Sarkocalypse, la vérité au bout du mandat
400e billet sur Agoravox. 400 coups, de cœur, de gueule, d’audace, ratés, de vérité, de désespoir, d’optimisme, de passion, de génie ou de fantaisie. Mes amitiés à Carlo, toute l’équipe, les modérateurs, les rédacteurs, les contempteurs, les détracteurs, les moqueurs. 400 billets, ça use et ça usine les neurones. Un exercice tout aussi intéressant que pratiquer un instrument de musique. Un jour, je voudrais écrire une symphonie rien qu’avec des mots.
Quel bilan tirer de la présidence Sarkozy ? A vrai dire, rien n’a changé pour une très grosse majorité de concitoyens. Les plus démunis sont restés dans leur mouise, à part quelques-uns passés dans le statut des travailleurs pauvres et inversement. Les affaires continuent pour la grande majorité. Rien n’a vraiment changé. C’était d’ailleurs une illusion que de croire que tout allait se transformer, surtout quand on voit comment agissent les gouvernants et les Parlementaires pour lesquels je m’interdis de dire ce que je pense parce qu’ils ont droit au respect et qu’aussi, me connaissant, je pourrais être puni par la loi en disant un soir d’expression intempestive ce que je pense. Pour l’instant, Sarkozy n’a en fait que cassé ce qui existait, mais rien n’assure qu’une France nouvelle puisse émerger et se bâtir. C’est même le contraire. L’esprit marquant les lois votées est tellement lamentable que la plupart doivent être déconcertés et démotivés. Les affaires continuent. Certains peuvent augmenter leurs revenus, d’autres sont limités par leur situation professionnelle. C’est stagner ou démissionner. Rien ne change car c’était pareil en 1970 pourrait-on dire. Enfin presque, disons que l’esprit a changé. Moins de cohésion nationale, sociale, moins d’attention et plus d’individualisme, de carriérisme, de défense des droits particuliers. Bref, une guerre de tous contre tous, mais sans armes autres que celles des dispositifs économiques et juridiques. Hélas, il ne fait pas bon être chômeur licencié ou cadre dans une PME sans représentativité syndicale. Les riverains peuvent se constituer en association et faire capoter des projets municipaux pour accueillir des logements sociaux. La société française pratique l’ostracisme économique. Avatar discret du racisme.
Sarkozy n’a pas changé la société. Il a juste provoqué en appliquant des mots crus et directs quand auparavant on y allait d’hypocrisie en belles paroles. Il manque juste de valeurs morales et d’audace pour devenir un vrai président de la rupture. Son mandat consistera à renforcer les puissances économiques, les intérêts privés, les entreprises, surtout les grands groupes, les opportunistes, les gens bien placés. La France en sortira divisé plus que jamais et cette division sera de tous les dangers quand elle cognera le mur du pétrole. Mais rien n’est certain. Prédire une issue insurrectionnelle relève de la coquetterie intellectuelle. Bien argumentée, la thèse d’une révolution s’inscrit parfaitement dans un dîner de cons. Le monde avance, l’homme est doué de talents prodigieux pour faire progresser les sociétés et pour la période actuelle, faire face à cette crise que l’on nous prédit terrible. Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, mais c’est parce que nous n’osons pas qu’elles nous paraissent difficiles. Ainsi va la crise. Cette belle formule transcrite de Nietzsche pourrait s’appliquer à la situation actuelle. Ce n’est pas parce que la crise est redoutable que nous la craignons, mais c’est parce que nous la craignons qu’elle nous paraît redoutable.
