Rwanda : du 01-10-1990 au 01-10-2020 : « La guerre de trente ans africaine ». (1/2 ?)
Il y a trente ans que ce 01/10/2020 des unités de l’armée régulière ougandaise entraient par la force en territoire rwandais, en massacrant les quelques gardes-frontières du poste de la douane de Kagitumba, sur la route Kigali (Rwanda) – Mbarara (Ouganda).
C’était le début de ce qu’on peut, en dehors de tout doute raisonnable, appeler la guerre de trente ans africaine (jusqu’à présent), qui, fort probablement, n’est qu’un début ..... puisqu’il reste encore 1,2 milliards d’Africains (noirs et blancs) pesant un poids non négligeable et difficilement supportable, dans la surpopulation mondiale.....Donc .... Il n’y a pas photo. Point/Barre.
Il faut rappeler qu’en 1990, le Président Joseph-Désiré Mobutu du Zaïre (maintenant RDC), l’homme de « paille » de la Communauté Internationale Amie du peuple Zaïrois, devenait complètement incontrôlable après plusieurs crises, d’octobre 1988 à juin 1990, avec l’ancienne puissance coloniale belge (elle-même aux bottes de l’impérialisme occidental). Yoweri Musévéni, actuel Président d’Ouganda, qui en 1986 avait « succédé » après 5 ans d’une guerre civile sanglante et atroce au duo Idi Amin Dada-Milton Obote, se positionnait, concomitamment, comme le nouveau « Our guy » des anglo-saxons et « Our boy » du FMI et de la BM. Il est un des premiers dictateurs africains à avoir utilisé des enfants soldats dans son armée à l’indifférence générale des « observateurs » étrangers. Ils ont été vus, ces enfants, juste après la victoire de Musévéni, affectés à des tâches subalternes, malgré tout armés de Kalachnikovs, de contrôle des barrages routiers, où, trop jeunes, ils n’osaient pas encore demander aux étrangers cigarettes, alcool et/ou dollars. Cette timidité due à l’inexpérience passait aux yeux des étrangers, coutumiers des « matabishi inhérents », comme une discipline remarquable de l’armée de résistance nationale (NRA), dont Paul Kagamé, actuel Président rwandais, était un des officiers supérieurs.
L’armée de Musévéni était composée pour une grande partie de son commandement par des officiers de la classe socio-culturelle Tutsie, d’origine rwandaise. Enfants réfugiés en Ouganda depuis les années de l’indépendance de leur pays d’origine (1959-1963), ils y avaient grandi et avaient incorporé la hiérarchie militaire des forces qui ont renversé Obote. Ces Rwandais commençaient à « ombrager » les officiers nationaux. Les hommes de troupe provenaient, pour certaines unités, de la deuxième génération de Tutsis originaires du Rwanda. Ce sont ces unités qui ont attaqué le Rwanda le 01/10/1990 sous le commandement d’un certain Fred Rwigyema († 03/10/1990). C’était pour Musévéni un moyen de les « renvoyer chez eux ».
Faut-il rappeler qu'un réfugié sous l'uniforme de l'armée du pays d'accueil qui attaque son pays d'origine perd son statut de réfugié[1]. N'étant pas composé de ressortissants rwandais à proprement parlé, le FPR ne formait donc pas une rébellion en tant que telle. Une rébellion est, de fait, un soulèvement civil ou militaire de nationaux à l'intérieur de leur propre pays contre les diverses formes d'autorité de ce même pays. (Castro n'a pas quitté Cuba pour revenir à La Havane, faire "sa" révolution). La qualification de rébellion dès les premières heures de l'invasion permettait à la "communauté internationale" de ne pas respecter son devoir de condamnation morale, suivant les normes internationales et les accords particuliers d'Etat à Etat de coopération et de défense mutuelle (Donc pas de Conseil de Sécurité de l'ONU !). Il ne pouvait pas s’agir d’« intervenir dans un conflit intérieur rwando-rwandais » .... Or il était de notoriété publique que l’Ouganda armait et offrait des sanctuaires au FPR. Ce qui faisait du FPR non plus une force visant à rétablir des réfugiés dans leurs droits au retour, mais une force armée de première et injuste agression internationalement condamnable. Et cependant il n’y eut aucune réaction pour caractériser et faire cesser l'agression flagrante ! Celle-ci aurait cependant dû être qualifiée, dès le début, de crime contre la paix et ensuite de crime de guerre commis par le FPR. Le sabotage de la centrale électrique de Ntaruka (installation essentiellement civile) est un exemple frappant de ce que la communauté internationale avait l’intention de ne pas voir. Tout est passé inaperçu !..... Même, le fait que des accords sous l’égide du HCR étaient en train de se concrétiser pour un retour planifié des réfugiés de 1959-1963. Mais le sigle "FPR", reste, entouré d'une aura d'autant plus intense que peu analysée quant à ce que ce sigle couvre réellement. Le FPR était commandé, non par Paul Kagamé, mais bien, comme dit plus haut, par Fred Rwigyema, "poulain" de Musévéni et donc de la CIA. Il ne comptait dans ses rangs aucuns autres ex-réfugiés Tutsis rwandais de Tanzanie, du Burundi ou même du Zaïre. Par contre la présence de mercenaires Soudanais et Ethiopiens était dès le début signalée par certains observateurs proches du terrain. Fred Rwigyema fut assassiné dès le troisième jour de l'invasion ougandaise sur ordre de Paul Kagamé ( ?). Celui-ci avait été, de fait, doublé par Fred Rwigyema avec l'accord de Musévéni et du frère de celui-ci, Salim Saleh. Rappelons que pour ce faire, Kagamé avait été mis, « sournoisement » à l'écart de l'attaque du 01/10/1990, sous prétexte d'un stage à Fort Leavenworth où il séjourna d'ailleurs moins de trois mois, d'août à octobre 1990 (d’où la légende de sa "formation" made in US Amy). Dans le livre de Stephen Kinzer Kagamé prétend qu’il avait « planifié » l’attaque du Rwanda avec Rwigyema [2]... en prévoyant l’invasion au 01/10/1990 alors qu’il était déjà aux USA (en lieu et place de Rwigyema justement !) « We (Rwigyema et Kagamé) had agreed that when the war started, I would come back. ».... Crédible ? .... Fred Rwigyema n’est plus là pour confirmer, mais il a encore de la famille « re-réfugiée » en Ouganda !!!!... Les Majors Bayingana et Bunyenyezi furent, dès la mi-octobre et le retour de Kagamé à Kampala, assassinés par Kagmé (bis repetita placent - ?) et ce, sans aucune réaction de qui que ce soit, sans aucunes questions sur les mobiles, les auteurs, les instigateurs, collaborateurs, les petites mains et "autres" acteurs !.... Il faut aussi dire que ces deux officiers tenaient en piètre estime et Rwigyema et Kagamé[3]. C'est seulement à ce moment-là que Paul Kagamé se plaçait à la tête du FPR. Après la guerre il fit de Rwigyema un héros (comme Mobutu a fait un héros de Lumumba qu'il avait, lui-même, fait assassiner). Mais en attendant, avril 1994, pour s’accaparer du pouvoir il fallait ajouter à l’agression militaire, un climat de déstabilisation du régime Habyarimana. Paul Kagamé instaure une situation de terrorisme engendrant le contre-terrorisme. En cela Kagamé peut être considéré comme un génie du mal ...... En bon stratège des arts martiaux, il a fait faire l’erreur fatale à l’ennemi .... et pour cela il fallait exacerber les rancœurs. Il a d’abord fait assassiner Emmanuel Gapysi[4], ancien Secrétaire Générale du Minitrape et ensuite Félicien Gatabazi, ancien Ministre du Minitrape, tous deux opposants modérés à Habyarimana. Ceux-ci avaient eu le tort de comprendre trop tôt que Kagamé voulait le pouvoir, tout le pouvoir et rien que le pouvoir par les armes et non par les urnes. Pour ce qui est de Gatabazi, il aurait été informé des préparatifs de l’assassinat d’Habyarimana, lors d’une réunion (tenue en deux temps) avec Agathe Uwilingiyimana première Ministre, et d’autres membres des ailes « dures » anti-Habyarimana (et donc pro-FPR), tenue (semble-t-il) au Méridien quelques minutes avant son assassinat.
Kagamé a, par après, fait assassiner Melchior Ndadaye le premier président Hutu élu régulièrement au Burundi. Celui-ci avait eu le malheur d’avoir à connaître d’une manière indirecte du plan que des officiers de l’armée burundaise (encore majoritairement de la classe socio-culturelle Tutsie burundaise, alliée de fait du FPR), avaient concocté pour autoriser des forces US à venir stationner à Bujumbura (Burundi), pour soutenir l’attentat prévu sur la personne du Président Habyarimana, à peine quelques jours avant cet attentat. Il faut se rappeler que les accords d’Arusha datent du 04/08/1993 , l’assassinat de Ndadaye date du 21/10/1993, l’arrivée des troupes US de l’ « European Command » ou EUCOM de Stuttgart date du 03/04/1994, l’assassinat d’Habyarimana date du 06/04/1994, les troupes US embarquées sur le Peliliu à Mogadiscio (en Somalie) étant déjà en route pour Mombassa (Tanzanie), pour intervenir via un débarquement amphibie de troupes spéciales, héliportées jusqu’à Bujumbura et sans doute dans les premiers jours du Génocide jusqu’à Kigali (Cfr. Samantha Power[5].)
