Sarkozy 2017 : non, ça n’arrivera pas
L'homme providentiel serait-il (cas unique dans l'histoire de la Cinquième République) l'ancien président Sarkozy, alors qu'il a été massivement rejeté par l'opinion publique il y a à peine trois ans ? Va-t-il pouvoir se présenter de nouveau en 2017, où il est certain de battre à plate couture la gauche et l'extrême droite ? Pour moi, la réponse est claire : non. Il y a des signes qui ne trompent pas : Nicolas Sarkozy ne redeviendra jamais président de la République, et ne sera même pas en mesure de se présenter en 2017.

Dès que le mandat d'un président touche à sa fin, les Français commencent à rechercher l'homme providentiel (ou la femme, plus récemment, de Ségolène à Marine en passant par Martine) et s'ils ne trouvent pas mieux que leur actuel chef d'Etat, ils le réélisent. C'est ainsi depuis que le suffrage universel direct a été mis en place. Actuellement, nous vivons une situation inédite : le président Hollande déçoit tant que la chasse à l'homme providentiel a commencé très tôt, dès 2013, avant de se préciser cette année.
Historiquement, la France est plutôt un pays de droite : sur les neuf dernières présidentielles, six ont été remportées par le candidat de la droite ou du centre droit. C'est en effet à droite que l'on trouve les plus fortes personnalités de la vie politique française et donc les meilleurs hommes providentiels, tels que Giscard, Chirac ou Sarkozy : le dernier est le stéréotype même de l'homme providentiel, pour l'enthousiasme qu'il a suscité à son élection, qui fut à la hauteur de la déception qui s'ensuivit.
En 2012, Sarkozy échoue à être réelu : il va donc (un peu) se retirer de la vie politique, comme il l'a promis. Il enrage, mais est bien décidé à ne pas le montrer : ce serait du plus mauvais effet pour son retour, qui l'obsède déjà. Il a en effet pris un pari risqué, celui de la stratégie du manque : il part pour une longue absence, envoie des signaux (ou des cartes postales) à ses fans, regarde les nouveaux ténors de la droite s'entretuer, puis réapparait en 2015 ou 2016 dans un triomphal "retour à la De Gaulle" où les Français, désemparés par la nullité du gouvernement, la faiblesse de l'opposition et la montée du FN, lui font un triomphe et le ramènent à l'Elysée.
Mais, et c'est assez réjouissant, rien ne se passe jamais comme prévu en politique : ainsi, Balladur n'a pas été élu en 1995, Le Pen est arrivé au second tour en 2002 et offrit à son adversaire pourtant faible un triomphe à 82 %, Strauss-Kahn a vu son destin politique brisé par ses pulsions, et Sarkozy a complètement foiré son retour. Revenu trop tôt pour empêcher un antisarkosyste de reprendre l'UMP et de tuer dans l'oeuf son opération 2017, il a déjà, au bout de trois mois, rassuré ses adversaires sur ses chances très faibles de redevenir président, ou même de représenter son camp. Voici les différentes raisons de croire que non, Sarkozy n'a plus de chances de retour :
-Il n'est plus le seul qui compte à l'UMP. Ses deux ans d'absence ont excité les ambitions d'autres responsables politiques, des sarkozystes (NKM, Wauquiez) comme des rivaux (Juppé, Le Maire, Fillon). Il est ainsi obligé de composer avec les ambitions des uns, la méfiance des autres... Que c'est dur d'avoir des concurrents !
-Un véritable front antisarkozyste s'est formé à l'UMP : il n'avait en effet pas envisagé une seule seconde être si contesté, si critiqué dans le parti qu'il a dirigé et incarné durant huit ans, par toute une partie de la droite qui ne veut pas de lui, de son retour, de ses colères, de sa ligne droitière, de ses affaires, de ses courtisans... Le Maire a même prouvé quelque chose dont on ne se doutait pas : avoir Sarkozy comme rival rend plus fort.
-Il a maintenant un véritable rival à droite, Alain Juppé, ce qui ne lui était jamais arrivé auparavant. Son "fidèle" Ministre des Affaires étrangères semble bien décidé à lui barrer la route, ses ambitions présidentielles ayant été prises par Sarkozy comme une véritable déclaration de guerre, effrayé par l'immense popularité de ce vétéran de la République et son pouvoir d'apaisement sur l'ensemble des Français (même aimé à gauche !). Juppé est, selon les sondages, nettement plus apprécié que lui, et semble le mieux placé pour rassembler les Français s'ils lui donnaient son ticket pour 2017 à la primaire ouverte...
-Il est lâché progressivement par ses lieutenants, comme Morano et Raffarin, sans oublier que Dati et NKM ont tenu à rappeler leur indépendance à cet homme qui n'est rien sans son mur de courtisans.
