En ce temps-là, le batave restait désespérément en tête des sondages. Sarkozy avait beau promettre de décrocher la lune avec ses quenottes, de terrasser le colosse de Rhodes au bras de tata Angèle et même de multiplier les petits pains façon nazaréen, rien n'y faisait. Le locataire de l'Elysée le plus détesté de la Cinquième ne décollait pas d'un iota dans les enquêtes d'opinion, il lui fallait trouver autre chose...
Un thuriféraire un peu plus zélé que les autres avait bien eu une illumination mais elle s'était vite transformée en obscure polémique. Le quidam, accessoirement maire UMP de la bonne bourgade de Nogent sur Marne, célèbre jadis pour ses guinguettes, ses tonnelles et son petit vin blanc, avait eu la lumineuse idée de faire ériger une statue à l'effigie de la première dame de France, la marmoréenne Carla Bruni. Ce projet pour le moins ceaucescien avait légitimement provoqué bronca sur internet, lazzis sur Twitter et haro sur le bourgmestre. Il fallait décidément trouver autre chose...
Lors d'une de ses nombreuses et dispendieuses virées à la rencontre des français, randonnées pédestres au milieu d'une foule en pâmoison, racolée pour la circonstance dans le vivier des militants UMP, on avait pu constater que des enfants de Lavaur, charmante cité du Tarn, agitaient des petits drapeaux sur le passage du chef de l'Etat tout en criant à tue-tête son glorieux patronyme. Ici au moins, a priori, l'avenir de la nation soutenait notre guide suprême. Patatras. On apprenait plus tard que les gentils bambins avaient été obligés de faire la claque et ce, sans l'accord de leurs géniteurs. Il fallait encore trouver autre chose...
Loin de ses vieilles néo-pétaineries et autres mises en scènes à la coréenne, la très pieuse Christine Boutin, précédant en cela Hervé Morin, inaugurait la cérémonie des ralliements des petits candidats au monarque. La bombe atomique qu'elle nous avait promise si elle n'obtenait pas ses 500 signatures n'était en fait qu'un pistolet à eau... Bénite, bien entendu. Elle confiera plus tard sur le plateau de Naulleau et Zemmour que sa menace nucléaire s'avérait être en fait une hypothétique envie d'effectuer une grève de la faim. Vous m'en direz tant ! Sans vouloir jouer les malotrus, on ne pouvait s'empêcher de penser que cette décision ô combien courageuse eut plus relevé de la compétence des officines de la santé publique que de celles du ministère de la guerre... Autre chose ?
Carlita, de retour aux affaires depuis son accouchement, abandonnait la guitare six cordes pour "jouer du violon" en l'honneur de son époux. Elle trouvait bien évidemment toutes ses idées "fabuleuses" tout en lâchant humblement cette confidence : "Je ne m’y connais pas tellement mais franchement, je trouve qu’il a tout bien fait." Très en verve, elle confiait également à un magazine téloche ses goûts simples et populaires en matière de petite lucarne. Ô surprise, elle adorait "Plus belle la vie" ou "Le bonheur est dans le pré". Les communicants élyséens étaient passés par là. Exit la branchouille bobo et le cinéma intello, place à la culture de masse. Avantage, son mari pourrait enfin revenir à ses fondamentaux : arrêter de subir du Bergman ou de ronfler sur du Antonioni. Mais question remontée dans les sondages, c'était encore un coup d'épée dans l'eau...
Quand ça veut pas, ça veut pas. Ni une ni deux pour Sarkozy, il lui fallait d'urgence avancer la date de l'annonce de sa candidature. Abandonner l'idée de faire comme Mitterrand et de se présenter au dernier moment comme une évidence. Sur le plateau de TF1, il disait enfin OUI à Ferrari qui rougissait de bonheur. Il décidait dès lors, de saturer l'espace médiatique pour étouffer son adversaire corrézien. Il allait créer un événement par jour, relayé pour ce faire par des médias complices.
Le carnaval débutait le lendemain par une visite de fabrique de reblochon à Annecy. Il osait, lui l'ami des riches et des puissants, se présenter comme le candidat du peuple. Les médias qui n'en demandaient pas temps, en faisaient tout un fromage, en oubliant de dénoncer une supercherie pathétiquement grossière. Un peu comme si sa moitié transalpine déclarait acheter ses fringues à la Foirfouille.
