Sarko et Sego : le jeu des bulles mimétiques
La polémique lancée par François Bayrou sur la surmédiatisation des deux candidats Sarko etSégo suscite de nombreux commentaires (cf. l’article de Carlo Revelli dans AgoraVox). La plupart du temps, on évoque les médias, dirigés et contrôlés par des puissances plus ou moins désignées, imposant leur volonté dans le monde politique en choisissant ceux sur qui il faut mettre l’éclairage, laissant les autres dans l’ombre. Cette description est certainement vraie mais elle est incomplète ; elle confère une intention délibérée dans la sur-médiatisation à laquelle nous assistons. Et si tout cela n’était pas si délibéré que cela ? Et si tout cela relevait d’un processus indépendant de toute volonté machiavélique ? Et si tout cela n’était que l’expression d’une fièvre mimétique chronique de nos sociétés médiatiques ? Une fièvre mimétique qui se développerait hors de toute intention, autogénérée par la machine médiatique elle-même ? Et si cette fièvre, focalisée aujourd’hui sur Sarko et Sego, se concentrait demain sur un autre ? Et pourquoi pas sur Bayrou lui-même ?
Rappelons que la fièvre mimétique, caractéristique de nos sociétés de grande confusion, atteint aussi bien les producteurs que les récepteurs d’information et se caractérise par une reproduction généralisée des informations, qui provoque un effet boule de neige et fonctionne comme une sorte d’auto-intoxication. Plus les médias parlent d’un sujet, plus ils se persuadent, collectivement, que ce sujet est indispensable, central, capital, et qu’il faut le couvrir encore davantage, en lui consacrant plus de temps, plus de moyens, plus de journalistes. Le public devient lui-même une grande caisse de résonance, répétant les informations reçues, en redemandant encore et les retransmettant aussi. Le processus mimétique fait émerger une objectivité, une extériorité, par la clôture sur soi d’un système d’acteurs qui s’imitent. Plus le nombre d’acteurs augmente, plus le processus acquiert de la vigueur. De ce fait, les informations les plus absurdes ou les personnalités les plus vides peuvent mobiliser une foule immense sur un objet parfaitement inattendu ; chacun trouve la preuve de la valeur de son choix dans le regard ou dans l’action de tous les autres.
La dynamique mimétique semble guidée par une fin qui lui préexiste ; elle est vécue comme telle de l’intérieur du système qui cherche toujours un deus ex machina. En réalité, c’est elle qui fait émerger sa propre fin ; elle acquiert une valeur d’évidence au fur et à mesure que se resserre l’étau de l’opinion collective. C’est ainsi que se créent des opinions ou des informations, générées par le processus d’imitation massive et réciproque opéré par les acteurs faisant partie du système. Cette dynamique mimétique est complètement close sur elle-même. Les attracteurs qu’elle engendre (les opinions ou les informations) n’ont aucun rapport d’adéquation avec une quelconque réalité extérieure. Ils traduisent simplement une correspondance entre des croyances a priori et des résultats a posteriori. Les attracteurs mimétiques sont des représentations auto réalisatrices.
Le phénomène mimétique a ainsi le pouvoir de générer des mondes absolument déconnectés du réel : à la fois ordonnés, stables, et totalement illusoires. Il a le pouvoir de générer des êtres d’images, qui seront peut-être demain président(e)s de la République.
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