Sanctions : l’UE, ce jouet de la politique ukrainienne
Mais qu’allaient-ils faire dans cette galère ? C’est bien la question que l’on est en droit de se poser presque deux ans après le début de la contestation en Ukraine qui a débouché sur le départ du président Ianoukovitch et la prise du pouvoir par une petite équipe pro-occidentale et fermement soutenue par les Etats-Unis. Une fois encore, l’Union européenne s’est distinguée par son suivisme au demeurant aveugle car en prenant des sanctions contre la Russie, elle a mal évalué les répercutions économiques et politiques. Pire, elle aura été le bras armé d’une purge politicienne en Ukraine qui ne dit pas son nom…
L’Union européenne a beau avoir un Haut représentant pour les Affaires étrangères, elle est incapable de faire de la politique au sens noble du terme. Elle ne fait que subir les événements et se soumet au plus fort. Les Etats-Unis l’ont bien compris et avancent leurs pions avec l’assurance que la plupart des pays de l’Union se prêteront bon gré ou mal gré au jeu de recollage de pots cassés. La Russie l’a également intégré (il suffit de voir les derniers événements en Syrie) et fait fi de l’avis d’une Union européenne dépassée. En fait, l’UE est devenue une simple chambre d’enregistrement pour le parti du plus fort.
L’instauration de sanctions contre la Russie en 2014 et 2015 n’a fait que répondre aux pressions américaines. Sans agenda précis ni idée, l’Union européenne et les pays censés mener la barque comme la France et l’Allemagne suivent les directives de Washington. Peu importe que des pans entiers déjà mal en point de l’économie fassent les frais d’une politique où la libre pensée n’a pas le droit de citer. Pire, l’UE est tellement habituée à ne plus réfléchir par elle-même qu’elle se laisse bercer par les manœuvres politiciennes venues de Kiev. Car là-bas on fait bien de la politique (mais de bas étage). L’ébullition du pays depuis deux ans est propice à des coups bas auxquels l’Europe participe directement faute de s’investir dans un travail de fond.
Car en plus des sanctions économiques contre la Russie, certaines personnalités ukrainiennes ont été placées sur les listes des personnages non grata. Accusés de corruption (un sport national en Ukraine), de collusion avec la Russie ou carrément d’avoir eu un rôle dans la répression sanglante au tournant de 2013-2014, plusieurs dizaines de personnalités ont été mis à la vindicte publique par le nouveau pouvoir. Derrière les accusations plane surtout une chasse aux sorcières, un maccarthysme bon teint qui a pour but unique de nettoyer l’échiquier politique. Mettre ses adversaires politiques dans le même sac que les hauts responsables pro-russes qui sont partis prendre une retraite dorée dans leur datcha russe depuis longtemps, telle est la lubie de certains politiciens aux dents longues.
Si ce mouvement est difficilement freinable dans un premier temps, on peut regretter que l’UE se soit prêtée à ce jeu pendant de longs mois. Il n’y a que peu de temps qu’elle a commencé à réviser son « jugement » sur certaines personnalités qui ont été visiblement ajoutées injustement sur les listes des individus à sanctionner. Une des principales figures à avoir vu son nom blanchi se nomme Andriy Portnov. Ancien parlementaire et conseiller de Ianoukovitch, il a été mis sur le banc des accusés. Tous les motifs possibles lui ont été collés avec l’espoir qu’au moins l’un d’entre eux serait suffisant pour le faire plonger. Sauf que quand il n’y a pas eu de crime commis, il n’y a pas de preuve et la Justice ne peut qu’arrêter la machine infernale des sanctions aveugles. L’homme a été retiré des listes tout comme plusieurs autres personnalités moins en vue. Cas typique d’une victime de la Justice des « vainqueurs », Portnov devrait être suivi par d’autres hommes politiques ukrainiens qui défendent leur honneur depuis près de deux ans.
Un des plus médiatiques est un ancien ministre de Ianoukovitch qui s’est fait pas mal d’ennemis en imposant une loi contre la corruption et l’évasion fiscale plus efficace qu’accoutumée. Oleksandr Klymenko est aussi accusé de corruption après la prise du pouvoir par le camp pro-occidental, mais la Justice ukrainienne lui a finalement donné raison. Aucune charge n’est retenue contre lui et il peut en théorie rentrer à Kiev sans avoir peur pour sa sécurité. Sauf que l’Union européenne n’a pas encore trouvé le stylo pour rayer son nom de la liste des personnes sanctionnées. Klymenko s’en amuse dans une vidéo notamment publiée sur YouTube et qui a retenu l’attention du très sérieux Politico Europe. En somme, tout le monde sait qu’il est innocent, mais rien n’est fait pour faire machine arrière.
L’Union européenne est prompte à condamner quand on lui souffle des noms à l’oreille, mais bien plus lente lorsqu’il faut trier le bon grain de l’ivraie. Elle qui s’enorgueillit d’être un modèle pour tous les pays du monde… Il n’y a vraiment pas de quoi pavoiser. Cette politique à la petite semaine que mène l’Europe illustre toute l’étendue de sa faiblesse. Le seul magistère qui lui reste est en train de se dissoudre dans les brumes d’un lent effondrement économique, politique et moral. Ne plus accéder systématiquement aux exigences du plus fort serait un premier pas vers la liberté, mais l’UE a-t-elle encore assez de force pour ne plus se soumettre ainsi ?
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