Samedi, la mascarade jouxtait l'apothéose. Le buzz choisi était l'inauguration par le satrape de ses bureaux de campagne. Un non-événement au demeurant, croyait-on. Que nenni ! Comme ses comparses télévisuels, itélé en direct live allait en faire des tonnes. Dans l'attente de l'arrivée du messie de poche, un journaliste chauve à lunettes était en train d'avoir quasiment un orgasme, en contant par le menu le QG si chéri. On apprenait qu'il s'appelait Jean-Jérôme Bertolus. Le garçon allait bientôt prendre des accents lyriques. Rendez-vous compte, le dieu vivant avait franchi le pont Mirabeau à pied et l'immense J.J. décrivait la scène comme si le neuilléen marchait sur l'eau. On espérait pour lui une illusion d'optique tout en soupçonnant amèrement un comble de flagornerie...
Hier était venu, en ce jour du saigneur, le temps du gras meeting phocéen, le point d'orgue (de barbarie ?) du show désormais quotidien, la grand-messe païenne à la gloire du roitelet. Cerise sur le gâteux, le gratin de la Sarkozie rampante avait été réquisitionné. Fillon, Juppé, Copé mais aussi Bruni, sortie comme une poupée de la soute à bagages.
A l'antenne, l'incontournable troubadour J.J. Bertolus vociférait une fois de plus son amour et sa fougue pour l'agité du palais. Pêle-mêle, il décrivait avec passion, "une ambiance de cocotte-minute", "un soulagement pour les militants de voir enfin leur champion entrer en campagne" tout en magnifiant "un guerrier, que le défi allait pousser". Piteuse logorrhée d'un plumitif affidé. Rien de nouveau sous le soleil de Massilia ! J'oubliais... Après la perspective de référendums sur des sujets clivants, le bonimenteur avait sorti de sa manche trouée, la promesse d'une proportionnelle "à la marge", une manière de siphonner les voix des gars de la Marine et du fan-club béarnais...
La veille, le sourcilleux Claude Allègre avait joué les Besson Bis en taclant fielleusement son ancien compagnon de route François Hollande. En revanche, il avait apporté un soutien sans faille à Sarkozy et devrait même intégrer prochainement le comité stratégique de sa campagne. A ce propos, on constatait que dans cette équipe, on trouvait deux anciens du Front National, l'inévitable Patrick Buisson et le jeune loup aux dents longues Guillaume Peltier, ainsi qu'une grenouille de bénitier de retour aux affaires, la si peu spirituelle Emmanuelle Mignon.
Pendant ce temps-là, l'intronisation de la sophistiquée NKM comme porte-parole faisait grincer des dents les gouailleuses Nadine Morano et Valérie Rosso-Debord. Il ne leur restait plus qu'à accrocher un poster de la belle au dessus de leur paddock respectif et de s'entraîner aux fléchettes sur cette cible diaphane. "L'ingratitude est le premier devoir d'un prince"rappelait ce bon vieil Anatole France...
« des enfants de Lavaur, charmante cité du Tarn, agitaient des petits drapeaux sur le passage du chef de l’Etat tout en criant à tue-tête son glorieux patronyme. »
Les enfants scandaient quoi comme patronyme ?
Vive le Maréchal ou vive l’Empereur ou vive le Roi ou vivement qu’il dégage ?
Ils ont eu combien d’argent de poche pour s’amuser ce jour là ? Il a dû y avoir une distribution gratuite de drapeaux et un goûter offert par la mairie pour les gosses, non ? Il serait intéressant de savoir de quelle tendance est le maire de cette commune du Tarn...
Belle affiche de candidat président sponsorisé . Encore 5 ans et c’est la France Morte . Pour Emmanuelle Mignon, je dirais aussi qu’elle n’est pas sectaire pour deux sous . Quant à NKM, elle peut laisser tomber son ministère de l’écologie, son petit chef visionnaire lui avait chauffé la place en déclarant un jour : « l’environnement, ça commence à bien faire » .