Santé publique et crime industriel : le scandale de l’amiante enfin jugé en 2014 ?
Autant les scandales sanitaires font et ont fait beaucoup de bruit (Avandia, Mediator, Diane35, PIP, etc.), autant le traitement d'une affaire comme celle de l'amiante reste, de façon incompréhensible, quasiment inconnue. Cependant l'affaire devrait être enfin abordée en 2014.
Aucun responsable politique, industriel, aucune autorité publique, n'ont été pour l'instant appelés à témoigner au mieux, condamner au pire, dans le scandale de l'amiante en France. Pourtant, les choses devraient changer, car les plaintes, parfois déposées il y a presque 20 ans, peuvent être jugées recevables. Et une première juridiction pénale devrait être amenée à juger une plainte dans le dossier Eternit. Enfin !
Il est vrai que la multiplication de collectifs de défense, de procédures pénales, les plaintes pour préjudice d'anxiété, se sont multipliées depuis des années dans un étrange silence médiatique. Mais les associations d'anciens salariés des entreprises Eternit ou d'Amisol ont peu à peu eu raison des freins et d'une certaine forme d'omerta sur la question.
Mais si les conséquences de l'amiante sur la santé humaine sont, encore du bout des lèvres, reconnues, les causes, en termes de responsabilité restent à trouver. Aucun responsable politique, ni dirigeants, ni décideurs ne sont comparus devant une juridiction alors qu'ils ont laissé faire malgré les signaux d'alerte envoyés dès le début des années 50... Car l'amiante à des effets dévastateurs sur le système respiratoire des travailleurs comme la sclérose du tissu pulmonaire. Elle serait en outre responsable de 20% des cancers du poumon et pourrait provoquer 100.000 décès en France dans les 10 prochaines années. En effet, les temps de latence d'apparition des lésions sont de l'ordre de 20 à 40 ans, ce qui compliquent évidemment la construction des plaintes.
L’Italie et ailleurs
Pourtant chez nos voisins italiens, le tribunal de Turin a condamné au mois de juin 2013 à 18 ans de prison ferme Stéphan Schmidheiny, comme "responsable de la catastrophe sanitaire et environnementale permanente liée à la production et à l'usage de l'amiante". De plus, il a été inculpé d'infractions aux règles de la sécurité au travail dans les usines de produits à base d'amiante qu'il dirigeait entre 1976 et 1986.
En 2011, la cour de Bruxelles a condamné la société Eternit à payer 250 000 euros de dommages et intérêts à la famille d'un ouvrier travaillant à l’usine Eternit de Kappelle-op-den-Bos. Décédé en 1987 d’un cancer de l’amiante, son épouse a également été exposée à l’amiante par son travail domestique et par la pollution environnementale. Elle est également décédée des mêmes causes en 2000. Deux de leurs fils sont également morts en 2003 et 2007. Il s’agissait à chaque fois d'un cancer rarissime qui frappe de façon typique les personnes exposées à l’amiante.
Les procès contre l'industrie de l'amiante ne sont pourtant pas une nouveauté et les scandales n'ont cessé de se succéder depuis 150 ans comme le rappel le Point. Les premiers procès aux États-Unis remontent à 1973...
La France va-t-elle poursuivre la même piste ? Dans une note confidentielle publiée par le Figaro, le procureur de la République estime que les conditions d'une instruction judiciaire sont réunies. Cette instruction viserait les dirigeants d'Eternit France et conduirait à la possibilité d'un procès en 2015. Mais rien n'est certain tant les pressions sur le sujet sont permanentes. Car la responsabilité des autorités publiques sont à l'évidence, réelles. Il convient à ce titre de rappeler que Martine Aubry avait été mise en examen en novembre 2012 pour homicides et blessures involontaires pour son rôle entre 1984 et 1987 au ministère du travail, dont elle était la directrice des relations du travail (DRT).
Crime industriel et responsabilité politique
Un autre procès devrait se tenir en 2015 : celui de 9 dirigeants politiques, de scientifiques, d’industriels et de hauts fonctionnaires impliqués au plus haut niveau dans le dossier amiante, poursuivis pour « homicides et blessures involontaires ». Les juges de la cour de cassation soulignent que « l'usage contrôlé de l'amiante (…) dont la réglementation et la surveillance au regard du risque relevaient de la direction des relations du travail a été maintenu jusqu'au décret d'interdiction du 24 décembre 1996, bien que l'amiante ait été classé comme étant cancérogène pour l'homme par le Centre international de recherche sur le cancer depuis 1977, et qu'en 1982 la conférence de Montréal ait indiqué que les valeurs-limites d'exposition ne protégeaient pas du risque de cancer. La France s'est opposée en 1986 à la proposition d'interdire l'amiante faite par l'agence américaine de protection de l'environnement ; puis, en 1991, au projet de directive de la Commission européenne tendant, à l'initiative de l'Allemagne, à une interdiction globale ». La cour de cassation ajoute que « ces prises de position faisaient suite, l'une au dépôt d'un rapport, l'autre à la transmission d'un avis du Comité permanent amiante qui s'était montré très actif pour défendre l'« usage contrôlé » de l'amiante dont il ne contestait pas le caractère cancérogène ».
L'avocat historique de l'amiante, Jean-Paul Teissonnière, insiste sur les aspects politiques de tels procès : « le crime industriel est rendu possible par la complaisance des pouvoirs publics. En décortiquant ces rapports entre l’Etat et l’industrie, on touche aux fonctionnements pernicieux qui ont permis ces catastrophes sanitaires ».
Les procès s'ouvriront donc à partir de 2014, c'est à dire 18 ans après l’interdiction de l’utilisation de l’amiante (26 décembre 1996)…
Sources :
http://www.lepoint.fr/actualites-societe/2010-01-28/amiante-130-ans-de-scandales/920/0/418500
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