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Santé économique et mort sociale : Logement, Emploi, redistribution...

Dans un écho étonnant, le dernier plan de rigueur gouvernemental traitait des principales souffrances sociales frappant la masse croissante des anciens, nouveaux ou futurs pauvres, mais sans pour autant promouvoir des mesures spécifiques à leur égard. L’hôte de Matignon n’est pas en cause en tant que personne. Cela interroge plus largement un mode de gouvernance, recouvrant tout le champ politique depuis 30 ans. Le fossé entre élus et peuple se confirme. Cette pleine conscience d’une réalité qui ne débouche pourtant sur aucune véritable conclusion en actes. Gérer « une économie » (le Triple A…), non plus gouverner vraiment pour un peuple. La logique dirait que les deux sont liés. 

Dans le retour indispensable du politique s’appuyant précisément sur le peuple à qui il doit provisoirement son pouvoir, la science précaire de l’économie ne doit plus induire sa seule réalité. Le rendu et vécu du peuple ont à prévaloir. Un pays en « bonne santé économique » disjoint de tout bénéfice (en « part de bonheur ») réel pour le peuple n’a aucun sens. L’Europe semble ainsi se situer, dans l’éloignement permanent des peuples, lesquels rejettent logiquement ce cadre Européen là. A contrario la dite « économie virtuelle » semble y être à son aise comme un poisson dans l’eau. En urgence remettre le peuple à flot. Notamment au travers d’une démarche volontaire de croissance et de réindustrialisation, sans attendre. 2012 se fera dans un grand principe de réalité.

Ce plan de rigueur évoquait ainsi la question du logement, la durée de vie et l’exclusion de l’Emploi au travers de la législation sur les retraites, la faim au travers de la dispense d’augmentation de TVA pour les produits de première nécessité. Des aspects on ne peut plus concrets de la vie des gens. Hélas, la réponse ne semblait porter que sur des paramètres bien généraux. L’opposition en ferait de même, dans le langage qui est le sien. La croyance démesurée dans la faculté agissante du discours. Gouverner c’est parler ? L’ère de la « com » touche ses limites, aussi de la décence.

Oui, la faim, ici, en France. Oui, 2,5 millions d’enfants ne mangent pas à leur faim (Etude récente du Secours catholique). On en traite parfois avec la même froideur que pour le maintien du triple A. Certes, depuis l’appel de l’Abbé Pierre, la pauvreté a fait plus que tripler. La richesse proportionnelle d’une minorité, aussi. Démocratie, Triple A, Droits de l’Homme… certains mots font froid dans le dos, dans un décalage absolu d’avec le vécu citoyen. Le heurt entre des éléments de langage maintenant une réalité promise, et la réalité quotidienne, la seule qui soit. A trop fuir dans leur imaginaire langagier certains pourraient bien être réveillés par un cri immense du peuple. Ce hurlement muet trop longtemps contenu.

En attendant les banques alimentaires battent elles aussi tous les records, comme pour d’autres banques au Monopoli du CAC40. Certains errent dans leur nuit pour quelques produits de première nécessité, d’autres « volent » dans les paradis fiscaux, dans leur course effrénée aux produits de luxe. Certains jouissent sans problèmes de conscience de leur situation obtenue par copinage, ou volée à d’autres plus qualifiés qu’eux pour en bénéficier. D’autres se font une petite place sur le trottoir, là ou l’aération est la plus chaude. Certains "romantiques" refusent de vendre leur âme pour quelques honneurs.

Une nouvelle modulation de la TVA sur la restauration aura donc été adoptée. Mais selon toutes les enquêtes, les français « de base » limitent les sorties au restaurant. Le menu est à l’économie en tout.

Pour peu que l’on se situe du coté des 10 millions de concitoyens « vivant » au seuil de pauvreté, cette notion de « rigueur » évoque immédiatement la dureté de leur situation. Faire un effort ? Tel est déjà leur quotidien. Seuls ceux qui ont déjà bien plus que le nécessaire y rechignent. Pourtant, à aucun moment cet énième Plan de « rigueur » n’invitait à un effort parallèle de solidarité pour les plus affectés par toute mesure de restriction budgétaire. Ils restent étonnamment ignorés, même dans le discours. Gardons que longtemps cette notion de rigueur se joignait naturellement à celle de morale. Du passé ? 

