Sakineh : l’odieuse manipulation de la télévision iranienne
Il n’y a pas grand’chose à dire, à propos de l’affaire Sakineh, de la prétendue reconstitution, filmée et présentée ces jours-ci par la télévision iranienne, du tout aussi hypothétique meurtre de son mari, sinon que cette mise en scène, particulièrement grotesque et macabre, atteint là un sommet, encore jamais égalé dans l’histoire de la manipulation médiatique, d’ignominie.
Certes les pays totalitaires, et leurs tyrans maladivement férus de propagande, ont-ils toujours eu recours, pour masquer leurs propres crimes, à ce genre de méthodes, dont on ne sait si c’est la patente abjection ou l’infinie bêtise qu’il faut, manifestement, déplorer le plus : le simulacre. Ainsi les apparatchiks staliniens avaient-ils pour sinistre habitude d’organiser publiquement, après leurs parodies de procès, des simulacres de libération, tandis que les dignitaires nazis avaient pour encore plus ignoble manie d’orchestrer, en séance publique toujours et auprès de tribunaux tout aussi expéditifs, des simulacres d’exécution.
L’actuel régime iranien, qui cumule, lui, ces deux innommables vices, a choisi, en ce qui le concerne, de placer encore un peu plus haut, en matière de pratiques judiciaires, la répugnante barre de la perversion politico-idéologique : extorquer, face à des caméras de télévision, de fallacieux aveux du coupable présumé, puis se livrer, sur ces mêmes écrans, à une tout aussi illusoire libération de ce pseudo criminel, pour, afin de le diaboliser totalement et comme par effet de surprise, en reconstituer ensuite, utilisant pour cela des acteurs de pacotille (une fausse Sakineh, en l’occurrence) et moyennant un scénario tout aussi affligeant, l’invraisemblable crime… le tout, enfin, pour mieux en préparer et justifier à la fois, après s’être acharné ainsi à tenter de démontrer aux yeux de l’opinion publique la culpabilité de l’intéressé, la future mise à mort.
Bref : au bout de cet indigne et sordide spectacle, le mensonge étatique, comme aux pires heures des pires dictatures, dans toute son indescriptible horreur ; l’infamie est à son comble !
Ainsi, que ces autorités politico-religieuses de la République islamique d’Iran le sachent une bonne fois pour toutes : nous qui nous battons inlassablement depuis maintenant plusieurs mois pour la libération de Sakineh, nous ne somme certes pas dupes, face à d’aussi honteuses impostures, de leurs manigances de bas mais réellement criminel, lui, étage. Davantage : nous sommes même à présent définitivement persuadés, à l’exact contraire de ce que leurs turpitudes ont bien voulu nous faire croire, de l’innocence de Sakineh. Aussi le boomerang, tant pour le président Mahmoud Ahmadinejad que pour l’ayatollah Ali Khamenei, s’avère-t-il, de ce point de vue-là, paradoxalement
imparable : ils le prennent là, à notre regard révolté par tant d’impudence, en pleine figure !
Et quand bien même : nous sommes, nous, humanistes convaincus et résolument attachés aux imprescriptibles valeurs de la démocratie, fermement opposés à toute peine de mort, quelle que soit la gravité des faits reprochés ou des délits imputés, surtout lorsqu’il s’agit d’un châtiment aussi barbare, à l’instar de celui que la pauvre Sakineh est censée attendre cruellement dans son infecte geôle de Tabriz, que la lapidation, fût-elle commuée - ce qui n’est guère mieux - en pendaison.
A bon entendeur, que nous nous n’aurons pas l’élégante faiblesse, en ces pénibles et surtout inqualifiables circonstances, de saluer !
DANIEL SALVATORE SCHIFFER*
* Philosophe, écrivain, promoteur de la « lettre ouverte aux autorités iraniennes » en défense de Sakineh (pétition européenne et médiatique ayant recueilli, en plus du soutien des plus grands intellectuels français et italiens, auxquels se sont joints 7 prix Nobel, près de 150.000 signatures) et membre du comité international contre la lapidation et, plus généralement, la peine de mort.
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