Sanofi Toulouse : ambiance électrique entre Chris Viehbacher (Sanofi) et Arnaud Montebourg
Ils se sont rencontrés vendredi 17 mai pour discuter de l’avenir du site toulousain de Sanofi. Certains avaient annoncé que Chris Viehbacher ne ferait même pas l’effort de recevoir le ministre, qu’il ne semble pas vraiment porter dans son cœur.
Arnaud Montebourg et Chris Viehbacher : quand les élites se détestent
On se rappelle sa furieuse sortie du 2 juillet 2012, suite à son entrevue avec Arnaud Montebourg à Bercy . « Je ne veux plus jamais voir ce monsieur. Jamais on ne m’avait parlé comme ça », avait simplement déclaré Chris Viehbacher. Un témoin expliquait : « Cela a été la boîte à claques pendant plus d'une heure ».
Du côté du gouvernement, Arnaud Montebourg détaillait un peu plus la surprenante rencontre : « Un de mes conseillers est parti en vrille et je ne l'ai pas découragé (…) Ces messieurs sont venus nous voir en expliquant qu'ils engrangeaient des milliards de bénéfices et qu'ils voulaient licencier 2 600 personnes. Il était de notre devoir de leur dire non. Si nous avons répondu de manière excessive, c'est parce que leur demande était excessive. »
Arnaud Montebourg se rend chez Sanofi Toulouse
Pourtant, une rencontre a bien eu lieu, avec ou sans Chris Viehbacher, à Toulouse en mai 2013. Tous les autres protagonistes étaient bel et bien présents, et la direction de Sanofi a été obligée de faire un effort pour faire entendre sa voix. Les syndicats et les auteurs du rapport commandé sur les restructurations au sein de Sanofi étaient là pour appuyer la demande du ministre, qui depuis de nombreux mois déjà, appelait le groupe à faire preuve de plus d’ouverture et de communication.
On se rappelle les déclarations d’Arnaud Montebourg au Sénat en juillet 2012 :
« Sanofi vient de débarquer à Bercy pour nous dire : nous envisageons plusieurs milliers de suppressions d'emplois (…) Que ne l'avez-vous pas dit plus tôt ? Car l'année dernière vous faisiez cinq milliards d'euros de bénéfices ». « C’est abusif ».
Ces échanges d’amabilités entre ministre et grand patron illustrent à merveille les tensions actuelles entre Sanofi et le gouvernement.
Avant le jour J, le ministre s’était engagé à ne rien laisser paraître du rapport remis, mais il a semblé faire preuve d’une fermeté toute particulière sur le dossier. Toulouse est en effet considéré comme un « pôle de recherche ». C’est du moins ce que devait estimer ce fameux rapport, afin de mettre la pression sur Chris Viehbacher.
Un rapport d’experts qui désavoue Sanofi
Il a fallu attendre le jour même, le vendredi 17 mai, pour que le rapport soit rendu public. Il avait été confié à Jean-Pierre Saintouil et François Amalric. Après ses échecs à Florange, et sur le dossier PSA, Arnaud Montebourg ne pouvait pas manquer ce rendez-vous. Les préoccupations de Sanofi ont en effet semblé bien peu importantes face à la priorité du ministre : puisque Toulouse est un site à part, et bien Arnaud Montebourg le traiterait à part.
Au final, le site devrait être transformé en « centre d’open innovation », selon la formule de Jean-Pierre Saintouil. Loin d’être un fardeau pour le groupe, comme celui-ci aurait aimé le laisser entendre lors des négociations salariales, la mission qui serait attribuée au site toulousain serait d’identifier et de valider de nouveaux médicaments. Le pôle toulousain deviendrait alors une véritable bibliothèque des biotechnologies.
Le rapport transforme ainsi ce qui était qualifié par Sanofi de « frein en termes d’innovation » en puissant levier économique en termes de production intellectuelle et de recherche. Selon le rapport, pour les 612 emplois, 500 pourraient être maintenus. Pour Montebourg, il faut se « féliciter » que Sanofi ait accepté le dit rapport. Pourtant, le document ne semble pas tout fait être lu de la même manière par les décideurs de Sanofi.
Le laboratoire, lui, n’a à aucun moment fait mention de cette acceptation et est allé plus loin en confirmant dans un communiqué que « Sanofi a l’intention de regrouper ses activités de recherche en France (ndlr : notamment de R&D), en région parisienne, lyonnaise, et à Strasbourg ». Aucune mention n’est faite du site toulousain. Provocation ou simple oubli ? Pour le site toulousain, Sanofi « s’engage à accompagner au cours des cinq prochaines années la transition vers de nouvelles structures autonomes ».
Quand la vision de Chris Viehbacher s’oppose à celle d’Arnaud Montebourg
En clair, si le projet de Jean-Pierre Saintouil a été entendu, Sanofi reste seul maître à bord. Il n’y a aucune mention de la sauvegarde de 500 emplois, et l’idée est clairement d’aller vers une autonomisation du site toulousain (en vue de s’en débarrasser ultérieurement, dans cinq ans ?), plutôt que d’en faire un pôle de recherche en biotechnologies.
Jouant sur les mots en omettant les informations d’importance, le groupe ne semble pas vouloir se laisser imposer sa conduite par un Arnaud Montebourg essayant une fois de plus de passer en force.
En communiquant rapidement à la presse le rapport, le jour même de la rencontre avec les dirigeants et syndicats de Sanofi à Toulouse, le ministre pensait pouvoir accentuer la pression sur Sanofi et plus particulièrement Chris Viehbacher. Rien ne dit que son action aura de quelconques répercutions sur les projets du grand patron, qui garde une vision de l’emploi bien à lui.
Source : Prescription Santé
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