Sanofi-Aventis, ou comment virer les gens comme des malpropres
Cette nouvelle-là aussi est passée au travers du filtre des nouvelles de fin d’année. Et pour cause : c’est une des pires jamais lues sur le caractère inique d’un patronat ne sachant plus comment faire, arrivé au degré absolu du capitalisme, qui nécessite aujourd’hui de se séparer au plus vite, parfois, de collaborateurs, sans y mettre bien entendu de gants, afin de garder une chance à l’entreprise de rester hyperperformante, en faisant bien entendu trimer deux fois plus pour trois fois moins ceux qui restent. L’histoire, à vrai dire, nous arrive des Etats-Unis, via la branche US du laboratoire français, et a été révélée par l’Hufftington Post le 17 décembre dernier par une certaine « Astrid » : nous sommes alors à la mi-novembre, et le directeur local de la branche ne sait alors toujours pas comment annoncer à ses troupes qu’il va devoir se séparer de 1700 d’entre eux pour l’an 2011, c’est-à-dire dans moins d’un mois et demi à peine. Alors, dans son cerveau bouillonnant, le responsable de la com de la boîte va inventer une méthode d’une perversité sans nom... il va envoyer un simple mail. Ou plutôt deux, séparés l’un de l’autre d’une demi-heure...
La méthode est en effet révoltante : la direction de Sanofi-USA a envoyé à la mi-novembre 2010 deux mails à deux catégories d'employés pré-sélectionnés. Tous deux commençaient par un "Happy Thanksgiving" traditionnel (une fête qui a lieu le quatrième jeudi de novembre aux USA) et continuait ensuite par une demande de rappeler le 2 décembre, pas avant, un numéro de téléphone. Les mails reçus à 8H du matin indiquaient de prendre contact avec la direction des ressources pour une nouvelle affectation, les gens concernés gardant leur emploi, ceux envoyés à 8H30 indiquaient un autre numéro. Avec à l'autre bout, une simple boîte vocale, annonçant le licenciement sec avec effet immédiat, et aucun recours ni aucune concertation prélalable. Aux Etats-Unis, certes, l'entretien préalable de licenciement n'existe pas, mais même là-bas, les réceptionnistes de l'envoi de 8H30 l'ont trouvé saumâtre, au point, et c'est vraiment une nouveauté là-bas, d'en appeler la presse, pour lui conter la méthode de sagouin utilisée. C'est une grande nouveauté dans le pays ! Dans sa grande mansuétude, Sanofi-USA avait cependant promis que les salaires seraient versés jusqu'au 31 décembre et qu'une (fort petite) indemnité de licenciement serait versée. Un mois pour se retourner, aux USA, avec un chômage galopant et aucune autre indemnité ni d'assurance chômage permettant de vivre correctement, avouez qu'il y a d'autres façon d'annoncer un joyeux Noël ou un super Réveillon de fin d'année ! Quel royal cadeau, pensez-donc ! Chapeau, Sanofi !
Pas de quoi pourtant secouer Jack Cox, responsable des relations avec les médias chez Sanofi-Aventis USA, qui a reconnu certes que le procédé n'était "pas idéal" mais qu'il avait fallu y recourir afin d'effectuer "rapidement et de manière cohérente" une "réorganisation" (décidée à Paris, par la nouvelle tête pensante de l'entreprise, Christopher Viehbacher) incluant des réductions du personnel drastiques : en somme, notre grand communicant, qu'on aimerait bien pendre par les tripes, à l'entendre, tellement ça nous révolte, cette méthode, avait trouvé le moyen le plus efficace pour éviter d'avoir à convoquer 1 700 entretiens individuels... On ne sait ce qui l'a emporté chez lui : le souci de l'avenir de l'entreprise ou l'économie sur les envois de lettres timbrées. Au pays du net, on peut légitimement penser que sachant virer les gens par voie de mail, il aurait aussi été capable de les convoquer par la même voie. A l'économie, jusqu'au bout, pourquoi pas !
