Sans-papier : le cas Leonarda, la polémique et une réflexion sur l’immigration
L'expulsion mercredi 09 octobre dernier de Leonarda, une collégienne kosovare âgée de 15 ans, par le préfet du Doubs, continue de susciter de vives réactions, essentiellement à gauche.
La polémique et le calcul politique
La polémique est telle que Jean-Marc Ayrault a été amené à organiser un tête-à-tête avec le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, lequel dit avoir diligenté une enquête administrative. Une affaire qui, à nouveau, renvoie sur le devant de la scène, le difficile débat sur l’immigration qui pourrait devenir un feuilleton pour un ensemble de raisons.
Le ministre de l’intérieur, dont les ambitions élyséennes ne font pas mystère, est sur un positionnement « droitier » qui avait plutôt réussi à un de ses prédécesseurs, Nicolas Sarkozy. Il n’en a pas fini avec l’affaire des Roms et s’engage dans une nouvelle polémique sur l’immigration. L’obsession élyséenne est évidente.
Il faut bien admettre qu’il est servi par les évènements. Le naufrage aux larges de Lampedusa, la perspective des élections municipales en mars prochain et européennes en mai, la crise qui se poursuit et l’absence de résultats en matière économique et sociale.
Tout cela donne à penser, ou à redouter, que la question de l’immigration revienne, à nouveau, au centre du débat politique des prochains mois, voire d’ici à 2016.
L’occasion de soulever deux observations, parmi tant d’autres, susceptibles d’expliquer la difficulté de cette expulsion, en particulier et du phénomène constant de l’immigration d’une manière générale.
Immigration irrégulière : un défi pour la « civilisation » et ses valeurs
Au-delà des opinions des uns et des autres, on peut facilement se rendre compte du poids des « valeurs » qui prospèrent au cœur de nos sociétés depuis suffisamment longtemps pour qu’une affaire a priori « anodine » mobilise jusqu’au chef du gouvernement et les hautes instances des partis. Une personnalité a même appelé à des sanctions contre le préfet du Doubs. Le président de l’assemblée nationale, Claude Bartolone, a, quant à lui, désavoué le ministre de l’intérieur, au nom des « valeurs » de gauche.
D’autres personnalités ont reproché aux policiers leur manque de discernement, la jeune collégienne ayant été interpelée sur un parking portant le nom de la célèbre résistante « Lucie Aubrac ». De là à faire le raccourci entre la police républicaine d’aujourd’hui et celle des heures sombres de notre histoire, il n’y avait qu’un pas.
Et pourtant ! Le préfet, le ministre de l’intérieur et les policiers n’ont fait qu’appliquer le droit ; la législation en matière de circulation et de séjour des étrangers en France.
Cette affaire et tant d’autres encore, du genre, rappellent brutalement que nous vivons dans une société où, au-delà des lois, pourtant démocratiquement adoptées et dont il est admis qu’elles doivent être appliquées, il y a l’opinion. Ce « juge » permanent à qui les autorités doivent tout le temps faire attention, et ce n’est jamais évident.
Le dossier de l’immigration devient, dès lors, un casse-tête, même pour les autorités. Ces dernières, bien qu’agissant en conformité avec la loi, restent désespérément limitées dans leurs marges de manœuvre.
Une affaire de civilisation. Et ce n’est pas tout. L’immigration pose un autre problème lié aux leçons du passé et au mystère de l’avenir.
L’avenir, ce mystère
Un rapide coup d’œil sur la question de l’immigration et la façon dont elle a évolué a de quoi susciter l’embarras au quotidien. Penser seulement que bien des Français d’aujourd’hui, certains rivalisant de posture identitaire, descendent de parents ou d’arrières-parents ayant fait les frais des déchainements xénophobes en essayant de frapper à la porte de la « Maison France ». L’idée que des enfants aient été livrés aux Nazies parce qu’ils n’étaient pas assez Français et que des Italiens furent massacrés dans le sud de la France, donne à s’interroger sur les mystères de l’avenir par rapport à la question de l’immigration.
Que sont devenus certains des enfants et petits-enfants des « malheureux » immigrés de la fin du XIXème siècle (et même d’un peu plus tard) ?
Ministres, députés, juges, médecins, avocats, policier, patrons d’entreprise, ingénieurs, grands sportifs aux couleurs de la France,... Mais on peut aussi se persuader que la France aurait bien pu se passer d’eux. D’autant plus qu’il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que tous n’ont pas eu de destins honorables. S’il y en a qui ont fait la fierté de la France, d’autres se sont révélés être des désastres.
En gros, s’il y a eu Zidane, Platini, Sarkozy, Valls, Marie Curie,… il y a eu aussi Mohamed Merah, Richard Durn, Youssuf Fofana,… Mais aussi des anonymes : le voisin de palier, la prof du lycée de mon fils, mon insoupçonnable futur gendre/future belle-fille, mon médecin traitant, le futur Président de la République,… Bref, aucune nation ni personne n’est sûr de rien face aux bouleversements susceptibles de s’opérer dans sa vie ou son histoire, conséquence du phénomène planétaire de flux migratoires.
Ni hier, ni aujourd’hui, ni demain.
Tout ce qu’on sait, c’est qu’on n’est sûr de rien. On se console à l’idée que l’immigration est un pari sur le meilleur, sachant qu’il peut déboucher sur le pire ou simplement sur de l’ordinaire. Autrement dit, l’immigration constitue une ouverture de la société sur un avenir sur lequel on n’a pas de maîtrise. Une sorte de maternité qui a toujours contribué, autant que les établissements médicaux, à la régénération de la société.
C’est une question existentielle, le genre de sujets qui mériterait d’être abordé en profondeur et dans la sérénité. Etonnamment, il surgit presque toujours dans des contextes de passion, électoral notamment, et donne lieu à des épanchements et des outrances qui laissent tout le monde sur sa faim.
Boniface MUSAVULI
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