Comme chaque année on s’adonnait récemment aux divers rituels annuels de bonne conscience, bien nécessaires, du Téléthon et du Sidaction. Bientôt un MisèreThon ou MisèrAction ? Les plus démunis seraient invisibles au royaume des aveugles.

Certes, la soirée « des Enfoirés » fait toujours de l’audience. Les enfoirés… Le lundi 28 novembre dernier marquait ainsi le début de la 27eme campagne d’hiver des Restos du Coeur. Les chiffres pour la saison précédente ? 109 millions de repas distribués, c’est dire. Des millions de français souffrant de la faim. Toute une nouvelle population est frappée. Ils ont été cadres, employés, artisans. Ils ont été en couple et propriétaires. Soudain, le désert familial et social s’installe suite à un accident de vie. Selon le Secours Catholique, les jeunes et les « seniors » marquent la plus forte augmentation. Espérons qu’ils puissent encore suivre l’actualité dans les pages d’un gratuit de presse, ou à l’écoute d’un vieux poste de radio. On y entendrait parler d’un plan de rigueur et les syndicats (coûtant 4 Milliards à l’Etat, bien que ne représentant que 7 % de la population active) viendraient bientôt faire leur cirque. Sur les trottoirs, les mendiants seront en première loge, craignant la misère « à vie » comme d'autres ont un emploi garanti. Surtout ne rien changer. Ni pour les vrais pauvres ?

Quoi qu’il en soit, une France moyenne-supérieure centrale, celle là même à qui le système profite encore, trouvera ainsi son nouveau sujet de gémissement et de conversation pour les tablées de la frugale fête de fin d‘année. Certains ont donc la garantie « à vie » d’un emploi. Pour d’autres la mort, symbolique, ou réelle. Cette majorité silencieuse auditrice des divers plans budgétaires, ceux qui savent plus que tous les autres le sens réel des qualificatifs conjoints aux mesures économiques concernées. L’austérité ? Elle est leur condition naturelle. Comme l’inconscience répugnante des plus que privilégiés ou voleurs d’emplois logiquement destinés à d’autres. Pour eux la rigueur au sens moral est depuis toujours passée de saison. L’hiver pour le plus grand nombre. Un tremblement de terre, notamment électoral, n’est jamais exclu.

Le logement ? Selon la Fondation Abbé Pierre 3,6 millions de personnes restent non logées ou très mal-logées en France, sans compter ceux qui sont en situation de fragilité à court ou moyen terme. La problématique du mal logement recouvre des réalités très diverses (sans domicile et absence de logement personnel, mauvaises conditions d’habitat, difficultés pour se maintenir dans son logement...). Bien des situations demeurent encore trop ignorées, faute de données suffisamment fiables (les squats et personnes vivant en bidonvilles ou camping à l’année, la mobilité locative journalière...). L’Enquête Logement de 2010 produite par l’Insee estime ainsi que 2 878 000 personnes vivent dans des logements inconfortables, voire, logiquement inhabitables. L’augmentation incontrôlée du coût des loyers précipite de nombreux locataires dans une situation dégradée. Notons que 1 252 000 personnes étaient en impayés locatifs en 2007. Un chiffre basé sur des enquêtes antérieures à la crise économique apparue en 2008. Le véritable drame locatif français est donc plus inquiétant encore. La Fondation Abbé Pierre évalue ainsi le problème global à une population d’environ 5 millions de personnes. Loi Scellier ou pas, le constat parle de lui-même. Etre logé, ou à la rue. 

Accéder à la propriété ? Selon une enquête récente de l’Ifop, la moitié des français en rêve toujours, commençant majoritairement à y renoncer. Vivre en location devient souvent une obligation et non un choix, aussi un véritable parcours de combattant. Dans l’achat le prix moyen à Paris vient de dépasser la barre symbolique de 8 000 euros le mètre carré. Devenir propriétaire reste réservé aux ménages des classes supérieures, ainsi qu’aux fonctionnaires. Une récente étude de l’Institut de l’Epargne Immobilière et Foncière (IEIF-novembre 2010) l’atteste. Le nombre de propriétaires augmente seulement parmi les ménages aisés, sur l’ensemble du territoire national. Les conditions deviennent de plus en plus difficiles à remplir au niveau de la solvabilité. Beaucoup de postulants primo accédants se voient contraints de rester en location. Comme l’estime Richard Horbette, fondateur de LocService.fr« dans cette période d’incertitude économique et sociale, la location reste plus souple, un achat immobilier devient inaccessible pour les classes moyennes et populaires ». Les attentes des propriétaires en terme de garanties rendent la location, pareillement problématique. La précarité tend à devenir la seule à dresser sans cesse de nouveaux murs. Ceux des masses de l’exclusion.

Ils auront peut être entendu le Premier ministre parler du budget 2012 comme "l'un des plus rigoureux depuis 1945". Ce Premier Ministre qui eut le courage de parler de situation de « banqueroute » à son arrivée à Matignon précisait même que "l'heure de vérité a sonné". L'objectif gouvernemental était de récolter 6 à 8 milliards d'euros indispensables au respect des engagements financiers internationaux. Pour les 10 millions de concitoyens « vivant » au seuil de pauvreté, cette heure de tragique vérité les sonne depuis des années.

L'effort supplémentaire annoncé au début de ce mois de Novembre 2011 représente donc 18,6 milliards d'euros sur les deux prochaines années, dont 7 milliards d'euros en 2012 et 11,6 milliards en 2013. D'ici à 2016, ce sont 65 milliards d'euros supplémentaires qui seront économisés afin d'arriver à un déficit zéro. Le niveau du moral de tous ceux à qui le discours premier ministériel ne s’adressait pas, vraiment. Le titulaire du poste n’est pas en question, monsieur Fillon n’aura jamais démérité au niveau du parler vrai. Personne ne voulait alors entendre. Le soir de Noël, ceux qui ont trop exigent en outre qu’on leur donne assez de bonne conscience pour savourer la bûche et le foie gras. Le jour des paquets cadeaux à volonté, il devient impossible d’ignorer totalement ceux qui n’ont rien. Comme le dit Jean Gabin dans « la Traversée de Paris » : salauds de pauvres ? Ils seraient de vilains « assistés » selon un petit secrétaire d’état de bonne famille. Donner des miettes, cela ne se fait pas. Les bobos en conviennent déjà.

Le Premier Ministre rappelait également que le gouvernement aura donc osé tabler sur une croissance de 1% pour 2012. Un chiffre à même de faire pareillement rêver ceux qui n’ont déjà plus rien. Sur quelques miettes d’euros on ne rechignerait plus à 1 % de plus. Les SDF et « bénéficiaires » de minima sociaux n’en reviendraient pas. Rêver un instant, presque un cadeau de Noël.

La retraite ? Pour peu qu’ils puissent survivre jusque ce lointain futur et avoir le « privilège » suffisamment prolongé d’un emploi, les inclus verront donc l’échéance finale légalement retardée. Rappelons le, la retraite est bien portée à 62 ans dés 2017, et non plus en 2018. L'application du passage de l'âge légal de départ en retraite à 62 ans va être avancée d'un an. Les précaires ne peuvent que battre en retraite. La nouvelle législation doit permettre de diminuer de 4,4 milliards d'euros les déficits des caisses retraites entre 2012 et 2016. Les travailleurs pauvres et millions de chômeurs comptent sur leurs mains humiliées combien tout cela va changer leur destin, en théorie. Surréaliste.

Alors, rêver d’un logement, rêver des produits n’étant pas de première nécessité mais de plaisir et de superflu, rêver d’être un jour un retraité… La vie par procuration s’installe de plus en plus tôt, et largement. Pouvoir vivre, vraiment, fonde pareillement le rêve le plus répandu. La politique telle qu’elle se confond à la communication, chaque jour plus encore, a de beaux jours devant elle. L’Assemblée gagnera bientôt à recruter des illusionnistes, gouvernant aussi pour maintenir les rêves d’une part croissante de la population. Rigueur ? Sans morale.