François Fillon n’a pas parlé en l’air quand il a dit que la droite avait changé l’opinion. Cela montre la puissance des médias et l’efficacité des discours, autant que la faiblesse d’une opposition socialiste réduite à la ringardise par sa propre faute. La droite appuie sur les faiblesses de la gauche et s’appuie sur la mollesse d’une partie de la France qui elle aussi, modestement, profite, mais réclame son dû après avoir travaillé. Il y a plus mal loti que cette France des seniors rayonnants et papillonnants. Il y a plus scandaleux aussi, avec ces salaires et ces revenus de stars, célébrités, administrateurs, hauts commis de l’Etat, qui savent se servir, mais comment les condamner quand le bas peuple ferait autant sinon pire en pareille situation. Il n’y a pas de solution. Le monde s’invente. Si l’homme devient moral et juste, la société le sera, s’il est un profiteur, la société lui ressemblera. Et que les perdants ne se plaignent pas. Le système des gagnants, ils l’ont adopté. Mais pas de chance, ils ont perdu. Les hommes feront les règles de la société qui leur conviennent, soit pour une lutte à mort et une concurrence sauvage, soit pour un monde en partage, équilibré. C’est dans les moments de grande crise que les choix se déterminent. Hélas, la crise de 14 a amené le léninisme puis le fascisme italien puis le stalinisme et la crise de 29 a amené le nazisme. Souhaitons que le pire n’arrive pas et mieux encore, un monde esthétique en folie, créations sans limites, foisonnement d’esprits libres, le génie de l’homme en œuvre, pas une utopie, mais une possibilité… Mais, pour l’instant, un fardeau à régler et des décisions à prendre. Sarkozy les prend pour nous. Hélas, nous ne sommes pas capables de prendre des décisions. Chacun dans son petit monde. Dure condition de l’homme naturel social autant qu’insociable, inapte pour penser plus loin que sa patrie et son quartier. Hélas, l’esprit de Sarkozy n’incite pas le citoyen à penser plus loin que son champ d’intérêt et d’action. Voilà le drame de la situation et, en vérité, prétexte à dénoncer une fois de plus la comédie humaine. Les pleurs ne sont plus crédibles. Les griefs sans arguments. Mais la télévision ne cesse de mettre en scène l’émotion. Dès lors qu’un événement s’y prête. De Gaulle disait que les Français sont des veaux. Mammifère, système limbique, émotions, la télé surfe sur les veaux et s’adresse à eux. De l’accident, elle fait une essence et de ces essences naissent les réactions politiciennes et parfois des lois quelquefois iniques. Réactivité, rétroaction, mais la liberté ne s’y retrouve pas, surtout avec les dispositions de fichage récemment mises en place. Sans compter les systèmes de surveillance. Anodins en vérité si le judiciaire sait suivre, mais ne peut-on penser que la ministre Dati œuvre pour l’affaiblissement du judiciaire ? De toute façon, le citoyen qui ne fait pas de frasques ne sera jamais inquiété. Et celui qui fait le malin paiera l’addition sans avoir eu un dessein divin en ce monde, sans avoir projeté nul destin, mais simplement contesté et s’être mis en travers d’un ordre jugé juste par les autorités. La société manque de concept et d’intelligence. Les franges contestataires se livrent aux violences policières. Le monde stagne.
La principale révélation de l’ère sarkocalyptique, c’est ce jeu misérable des médias qui met en scène une supercherie des gens ordinaires et des célébrités. Gens ordinaires qui, dans L’Île de la tentation, Nouvelle star, Koh-Lantha, La Star Ac’, Secret Story, jouent la comédie pour du pognon. Gens célèbres qui aussi jouent la comédie, à un autre niveau, mais pour du pognon. Le fric mène le monde et les artistes se plient à cette règle puisqu’ils aiment le fric plus que leur art. Les scientifiques feraient de même s’ils en avaient les moyens. Et le monde aussi. Sarkozy est dans l’air du temps avec une dame faisant dans le genre musical pour oreilles de troupeau. Les gens déboursent 100 euros pour aller voir se déhancher Madonna qui chantonne comme une vulgaire pute de cirque. Les gens ont mauvais goût. Il est normal que les médecins leur fassent raquer 100 euros pour soigner leurs maux de bobos. Le monde avance dans sa vulgarité et c’est ainsi que se joue le sort de cette espèce évolutive qui peut, selon les termes de la Mirandole, s’élever vers le divin ou se complaire dans la bestialité la plus minable. Les dévots de toutes ces célébrités restent dans la frange bestiale de l’humanité. Sarkozy est leur prophète. Ainsi va la France. Avec ses escrocs et ses gens gangrenés par la vénalité, prêts à toutes les combines pour agrémenter leur profit. Entre les franges vénales et les franges bestiales, la civilisation peine à se frayer un chemin, telle un arbre majestueux devant batailler dans un champ où toutes les ressources sont happées par les mauvaises herbes. Sarkocalypse. Le président de la vénalité et des mauvaises herbes, telle est hélas la vérité ! Mais la nature humaine est aussi puissante que la végétation et l’engrais frelaté que représente la droite sera vite dépassé par le peuple de l’ombre et du génie. Tel est le rêve que je fais et le dessein que j’espère pour les jours futurs. Sans aucune illusion. L’homme ne mérite pas la confiance. Et pourtant si, au risque d’un pari pascalien, l’homme mérite la confiance.
Qu’espérer pour 2012 ? Tout dépend de l’ampleur d’un choc pétrolier, des capacités réactives des dirigeants et des citoyens. La marge de manœuvre du politique est faible. Son seul domaine d’action vraiment puissant est la police, mais ce n’est pas en tapant sur les gens qu’on fera une nation. Il est peu probable que Sarkozy et ses relais gouvernementaux changent la France en bien. Il est plus certain que l’ambiance sociale sera détestable. Il serait dommageable que les seules réactions d’opposition relèvent de ce que Sloterdijk appelle la banque de la colère. Les émotions ne peuvent pas s’investir pour engendrer de dividendes politiques substantiels. Si une nouvelle opposition devait naître, elle reposera sur un nouvel esprit incarné dans une bonne partie des Français. C’est cela le cours dialectique de l’Histoire. Il faut parier sur un dépassement de la comédie médiatique qui se joue actuellement et qui sait, une sortie par-delà la dialectique, faite de conjurations, créations, inventions, rédemptions. Révélation et résultats en 2012.
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