-Il n'incarne plus ni le renouveau, ni la sagesse et l'expérience, étant nettement devancé dans ces deux domaines par Bruno Le Maire pour le premier et Alain Juppé pour le second. Difficile, en effet, d'incarner le renouveau lorsque les Français entendent parler de vous tous les jours ou presque depuis vingt ans, ou la sagesse et l'expérience lorsque vous disposez d'un bilan mitigé et que les méchancetés que vous proférez chaque jour sur tout le monde, même vos plus proches, font le bonheur du Canard enchaîné...
-Son caractère est un vrai problème : il est bel et bien pire qu'avant et perd progressivement sa déjà fragile stature d'homme d'Etat. On connait tous ces paroles affreuses qu'il dit chaque jour sur tout le monde : Marine Le Pen a un physique de "déménageur" et fait "hommasse, épaisse", Hollande "Monsieur Bidochon" est "mal fagoté" et "mange des frites", Xavier Bertrand est "un assureur" et "finira dans les mines de sel, pieds nus avec des plaies ouvertes", Fillon n'est pas son ancien premier ministre mais un "collaborateur" (ou un "loser" voire un "sans-couilles"), Le Maire est "ce connard que j'ai fait ministre", Valls a un "regard fuyant" d'"illuminé" à cause de ses lentilles de contact, et il attaque Wauquiez sur son addiction à YouPorn et Juppé sur son âge. Comme l'a si bien dit Fillon, un de ces "cons de l'UMP", "Ce ne sont pas des paroles d’un homme d’Etat". Rajoutez à cela cette scène incroyable où Sarkozy jubile devant les huées de ses fans adressées à Alain Juppé (on est bien loin de l'admirable "Je vous demande de vous arrêter !" lancé par Edouard Balladur à ses supporteurs qui huaient Chirac, coupable d'être au second tour), ainsi que cette terrible dérobade devant Sens commun, et trouvez-vous cet homme digne de diriger la France de nouveau ?
-Sa ligne politique, très "droite extrême", n'est plus la bonne. En 2007, Sarkozy avait réussi à siphonner les voix de Jean-Marie Le Pen en tenant un discours très extrémiste, qu'il a appliqué lors de son passage à l'Elysée avec la création du poétique Ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale. En 2012, dans une campagne décidément très "halal, immigration, burqa, sécurité", il échoue à reproduire cet exploit, car le FN a retrouvé un leader fort : Marine Le Pen qui, pour les FNistes, est Sarkozy en mieux. Pas découragé pour autant, il continue sur cette ligne depuis son retour, mais a-t-il vraiment la plus petite chance de voler des électeurs qui se sentent désormais tout à fait représentés dans le parti d'extrême droite ? Et ne voit-il pas que, actuellement, c'est les modérés de l'UMP (Juppé, Le Maire, NKM) qui ont le vent en poupe ?
-Moins politique, il a d'innombrables affaires avec lui, dont certaines ne tarderont pas à connaître leur dénouement et à lui infliger une petite peine d'inégibilité qui fera du bien à tout le monde. Et même, en supposant qu'il ne se passe rien d'ici la primaire, l'UMP acceptera-t-elle vraiment de se laisser représenter par un homme dont elle risque d'être privée durant la campagne, ouvrant un boulevard au Front national ?
-Enfin, pour conclure, je dirais qu'il part avec une très mauvaise dynamique : sa cote de popularité descend chaque mois, quand celles de ses rivaux, Bruno Le Maire et surtout Alain Juppé, ne cessent de monter. Il ne séduit plus qu'un cercle de plus en plus restreint de droitistes qui, de toute manière, vénèrent une idole à son effigie depuis dix ans chaque soir avant d'aller se coucher : même ceux-ci, d'ailleurs, semblent commencer à voir Juppé d'un autre oeil, à le trouver plus apaisant, plus expérimenté... Si Sarkozy est largement derrière son rival dans les sondages chez les militants du centre et de la gauche, ainsi que pour l'ensemble des Français, sa courbe ne devrait plus tarder à croiser celle de Juppé chez les militants de droite, où il reste malgré tout populaire (mais comme je l'ai dit, de moins en moins). Rien que cet élément ne pardonne pas : aucun président n'a été élu avec des sondages qui sont de plus en plus mauvais chaque mois durant la campagne, ni avec plus de 60 % de mauvaise opinion chez les Français... Il ne devrait pas oublier que la primaire est ouverte.
Avec tous ces éléments, on peut se permettre de penser que les mois à venir vont être très pénibles pour l'ancien et ex-futur président...
Documents joints à cet article

75 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON