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Sanofi, un champion national qui renie son histoire pour entrer dans le champ de la mondialisation

Sanofi est un groupe pharmaceutique français qui s'est transformé par des acquisitions successives en Sanofi-Aventis en 2004 puis est redevenu Sanofi en 2011. Christopher Viehbacher en est le directeur général depuis le 1er décembre 2008.

C'est la première entreprise pharmaceutique française et le numéro 5 mondial en 2011. Elle est également la première entreprise de recherche et développement en France. 

Le 19 décembre 1951, une violente éruption de gaz se déclenche sur un forage à 3555 mètres de profondeur. Elle entrainera la création du site de Lacq, et sera exploitée par Elf.

Ainsi, en 1976, la Société Nationale des Pétroles d’Aquitaine qui exploitait le site devient la Société Nationale Elf Aquitaine par sa fusion avec Elf. A Lacq, on parle désormais de la Société Nationale Elf Aquitaine Production (SNEAP). En 1973, Elf Aquitaine prend le contrôle du groupe pharmaceutique Labaz, et fonde l’entité Sanofi.

 Pour autant, ce que le grand public ignore est qu’à la base, Sanofi est un groupe lancé avec des fonds publics. En effet, Elf Aquitaine décide initialement en 1973 de se diversifier et lance cette filiale de la santé sous le nom d’Omnium Financier Aquitaine pour l’Hygiène et la Santé, transformé en Sanofi.

 Sanofi est créée par René Sautier et Jean-François Dehecq le 10 Septembre 1973.

 En Octobre 1980, le groupe C.M. industries, composé de la holding Clin-Midy détenant un CA considérable pour l’époque de près de 6 milliards de francs, voit sa division Santé intégrer Sanofi, doublant la taille du groupe. Clin-Midy était issue de la fusion de deux entreprises pharmaceutiques, Midy Frères (fondée en 1867) et Clin-Byla.

 En 1999, les groupes Sanofi et Synthélabo fusionnent mais c'est surtout l'acquisition des activités des médicaments sur ordonnance de Sterling Winthrop Pharmaceuticals (1901) à Eastman Kodak en 1994, qui transforment Sanofi en grand groupe pharmaceutique mondial.

 En 2004, Sanofi-Synthélabo acquiert pour 55 milliards d'euros Aventis, issu de la fusion en 1999 de Rhône-Poulenc Rorer et du groupe Hoechst Marion Roussel (1995), rachat par le groupe allemand Hoechst (1863), de l'américain Marion Merrell Dow (1989) et du français Roussel-Uclaf (1911), assurant l’ouverture sur le monde du groupe. Sanofi-Aventis devient alors le troisième groupe mondial de la pharmacie.

 Sanofi est donc avant tout une entreprise fondée sur la volonté de diversification d’un groupe pétrolier appartenant à l’Etat ayant ensuite étendu son champ d’action à l’international grâce à une politique féconde de rachats d’autres groupes étrangers.

 Jean-François Dehecq, fondateur historique, est fils d’un employé de banque et petits fils d’un cheminot. En 1965, il entre à la Société Nationale des Pétroles d’Aquitaine (futur Elf Aquitaine). Il gravit rapidement les échelons avant d’être remarqué par René Sautier, avec qui il fonde la filière Elf Sanofi. L’entreprise est construite sur l’idée de grand représentant national de la santé : une construction de l’Etat au service de la santé. La satisfaction de l’actionnariat et la recherche de pleine santé financière ne pouvaient constituer le seul objectif de cette entreprise nationalisée, comme l’affirme le sociologue Matthieu Montalban. En effet, le président Dehecq continuait à insuffler à son groupe l’idée forte de défense de l’intérêt national.

 Le sociologue précise que contrairement à Aventis, les restructurations « n’ont pas donné lieu à une baisse des effectifs importants » et que le « cas Sanofi-Aventis souligne l’importance des institutions nationales », de par les fonds injectés à la base dans l’entreprise, la volonté de l’Etat d’en faire un champion national, le pacte de soutient actionnarial conclu avec d’autres champions (L’Oréal et Total) jusqu’en 2004.

 Ce qui était remarquable dans cette construction était l’aspect national du groupe, assuré par la volonté de Jean-François Dehecq, à l’ère où la financiarisation et la satisfaction de l’actionnariat devenaient une priorité.

 Lors de la fusion avec Aventis, le Président d’Honneur de Sanofi s’était par exemple engagé, contre l’avis des financiers, à ne proposer aucun licenciement direct. Il avait été choisi de négocier des préretraites avantageuses pour 3000 salariés.

 Mais, signe de l’ère du temps, l’histoire mise en avant sur le site du groupe occulte à présent le volet public de Sanofi et l’intérêt national est de plus en plus écarté. Avec le recrutement d’un DG canadien rompu à l’exercice de la gestion financière, ayant d’emblée annoncé sa volonté de licencier près de 4000 salariés sans autre forme de discussion, le groupe cède aux sirènes de la mondialisation. 

 Cette histoire récente, Sanofi aimerait qu’elle soit la seule racontable aux futures générations. L’entreprise n’assume plus vraiment sa fondation sur des fonds publics, ni son statut de champion national. Le Sanofi actuel tient ainsi beaucoup plus du sarkozysme que du gaullisme. Mais l’entreprise ne doit pas oublier le pays auquel elle doit sa réussite, et cracher sur le mode de gouvernance original qui a fait d’elle un modèle. Malheureusement, depuis quelques années, le ciel s’obscurcit pour les salariés, et le navire qu’ils ont contribué à mettre à flot a mis le cap sur Wall Street, et n’hésite plus à les jeter par dessus bord. L’Etat lui-même ne supporte plus l’attitude du groupe.

 Logique, puisque son bébé lui a depuis longtemps échappé, et est à présent à la main d’hommes sans scrupule n’hésitant pas à empocher, pour l’un, 2 millions d’euros avant même de commencer à travailler, et pour l’autre 500 000 euros de dividendes en l’espace d’une journée tandis qu’ils mettent à sac la division recherche du groupe, l’expurgeant de la plupart de ses forces vives.

 Une situation alarmante, sans doute à des années-lumière de la conception de Jean-François Dehecq, qui reste actuellement étrangement silencieux. 


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12 réactions à cet article    


  • Jean-Louis CHARPAL 29 septembre 2012 09:41

    Ce qui se passe à Sanofi est révoltant.
     
    Comment des politiciens ont-ils pu, partout, donner « les clefs de la maison » aux spéculateurs qui décident du destin de tant d’être humains, sans aucun contrôle, sans aucun contre pouvoir, et uniquement sur le seul critère de l’accumulation de plus en plus grande de fric ?
     
    Contrairement à ce que peut dire Parizot, ces gens là, jamais rassasiés et addicts au fric jusqu’à la folie, détestent les entreprises. Pour eux, ce ne sont que des pompes à fric, jetables après usage et dont il est bien dommage de ne pouvoir se passer. Ils rêvent d’une économie sans travailleurs, et d’une démocratie sans citoyens.
     
    Tout casser, tout détruire, pourvu que leur tas d’or augmente toujours plus. Jacques Généreux, pourtant si posé, n’a pu se retenir de dire à la fête de l’Humanité, que certains ultra libéraux étaient fous. Il a raison, mais encore plus fous (et je sais qu’il est d’accord sur ce point) ont été les politiciens qui leur ont donné le pouvoir, que pourtant ils tenaint du peuple et qu’ils ne pouvaient déléguer à personne sous peine de forfaiture.


    • esteban 29 septembre 2012 20:54

      Feignez-vous de ne pas savoir pourquoi ?

      Pourquoi l’analyse de la situation s’arrête juste avant d’apporter des réponses aux questions soulevées ?

