Sarko largue Lagardère
Nicolas n’aime plus Arnaud. Récit d’un drame pas vraiment passionnel.
C’est à vous décourager de rendre service. Arnaud Lagardère s’est démené ces derniers mois pour faire plaisir à son ami Nicolas Sarkozy. Il a viré le directeur de Paris-Match, Alain Genestar, coupable d’avoir publié des photos de Cécilia Sarkozy et de son amant d’alors, le sémillant publicitaire Richard Attias. Il a récemment ordonné au directeur du Journal du Dimanche, Jacques Espérandieu, de censurer un article racontant, preuve à l’appui, que Cécilia Sarkozy (décidément !) n’avait pas voté au second tour de l’élection présidentielle.
Et tous ces efforts ne sont guère récompensés.
L’héritier de l’empire des médias assemblé par son père Jean-Luc (avec l’aide du pouvoir politique) a été entendu le 29 mai pendant neuf heures par l’Autorité des marchés financiers (AMF) dans le cadre d’une enquête sur un éventuel délit d’initiés, le groupe Lagardère ayant vendu pour 2 milliards d’euros d’actions EADS en avril 2006 quelques semaines seulement avant l’annonce de gros retards assortis de lourdes pertes opérationnelles du nouvel appareil A380.
Le « gendarme de la bourse » ayant pour réputation de ne jamais inquiéter les grands patrons, tout le monde s’interroge sur cet accès de zèle. Le président de l’AMF, Michel Prada, et son numéro deux, Gérard Rameix, ont-ils voulu faire plaisir à Nicolas Sarkozy pour faire oublier leur chiraquisme ? Car, dans les milieux d’affaires on en est désormais convaincu : le nouveau maître de l’Élysée - qui n’a pas hésité à dire : « La fidélité c’est pour les sentiments. L’efficacité pour le gouvernement », au lendemain de son élection - a lâché Arnaud Lagardère. Pourquoi ? Parce qu’il le considère comme « pas fiable », incapable de tenir ses journalistes et, peut-être plus important, ne faisant pas le poids face aux Allemands chez EADS, selon un habitué des allées du pouvoir. Selon un autre, « Sarkozy est du genre à réagir violemment s’il considère que quelqu’un lui a manqué, même si ce quelqu’un lui a fait plaisir dix fois ».
Traduction : Sarko a ainsi proposé, il y a quelques semaines, à Martin Bouygues de réfléchir à un rachat des 7,5 % de Lagardère dans EADS. Le bétonneur a décliné, préférant se concentrer sur Areva, qui doit être privatisé dans les prochains mois. Depuis, des proches de l’Élysée réfléchissent à un moyen de virer le jeune Lagardère d’EADS. Mais cela va plus loin puisque certains patrons pensent qu’il faudrait aussi le déloger carrément de son groupe de médias. « Arnaud n’a pas la carrure pour diriger un groupe de cette taille. Il n’a pas de stratégie alors que les médias sont en plein bouleversement. Il est incapable de prendre une décision. Les dirigeants du groupe attendent plusieurs semaines avant d’avoir un rendez-vous. Il se n’intéresse qu’aux sports », juge un conseiller de plusieurs patrons. Il faut dire que c’est un peu la pétaudière au sein de l’empire. Les salariés ne digèrent pas les réductions d’effectifs (7,5 % à 10 % des 3 500 emplois en France doivent être supprimés) alors que le groupe gagne de l’argent (268 millions d’euros hors EADS en 2006). Surtout, personne ne sait ce que veut Arnaud Lagardère. Il passe sa vie devant sa télévision à boire du Coca light dans son bureau qui donne sur la place de l’Étoile alors que le papy réac australo-américain Rupert Murdoch n’arrête pas de racheter des boîtes pour renforcer son empire, notamment sur Internet. Or, Sarkozy veut que la France puisse avoir un champion Internet. Il a cru un temps que son pote Arnaud était en mesure de mettre en œuvre une telle stratégie. Il se rend compte que ce n’est pas le cas. Or, il ne peut pas compter sur Serge Dassault, qui a déjà du mal à gérer Le Figaro, ni sur Bouygues, qui a d’autres cibles en tête. Les journaux, radios et télés de Lagardère constitueraient un bon point de départ pour créer ce géant Internet qu’il appelle de ses vœux. Mais il faut un pilote. Si vous avez des idées, écrivez à l’Élysée.
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