sans couverture légale, le président est maintenu en poste, mais de quel droit et sur quelles bases légales, et jusqu'à quand ?
Que va faire le nouveau parlement roumain ? ... s'il est bien entendu convoqué par le président !!!
Concernant Elena Lasconi, elle a réagit en dénonçant cette décision, son message vidéo est visible sur ma page Facebook de ce samedi…
La photo jointe avec Kim Jong Un, plutôt prémonitoire, date d'il y a 4 jours ; le texte traduit : "je vous ai dit que les élections avec plus d'un candidat, c'est compliqué"
34 réactions à cet article
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