Le barème de l'impôt sur le revenu et celui de l'impôt de « solidarité sur la fortune » seraient donc gelés pour les deux prochaines années ? Des mots rapprochés constituent parfois une outrance supplémentaire pour les plus pauvres. La France aurait un « amortisseur social » envié par le monde entier ? Sauf dans les files interminables d’attente du Pôle Emploi et des banques alimentaires. Les pauvres doivent être cachés, les chômeurs radiés au moindre faux pas. Les masses de la misère et de la précarité ne parviennent décidément pas à rebondir sur ce cher matelas, juste à s’y cacher sous une couverture, avec un sourire imposé pour les moins détruits. Ceux qui doivent se montrer au summum de la motivation et de la confiance en soi durant les rares entretiens d’embauches. L’absurde érigé en système ? Ionesco en ferait son théâtre.

Afin de réduire l'écart de taxation entre le Capital et le Travail, le prélèvement libératoire forfaitaire sera augmenté de 19 à 24% pour précisément réduire l'écart de taxation entre les revenus du Travail et du Capital. Deux mots que tant de précaires ne voient plus que dans leurs rêves solitaires, n’ayant ni l’un ni l’autre.

A l’écoute du courageux Premier Ministre ces jours derniers, les millions de bénéficiaires de repas du Resto du Cœur apprenaient par ailleurs que la hausse de certaines prestations sociales sera limitée exceptionnellement à 1% en 2012. Le parallèle en pourcentage avec l’effort des plus fortunés est saisissant. Avec un peu de chance les dents de devant seront peut être prises en charge par la CMU. Bientôt, les problèmes de santé relèveront de la responsabilité personnelle. La pauvreté aussi ? Le droit au rêve exigera le paiement d’une cotisation.

Les minima sociaux (RSA, retraites, allocations adulte handicapé, etc.) ne seront pas concernés par les baisses. Pas encore. Le pire serait encore évité. Les exclus de l’Emploi et de l’intégration sociale garderont les miettes qui leur sont données afin qu’ils se taisent. Bien sûr, la hausse de la TVA va les frapper. De toute façon les coups portent de moins en moins, ils sont déjà à terre. Les coûts réduisent le prix des êtres au néant. Grande nouvelle, les niches fiscales seront rabotées de 2,6 milliards d'euros supplémentaires. Les niches de cartons qui abritent tant de mendiants traités comme des chiens sur les trottoirs de la honte, ne seront plus les seules à être réduites. Enfin, l'impôt sur les sociétés, pour les plus grands groupes (chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros) sera augmenté de 5%. Tous les indignés plus ou moins rabaissés rêvent d’une telle augmentation. Hélas, le vase communiquant n’est pas de mise au royaume de la logique économique. Ceux qui occupent illégitimement des places ne se rencontrent pas sur les trottoirs de la misère, bien sûr.

Pour peu que l’on prenne conscience de la souffrance sociale de millions de citoyens, le bon sens, l’Humanité qui résiste, exigeraient en parallèle de l’énième « plan de rigueur » (le dernier, ou le prochain), la mise en place conjointe d’un Plan solidaire d’urgence nationale pour tous les exclus, du logement, de l’Emploi et donc de la retraite, du marché autre que de première nécessité, bref, les exclus de l’avenir.

Des plans de rigueur sans rétablissement de la morale des affaires publiques ? 

Une bonne santé économque pour un corps social malade ?

Guillaume Boucard


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1 réactions à cet article    


  • Robert GIL ROBERT GIL 12 décembre 2011 11:50

    Dans notre pays cinquième puissance du monde, Sarkozy nous dit que la retraite à 60 ans et les 35H sont des fautes graves ! Ce qui est grave c’est son bilan pour la classe ouvrière  : huit millions de pauvres, trois millions de précaires, trois millions de temps partiels, cinq millions de chômeurs, et des salaires de misère pour la majorité des salariés....
    http://2ccr.unblog.fr/2011/12/05/ouvriers-sarkozy-vous-salue-bien/

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