Sakineh-Teresa : L’injuste et injustifiable indignation sélective

D’où cet étrange et pour le moins paradoxal constat, à faire tressaillir d’indignation les plus démocrates d’entre nous : il vaut mieux être, telle Sakineh, pourtant accusée elle aussi de complicité dans le meurtre de son mari, une condamnée à mort, par lapidation, en République islamique d’Iran, pays très justement réputé « fasciste », qu’une condamnée à mort, par injection létale, aux Etats-Unis d’Amérique, nation très injustement qualifiée de « progressiste ».
Pis : nous n’avons guère entendu s’exprimer, sur ce douloureux mais important dossier pour le respect des droits de l’homme et de la femme, le Président des Etats-Unis d’Amérique, Barack Obama en personne, pourtant auréolé, il n’y a pas si longtemps, du très prestigieux prix Nobel de la paix. Un silence assourdissant de lâcheté, sinon, en l’occurrence, de complicité par omission ! Non, et au contraire : pas un mot, non plus, de ce même Obama, à propos de Teresa toujours, à l’Assemblée Générale de l’ONU, par exemple, ces tout derniers jours, alors même qu’il aurait peut-être pu ainsi, du haut de semblable tribune, infléchir, vers plus de pitié, la décision des juges américains, ses propres concitoyens.
De même n’avons-nous pas plus entendu s’écrier, sur ce même et tout aussi abominable dossier (car les affaires Sakineh-Teresa recouvrent une saisissante similitude dans les termes juridiques, si ce n’est dans les actes mêmes), les pétitionnaires habituels - Bernard-Henri Lévy et autre Bernard Kouchner en tête - par rapport à ce genre d’ignominie : un crime, de surcroît, particulièrement abject et inhumain que celui qui vient d’être ainsi perpétré, dans l’indifférence quasi générale et l’anonymat le plus complet, à l’encontre d’une malade mentale (ce fut, soit dit en passant, aussi là - supprimer les malades mentaux au prix d’un quelconque alibi moral - l’un des objectifs les plus vils et répugnants, de sinistre mémoire, du programme nazi !). Pas même, face à l’incommensurable drame de Teresa Lewis, le moindre regret, fût-ce a posteriori, dans leur bouche : comme si, au prix d’un incroyable et encore plus hypocrite déni de la réalité, elle n’existait pas !
Bref : un injuste et injustifiable « deux poids, deux mesures », celui des affaires Sakineh-Teresa, qui n’aura donc de cesse d’interpeler désormais, de la manière la plus tragique qui soit, notre conscience d’homme libre et se voulant doté, du moins idéalement, d’une certaine honnêteté intellectuelle !
* Philosophe, écrivain, promoteur de la « lettre ouverte aux autorités iraniennes » en défense de Sakineh : pétition ayant recueilli jusqu’à présent, en un mois, 150.000 signatures.
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