      Je vais pas faire semblant de ne pas savoir, et je vais apporter ma réponse : vous êtes formatés pour ne pas envisager tout un pan de possibilité, qualifié de complotisme.

      Ho certains ne cherchent que le profit, je vous l’accorde. C’est probablement la majorité d’ailleurs. Mais d’autres, bien plus sournois, se servent de leur cupidité pour ne pas avoir à détruire eux-même, ne pas à en assumer les faits, mais néanmoins en récolter les fruits.

      Il faut sortir de la réflexion de bac à sable labellisée bien-pensance. Il faut voir le bac à sable, dans le sens sandbox, environnement isolé... Car il existe un monde en dehors des limites de réflexion imposées.


    • Troglodyte 24 mai 2013 11:31

      Ouaip, on devrait être fiers d’une telle réussite si elle était honorable ; là, on a juste envie de gerber.


    • Robert GIL ROBERT GIL 29 septembre 2012 11:24

       Il est loin le temps où le docteur Jonas Salk, créateur du premier vaccin contre la poliomyélite, déclarait à un journaliste lui demandant à qui appartenait le brevet : « Eh bien… au peuple. Il n’y a pas de brevet. Peut-on breveter le soleil ? »

      Sinon comme beaucoup de grands groupes (tous ?) ont été batti sur de l’argent ou des marchés publics, et ensuite ils nous parlent de merite et de prise de risques. Il délocalisent, et bien on exproprie ;

      Voir ;
      http://2ccr.unblog.fr/2010/10/29/medecine-sante-et-profits/


      • diverna diverna 29 septembre 2012 11:44

        Tout ce que je viens de lire est une longue histoire de fric (capitaux). Rien sur un développement vraiment innovant, créateur de valeurs. Comment s’étonner alors que la logique du groupe soit à Wall Street ? 

        On nous avait parlé d’un pôle « santé » - médicaments. J’ai bien peur que ce mirage ne s’estompe bien vite avec la baisse des remboursements en France. On découvrira alors que cette entreprise a fait ses choux gras sur le trou de la secu et l’éloignement est parallèle à la fin de la période des vaches grasses . Les individualités sont assez vite balayées par les bilans financiers...

        • Yvance77 29 septembre 2012 14:43

          Salut,

          Il serait bon de se pencher sur ce qu’apportent réellement désormais à l’humain ces grosses structures ?

          Je crois très fort que dans l’arbre généalogique de ces trust il y avait fut un temps de véritables pionniers, dont des découvertes majeures ont pu faire avancer les connaissances.

          Désormais leurs résultats financiers ne sont plus le fait de nouvelles inventions, mais viennent uniquement de la perversion des fusions, acquisitions.

          En l’état, elles sont parfaitement inutiles. Il y a peu de très grosses boites qui innovent ou changent la face du monde. Leur taille les en empêche.


          • Atlantis Atlantis 29 septembre 2012 17:41

            champion national. triste titre.


            • JUILLARD MICHEL 29 septembre 2012 17:59

              le monde et l’économie se porteront mieux lorsque les multinationales auront été démantelées car il ne faut pas se tromper ces grands groupes en connections avec de grosses entités financières ne travaillent que pour eux-mêmes, leur terrain de chasse est la planète et seul leur importe les résultats financiers, le reste n’est que pur angélisme !!!


              • bigglop bigglop 29 septembre 2012 18:35

                Bonjour à tous,

                Merci @Magnant pour cet excellent article sur Sanofi

                Tout d’abord, un petit rappel : Le virage libéral des « socialistes » a commencé en 1984 et se poursuit aujourd’hui après l’Acte Unique de Jacques Delors (1986-1987) préparatoire du Traité de Maastricht (1992-93), mais aussi la dérèglementation financière massive, après l’échec du Programme Commun, par Mitterrand et Fabius, suivie de la loi de modernisation bancaire (J Delors) instituant la banque universelle et abrogeant la séparation des activités bancaires instituée par le CNR (1945).

