Salaires & politiques, une belle Bout(in)ade
On entend souvent dire que les salaires exorbitants de nos politiques vont à l’encontre de nos principes démocratiques.Pourtant nos élus ont commencé à être rémunérés dans le but de « démocratiser » la politique.Nous analyserons la petite histoire de la relation salaire/politique, de 1789 à nos jours, puis nous verrons que le temps n’a pas assagi les Hommes.
Histoire des rémunérations
C’est la révolution française !
Un vent de liberté et de nouveauté souffle sur la France. Le peuple (la bourgeoisie ?) ayant pris le pouvoir, il faut s’organiser afin de créer un système viable.
Les Etats généraux commençaient leur mutation … 3 ans plus tard (en 1791) ils se transformèrent en Assemblé Nationale.
Les délégués des Etats généraux (futurs députés) étaient originaires de la France entière. Les plus modestes d’entre eux venaient parfois de très loin et avaient beaucoup de mal pour se loger.
Face à ce problème, l’assemblée vota à l’unanimité l’instauration d’une indemnité de 18 livres par jour afin qu’ils puissent subvenir à leurs besoins, le 1er septembre 1789.
Cette rémunération paraît en effet nécessaire car si les plus modestes d’entre eux ne pouvaient pas assurer leurs fonctions pour des raisons financières, cela aurait été un moyen pour les personnes les plus riches (donc les moins nécessiteuses d’égalité sociale) de s’arroger les sièges de l’assemblée.
N’empêche que l’on peut s’étonner que cette loi, qui permit aux députés de se rémunérer de 18 livres/jour, ne fut même pas enregistrée au procès-verbal de la séance.
Parallèlement, l’année 1791, vit l’élaboration du régime censitaire. Soutenue par Emmanuel-Joseph Sieyès, ce système voulait que seules les personnes qui avaient la possibilité de payer le cens (un impôt) pouvaient élire et se présenter aux élections. Sieyès pensait que seules les personnes ayant un certain niveau économique étaient suffisamment intelligentes pour faire les bons choix en politique. Les députés élus par le « peuple » étaient donc assez riches pour subvenir à leurs besoins, même s’ils ne refusèrent pas les 18 livres par jour.
Ne pensez donc surtout pas que la Révolution française permit à tous les citoyens de voter : les femmes et tous ceux qui ne payaient pas le cens n’en avaient pas le droit.
Il fallut attendre 1848 et l’avènement de la 2nde République pour voir enfin apparaître le suffrage universel, que l’on connaît encore aujourd’hui. La rémunération d’un député passa à 25 livres par jour (9 000 livres par an) alors qu’un ouvrier parisien gagnait 3 francs quotidiennement (1 franc = 1 livre). Quelques temps plus tard la rémunération passa à 15 000 livres par an, dans la plus grande discrétion et sans trop que l’on sache pourquoi. Cette décision fut un tollé général quand la population l’apprit.
Bref il fallait inventer un système pour augmenter les salaires sans faire de lois. C’est ce qui fut réalisé en 1906, où l’on décida d’indexer les salaires des parlementaires sur ceux de la haute fonction publique.
La justification à la brutale augmentation de ces salaires fut donnée par le leitmotiv : « un bon salaire les empêchera d’être corrompus par une force extérieure », ce qui peut toutefois laisser à réfléchir.
C’est ainsi qu’on passa de simples indemnités à de véritables salaires, d’un gouvernement démocratique à une société ploutocratique.
Aujourd’hui, on voit de plus en plus de personnes qui se lancent dans la politique en y voyant une fin en soi.
En dépit de vivre pour la politique, ils vivent désormais de la politique.
Le système [...] est démocratique dans sa forme et ploutocratique dans son contenu.
Paul Sweezy, dans Monthy Review Press (1966)
Ils [les politiques] y marcheront par cette route irrégulière, au lieu de suivre la route naturelle, le travail : ce sera pour eux une source de corruption, pour l’État une source de désordre.
Benjamin Constant (député), dans Ecrits politique (1815)
Dans l’actualité
A l’image de Nicolas Sarkozy qui s’est augmenté de 140 % dans les premiers jours de son mandat de président de la République, nombre de politiques se sentent décomplexés face à ces questions de rémunérations.
Le 9 juin 2010, le « Canard Enchaîné » révèle le « salaire » de Christine Boutin pour une mission présentant des propositions sur « les conséquences sociales de la mondialisation ». Salaire qui s’élève à 9 500 € par mois en temps de restrictions budgétaires.
Ses « justifications » au micro de France Info :
Salaire des politiques :
Président de la République : 20 000 € par mois (il était de 8 500 € avant N. Sarkozy)
Premier ministre : 22 250 € par mois
Secrétaire d’Etat : 13 000 € par mois
Ministre : 13 900 € par mois
Sénateur : 7 000 € par mois
Député : 7 000 € par mois
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Sources :
- Le salaire de la politique – Le Monde diplomatique
- Politique et propriété – Le Monde diplomatique (juin 2010)
- Les salaires des hommes politiques français – L’internaute
- Christine Boutin ira jusqu’au bout de sa mission – Le Parisien
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