Sarkozy célèbre-t-il la victoire de la dictature occidentale sur la tyrannie de Kadhafi ?
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Belle victoire des forces libres contre la dictature de Kadhafi, pour peu, on s’imagine Sarkozy tel un De Gaulle arrivant dans la capitale libyenne : « Tripoli humiliée, Tripoli martyrisée, Tripoli occupée mais Tripoli li-bé-rée ! ». Quant à Cameron, se prendrait-il pour Churchill ? Trêve de plaisanterie, ce déplacement de l’axe franco-britannique en Libye revêt son cortège de symboles et bien évidemment, ce n’est pas sans ambivalence que l’on peut tenter de bien comprendre ce qui se passe. Sur le papier et compte tenu des données factuelles transmises par la voix officielle des médiarques, la France avec l’Otan a empêché un bain de sang et a libéré le peuple libyen de l’infâme dictateur qui depuis plus de quarante ans, faisait régner la terreur. Les instigateurs de cette transition ne sont pas peu fiers d’avoir prouvé au monde entier que le destin de l’humanité se joue dans la démocratie et qu’enfin, il existe une autre voie que l’alternative dictature militaire ou tyrannie islamiste pour les pays arabes enfin épris de démocratie. On imagine aisément BHL servir ce genre d’analyse mais derrière ce cirque se dessinent d’autres réalités que les médias ne livrent pas. Pourtant, un peu de raison suffit à entrevoir le sens des événements. Il n’est pas certain que le peuple libyen ait aspiré à tant de démocratie, pas plus qu’on est sûr d’une transition pacifiée, ni que le ressort libérateur ait été réellement portée par une majorité de Libyens qui, comme les Européens subissant la crise financière, ont laissé les forces armées régler les comptes de l’Histoire.
Les historiens diront plus tard si l’intervention en Libye de 2011 fut une réminiscence des guerres coloniales. Certes, c’est l’argument que sert Kadhafi mais ce n’est pas parce ce type est un dictateur que l’analyse qu’il sert doive être invalidée systématiquement. On attendra donc le point de vue des historiens et on espère voir fleurir sur les plateaux de télé quelques opinions contradictoires pour un avis plus éclairé. Et comme disait Tonton, laissons du temps au temps. Il n’est pas possible en l’état actuel du chaos régnant de prédire quelle sera l’issue de cette transition menée par un mystérieux conseil surgi d’on ne sait où. Le déplacement du président Sarkozy ne signifie donc pas l’installation de la démocratie en Libye mais la victoire militaire de l’Otan contre un dissident notoire peu coopératif, le tout justifié à l’occasion d’un printemps arabe ayant servi de caution morale à un règlement de compte géopolitique et même personnel si l’on en croit les bons mots échangés entre Kadhafi et Sarkozy. Au printemps pousse l’arabe qui cache la forêt dirait un sage nomade facétieux depuis sa tente dans le désert. Qu’est-ce qui se cache derrière cette comédie ? Le malaise gagne les esprits. Est-ce l’avènement d’un nouvel âge mondial ou la confirmation de la dictature occidentale qui dans les pays avancés, sert les intérêts d’une caste, se sert des développements technologiques et militaires et policiers pour asseoir un asservissement généralisé de l’humain par un système tout à fait compatible avec le multipartisme, la pluralité des journaux et la liberté d’expression. Ainsi aurait pensé Marcuse.
Bah, nous verrons bien. Le miroir de l’Histoire offre un précédent calamiteux avec l’Afghanistan. Même configuration militaire, des forces rebelles pachtounes contre les talibans de Kaboul appuyées par les avions de l’Otan et une intervention terrestre à la suite et on connaît la situation depuis. On pourra toujours se rassurer en arguant que pour la Libye, il n’y a pas eu d’occupation des armées coloniales et le peuple pourra se raconter qu’il s’est libéré par la force de ses rebelles de transition et de ses populations. Les vainqueurs écrivent l’Histoire et bien entendu, la France s’est libérée toute seule des nazis. Bon, attendons la suite sans accorder une attention spéciale au fait que la plupart des grandes puissances aient reconnu la légitimité du CNT. C’est surtout que personne n’aimait Kadhafi. Ce que les grandes nations préfèrent dans la Libye, c’est son pétrole. L’ordre mondial est en marche. C’est un ordre systémique, technologique et militaire. La démocratie, c’est pour les discussions de salon sur un plateau télévisé.
Pour conclure cette modeste tribune, pas de point barre mais un point d’interrogation, symbole s’il en est du doute qui doit jaillir dans toute analyse qui cherche la vérité, même si cette vérité n’est pas accessible.
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