Depuis l’accession au pouvoir de Kagamé, 26 ans se sont passés avec un seul homme au pouvoir. En effet, la comédie d’un président tchi-tchi boy, marionnette hutue, Pasteur Bizimungu, aura duré 6 ans avant que celui-ci ne soit « démissionné » par son Vice-Président et Ministre de la Défense, Paul Kagamé, itself. Bien que les accords d’Arusha n’aient jamais prévu de poste de Vice-Président, Kagamé s’était auto-proclamé Vice-Président, et Ministre de la Défense, en fait, réel Président. La Communauté Internationale ne reconnaissait, en fait, que Paul Kagamé. Le premier officiel étranger à arriver à Kigali, à la fin du génocide, a été le Général Shalikachvili, Premier Conseiller Militaire de Bill Clinton, qui snoba le président Bizimungu pour bien marquer la position de l’Administration US et en particulier le clan Clinton, vis-à-vis de la reconnaissance de Kagamé comme seul et unique représentant du Rwanda.
Depuis lors, il y a eu en France une plainte, en 1998, concernant les auteurs présumés de l’attentat du 6 avril 1994. C’est seulement après 15 ans de silence (depuis l’attentat) que le Rwanda a ouvert sa propre enquête en représailles aux conclusions de celle du Juge Bruguière. Pendant ce temps-là, les bâtiments du Centre d’Echanges Culturels Franco-Rwandais ont été rasés, l’anglais a remplacé le français comme seconde langue dans l’administration comme dans l’enseignement, les relations diplomatiques rwando-françaises ont été des plus chaotiques. Le plus important c’est que le peuple rwandais a plébiscité, à la soviétique, Kagamé comme président potentiel jusqu’en 2034. Ce qui doit être lu au deuxième degré pour ce qui est de la signification .... Car en fait les Rwandais auraient pu voter « ethniquement » et Kagamé n’aurait eu que 15 à 20 % des voix....mais 99.99 % des voix est significatif par l’absurde de l’intelligence du peuple rwandais. Tout autre chiffre livrait à une mort certaine les électeurs des districts électoraux coupables de négationnisme et de terrorisme ....
Ce ne sont que quelques détails de l’histoire interne du Rwanda, depuis 30 ans, en laissant de côté le nombre invraisemblable d’assassinats politiques, de crimes d’opposants, de disparitions inquiétantes, d’exécution extra judiciaires, de famines, de répressions violentes des population affamées et autres joyeusetés que les amis du peuple rwandais ne voient pas ....
Mais pendant ces mêmes 30 ans il faut encore relever les deux guerres mondiales d’Afrique Centrale ..... qui ont fait plus de 6.000.000 de morts directes et indirectes d’Hutus Rwandais et d’autres Ababantus Congolais, une fois de plus, dans le silence assourdissant de la Communauté Internationale.. Or le « Mapping Rapport » que Navanethem Pillay (ancienne membre du TPIR)[6] a rédigé reprend les termes « qualifiant de génocide » les actes commis par le FPR en RDC. De plus l’assassinat de Laurent Désiré Kabila en janvier 2001 a lui aussi laissé la Communauté Internationale de marbre .....
Cet épisode de la guerre de trente ans est repris dans un livre de la journaliste canadienne, Judi Rever, qui est enfin paru en français, sous le titre « Rwanda : l’Eloge du Sang »[7] après avoir été publié en anglais[8] et en néerlandais[9] en 2018. Le projet de publication en français qui semblait acquis auprès d’un grand éditeur de Paris avait subitement été « suspendu » suite, semble-t-il, à une intervention du collectif IBUKA. J’avais fait des commentaires sur Agora Vox[10], lors de la publication anglaise. Il me sera fort agréable de comparer les éditions, anglaise et française, et d’en faire un commentaire dans ma prochaine « livraison ».
Toujours est-il que ce trentième anniversaire met en relief la « succes story » qu’a été au Rwanda cette guerre africaine. « The great reset post-genocidal collapse » qui soulève l’enthousiasme la Communauté Internationale était-il bien nécessaire ?
(A suivre ?)
[1] « Guide et principes directeurs sur les procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés au regard de la convention de 1951 et du protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés » Genève, décembre 2011 P 152 - 162
[2] « A Thousand Hills”– “Rwanda’s Rebirth and the Man Who Dreamed It” -Stephen Kinzer
P 63 : “The day they selected was just days away : October 1, 1990” (Le jour qu'ils ont choisi n'était plus qu'à quelques jours : le 1er octobre 199 – trad. pers.)
[3] Le Major Bayingana et le Commandant Bunyenyezi considéraient Fred Rwigyema et Paul Kagamé comme des « Kadogos » quasi illettrés
[5] Samantha Power « A poblem from Hell -America and the age of Genocide”. P 354-355 ISBN 978-0-06-112014-5
[7] ISBN 978-2-31500-975-2
[8] « In Praise Of Blood The crimes of the Rwanda Patriotic Front » ISBN 978-0-345-81209-4
[9] De waarheid over Rwanda- Het regime van Paul Kagame Product code (EAN) : 9789463723602
[10] Judi Rever et Paul Kagamé : « Le premier qui dit la vérité ..... » de 1 à 4
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/judi-rever-et-paul-kagame-le-218870
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/judi-rever-et-paul-kagame-le-219113
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/judi-rever-et-paul-kagame-le-219476
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/judi-rever-et-paul-kagame-le-219748
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