On en viendrait facilement, avec ce genre d'individu à appeler le monde entier à lui bourrer sa boîte mail de milliers de messages, voire à l'appeler au milieu de la nuit. On ne le fera pas, bien sûr, en bon citoyen respectueux des lois, et ne possédant pas son état d'esprit tortueux, ici d'ailleurs comme aux Etats-Unis, malgré la facilité déconcertante à trouver son adresse mail et son numéro de téléphone : depuis, il a dû en changer à coup sûr, cela serait un coup d'épée dans l'eau et il serait fichu d'en recourir au FBI pour dresser une plainte pour harcèlement. Même chose sur Twitter, où notre pervers de l'emploi ose toujours se montrer, tout sourire dehors. L'endroit où il précise que si on doit le contacter, il faut penser à mettre un "us" en plus, pour ne pas confondre avec Sanofi-France, sans doute. Personnellement, je lui ai déjà envoyé un message où j'ai mis "fuck" à la fin de son nom ("jackcoxfuck", c'était trop tentant), histoire de ne pas faire comme il le demandait, et histoire aussi de lui faire savoir que ces méthodes de voyou il pouvait se les garder aux USA, mais qu'il ne devait surtout pas tenter de les importer en France. On est comme ça, nous en France, Mr Cox, en effet : en 1936, nos grands-parents se sont battus pour ne plus être lourdés comme des malpropres à la première occasion par un patron ayant tous les droits, pensez-bien que 74 ans après, les méthode expéditives qui sont les vôtres nous restent en travers de la gorge. Elles ont 3/4 de siècle d'âge et pour tout vous dire ne nous plaisent pas, loin de là. Même si vous ne faites qu'appliquer les décisions de votre patron... français (enfin plus exactement il est de nationalité canadienne et allemande, le nouveau Terminator de Sanofi). Un homme qui n'a visiblement aucune idée de ce qu'a pu représenter le Front Populaire. Il prend pourtant ses congés en France, je parie, non, notre vaillant nouveau PDG ? Non ?
Elles ne me plaisent aucunement, car pendant le temps où 1700 personnes ont été virées, "Sanofi-Aventis a réalisé 5,6 milliards de bénéfices en 2009. Les résultats 2010 devraient être du même tonneau. Le géant pharmaceutique a en outre distribué 3,1 milliards de dividendes à ses actionnaires et en prévoit 3,5 pour 2012. La firme est en pointe dans le secteur des… antidépresseurs. Histoire de faire passer la pilule. Il faut ce qu’il faut !" note le talentueux Napakatbra. L'Huffington Post remuant le bullodozer dans la plaie, avec cet autre exemple d'employée : "Mon responsable m'avait convaincu de vendre ma voiture personnelle trois mois plus tôt parce qu'il m'avait dit que la compagnie était en très grande forme, a-t-elle dit. Donc, je l'ai vendue. Je peux maintenant utiliser mon indemnité de départ pour en acheter une nouvelle, sinon je ne pourrais me rendre aux entretiens d'embauche." Jusqu"au plus profond du mépris pour les gens qui travaillent sous leurs ordres, décidément ! A ce stade, c'est de bien de la perversité d'entreprise !
Le système capitaliste est bel et bien arrivé à son degré maximal d'incompétence, celui de faire désormais plaisir aux poches des actionnaires seuls à la place de penser à l'avenir de l'entreprise ou à sa pérennité. On sait que la méthode tue tout esprit d'initiative et d'invention commerciale, qui est à la base même du capitalisme, pourtant. Il est donc distinctement en train de creuser sa propre tombe. S'en mettre plein les fouilles durant le cours laps de temps d'une vie, voilà le seul credo qui motive l'industrie capitaliste désormais et son patronat, pieds et poings liés à des actionnaires avides de rentabilité immédiate et rien d'autre : après eux, le Déluge. A bien regarder, on constate aussi que cette industrie sans foi ni loi véritables est très proche de celles liées à des ventes d'armes ou de drogue, en définitive : les deux endroits où l'on peut réaliser les profits maximaux dans le plus court laps de temps. Le régime d'Hamid Karzaï est le plus corrompu de toute la planète et les USA y ont englouti des milliards sans qu'on en voit le moindre effet : les champs de pavot s'étendent toujours jusque l'horizon, et la banque du pays a failli mourir en septembre dernier faute d'avoir trop joué avec les dépôts à risques. Madoff est certes en prison, mais Wikileaks va bientôt révéler un scandale similaire chez Bank of America, la première banque des USA. Ce n'est pas un hasard. Le capitalisme n'a jamais eu d'éthique et n'en n'aura jamais : pas d'avantage, en tout cas, que Sanofi vis-à-vis de ses propres employés.
PS : relevé sur le site français de Sanofi : "La politique ressources humaines de sanofi-aventis en France permet à chacun de se développer et de s'épanouir au travers de parcours professionnels favorisant l'exercice de différents métiers au cours d'une même carrière. L'entreprise accompagne ses collaborateurs et propose des parcours de développement qui permettent à chacun d'exprimer ses talents. La politique ressources humaines s’efforce de réaliser en permanence l'adéquation entre les besoins de l'entreprise et les aspirations des collaborateurs". On peut là aussi rajouter "fuck", je pense, sincèrement. Surtout en lisant aussi ça : "le Groupe a la volonté d’allier la performance économique et la performance sociale et réaffirme son attachement aux valeurs qui l’ont fondé : sécurité et l'hygiène sur les lieux de travail des salariés, encouragement au dialogue au sein du Groupe, respect des personnes, formation et l'emploi, protection sociale et respect de la vie privée". Re-fuck, tiens !
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