                Ce tournant libéral a affecté des pans entiers de l’économie avec une stratégie de désindustrialisation de la France au profit du développement des services et s’est poursuivi avec les gouvernements dits de droite.

                Sanofi n’est qu’un exemple, parmi d’autres, de la dérive de la financiarisation de l’économie reposant sur le mythe de « l’autorégulation des marchés » grâce à la libre circulation des capitaux et la libre concurrence non faussée.

                Les motifs invoqués, notamment le passage dans le domaine public du médicament Plavix, ne tiennent pas trop la route, surtout qu’après l’étude du cabinet EvaluatePharma, Sanofi pourrait devenir leader mondial.
                Par ailleurs, Total souhaiterait sortir du capital de Sanofi (3 ;22% K et 5,52% des votes), malgré une OPA réussie sur GENZYME (USA)

                Mais le risque de délocalisation de la R&D, n’est pas récent, notamment vers la Chine ou des partenariats dans d’autres pays,comme l’Inde.

                Ne plus croire les « discours » des politiques, des industriels relayés par la merdiacratie

                L’information est disponible sur le Net, cherchons-la et partageons-la


                • Torgess 29 septembre 2012 23:56

                  S. Magnant indique dans son article : Le Sanofi actuel tient ainsi beaucoup plus du sarkozysme que du gaullisme.S’il est vrai que la gestion Dehecq était bien vue du clan chiraquien ( la presse avait évoqué un moment l’éventualité de faire de JF Dehecq un premier ministre, c’est Raffarin qui fut choisi en définitive) il n’est pas sûr que cette gestion ait dérivé vers le sarkozysme.
                  Le sarkozysme pouvait trainer dans les têtes des dirigeants d’Aventis plutôt balladuriens. La bagarre de clans a fait que le clan chiraquien sanofien a battu le clan aventis au moment de l’OPA.

                  La société sanofi a-t-elle pressenti la fin programmée de N Sarkozy en ne confiant plus sa présidence à un héritier du gaullisme mais à un financier (S Weinberg) ancien chef de cabinet de Laurent Fabius ministre du budget du gouvernement Mauroy en 1981. Toujours d’un point de vue anticipation, comment interpréter la seule présence politique d’un Jean-Marie Le Guen
                  (possible ministre de la Santé au cas où DSK devienne président) à la leçon inaugurale d’Elias Zehrouni au Collège de France dans la chaire Liliane Bettencourt début 2011 ?

                  Il est évident que la venue d’un DG canadien a provoqué des effets, on ne peut cependant oublier que le nouveau Président n’appartient plus au clan gaulliste (ni tendance Chirac , ni tendance Sarkozy) et qu’il semble connaitre, pour l’avoir servie, la nouvelle majorité socialiste.


                  • Tika Soomak TikaSoomak 24 mai 2013 23:55

                    Depuis son arrivée à la direction générale de Sanofi en 2008, rien ne va plus entre une partie des salariés du groupe, et le canadien Chris Viehbacher. Ce dernier a en effet imposé un nouveau style de gestion d’entreprise, se rapprochant d’une pratique du capitalisme à l’anglo-saxonne que certains dénoncent.

                    Chris Viehbachere n’en est plus à son coup d’essai en matière de délinquance à col blanc... A une certaine époque, il était aux commandes du groupe GlaxoSmithKline, qui vient d’être condamné par la justice américaine à une amende record de 3 milliards de dollars pour avoir manipulé les données d’une étude scientifique afin de vanter les qualités de ses médicaments, pour avoir versé des pots de vins à des médecins, mais surtout pour avoir caché les graves effets toxiques de son antidiabétique Avandia, qui a causé 83 000 infarctus. A côté, le Mediator, c’est de la poudre de perlin pinpin, avec tout le respect que je dois aux victimes de ce médicament....


                  • Noel2412 20 mai 2013 18:04

                    Intéressante rétrospective d’une entreprise qui a été un temps respectable, mais ne semble plus être que l’ombre d’elle même...

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