Sarkozy, Dati et autres signes… La confiance se délite-t-elle ?

Je ne lirai pas l’interview de Sarkozy paru dans le Nouvel Obs. Pour des raisons assez évidentes. Que le président reconnaisse des fautes de goûts et des erreurs de débutant dans ses petits coups politiques médiatisés et sans importance, c’est normal. Une confession bien banale. Ce n’est pas bien de se moquer de Laurent Joffrin ou de traiter de pov’con un quidam au salon de l’agriculture ou encore de s’afficher dans une luxueuse brasserie parisienne. Mais pourquoi regretter. Au contraire, ces postures présidentielles ne sont-elles pas révélatrices du fond du personnage, de ses valeurs, de ce auquel il croit et ce qu’il n’aime pas ? Le reste de l’entretien, on s’en doute, porte sur la crise. On connaît la chanson. Sarkozy est plein de bonnes intentions mais dans les faits, il y a son entourage qui ordonne et la crise du système qui contraint les bonnes volontés si bien qu’on peut bien vouloir, sans pour autant pouvoir. Alors, si c’est pour lire une fois de plus les vœux et les volontés du président, pas besoin de perdre son temps. Le président a décrété que la France ne laisserait personne sur la route. N’empêche, 30 000 emplois d’auxiliaires éducatifs ne seront pas renouvelés. Et nombreux sont sur le côté de l’emploi, voire sur la route avec le statut de Sdf. Alors même si Sarkozy est sincère, on ne peut plus lui faire confiance.
L’affaire ne fera pas grand bruit, sans doute un buzz ordinaire. Le vol du manuscrit du frère de Rachida Dati n’a rien d’une affaire Dati ni d’une affaire d’Etat comme par exemple Elf naguère et récemment, les révélations sur les ventes d’arme à Karachi, ayant servi selon les thèses officieuses de financement pour la campagne d’Edouard Balladur, lequel dément malgré les indices convergents, mais qu’il soit citoyen ou premier ministre, chacun à le droit à la présomption d’innocence, si bien que la culpabilité ne peut pas être établie par la presse mais par la justice qui pour faire son travail aura quelques difficultés surtout si les intentions du gouvernements concernant le secret défense et la liberté de fouiner pour le juge sont mises à exécution après le passage dans les enceintes du Parlement.
Un commentaire néanmoins. C’est assez curieux, ce manuscrit volé, et selon les déclarations de l’éditeur, un délai supplémentaire pour faire paraître le livre, car il y a bien une copie mais pas de chance, ce n’est qu’une version brute qu’il faut à nouveau corriger. Pas de veine pour l’éditeur qui, même s’il avait eu quelques soupçons quand à des pressions sur ce livre sensible, ne pouvait imaginer un vol, qui plus est dans ses locaux. S’il avait su, il aurait certainement, même en ces temps de crise économique, claqué quelques sous pour faire des copies sur des CD qu’il aurait confiées à des mains sûres. En fin de compte, à qui faire confiance ? Est-ce un coup de pub orchestré par l’éditeur ou bien la marque d’un réseau mafieux opérant au service de personnalités ? Même question pour les cambriolages subis par Ségolène Royal. Qui manipule, quelles officines sont impliquées ? Nous ne savons rien. Et puis, même s’il y a préjudice matériel, il n’y a pas mort d’homme. Juste des broutilles de vaudeville politicien dont les médias sont si friandes. Plus grave, l’incendie de la maison secondaire de Bertand Cantat dans les Landes il y a quelques années. On peut alors soupçonner quelques connivences entre les gens de la haute société des vedettes du cinéma et une pègre avec elle entretient quelques rapports professionnels à l’écart de la légalité. Après tout, Frank Sinatra avait bien commencé avant tous les autres.
Poursuivons notre enquête que nous pourrions écrire des centaines de pages sur des affaires qui ne sont pas élucidées. Les malversations de Madoff, certes punies symboliquement de 150 ans de taule, n’ont pas livré les dessous ayant permis à cet escroc de poursuivre ses affaires, alors qu’il y avait déjà eu l’affaire Enron. En France, Natixis ou Dexia ne sont pas des mots qu’on prononce lorsqu’on veut évoquer une vertu dans le monde de la finance. Le monde des affaires est opaque, alors que les médias ne sont pas pour autant fiables. Ils ont annoncé un héritage de dettes pour les enfants Jackson mais d’où sortent-ils ces chiffres, du reste d’ordre privé, alors que personne ne connaît certains chiffres des grandes entreprises publiques. Bref, l’air du temps n’est pas à la confiance dans les journaux écrits ou visuels. N’est pas à la confiance en général. Pour preuve, ces employés de vol d’Air France ayant démissionné ou demandé leur affectation comme personnel au sol. Enquêtons sur le fonctionnement des caisses d’épargne que nous aurons quelques témoignages d’employés avouant qu’à la fin des années 1990, cette entreprise a pris un tournant disons, moins « humain », où le client n’est pas forcément servi mais doit servir les intérêts de la boîte. D’aucuns en ont fait les frais, en souscrivant des placements suspects, ne retrouvant que leur capital après cinq ans dans le meilleur des cas, alors qu’un simple livret A engendrait presque 10 à 15 points d’intérêts.
On observe donc de plus en plus de faits susceptibles d’engendrer une perte de confiance des citoyens et des consommateurs vis-à-vis des acteurs économiques et politiques. Il y a eu une accumulation ces dernières années. Les arnaques ont-elles réellement augmenté ou bien ont-elle été plus médiatisées qu’auparavant ? Toujours est-il que des professions naguère incarnant le sérieux et la confiance, comme le médecin, l’instituteur, l’employé des caisses d’épargne, et même le flic, sont devenues suspectes. Imaginons un panel pour l’émission Une famille en or répondant à la question sur la profession inspirant le moins confiance. Si c’est en 1970, le panel aurait répondu garagiste puis notaire. En 2009, il n’est pas certain que garagiste arrive en tête. Bref, la confiance s’est progressivement délitée, d’année en année. Peut-on penser qu’il y a plus d’arnaques et d’escrocs ? Ce n’est pas certain, pas plus qu’on n’est certain que la délinquance ait augmenté. Car le mode de calcul interfère, et aussi les expositions médiatiques. Toujours est-t-il que les médecins n’ont plus la même cote de confiance qu’auparavant. Pareil pour d’autres professions. Et la question sans réponse pour l’instant, c’est de déterminer les causes de ce phénomène. Toute confiance repose sur une représentation qu’on se fait de l’autre. Alors ou bien c’est la représentation qui s’est modifiée pour x raisons, médias, affaires devenues symboliques, exigences du citoyen, ou bien le processus est en œuvre dans la société et de plus en plus, les individus privilégient, dans certaines opérations, leur propre intérêt sur celui du citoyen, du patient, de l’étudiant, du passager, de l’épargnant, du lecteur, du spectateur, de l’usager de la route, etc.
On n’osera pas une investigation philosophique sur la confiance. Tout au plus, on tentera modestement de définir la confiance comme une probabilité mettant en rapport un fait réel et ce même fait tel qu’il est escompté en fonction des promesses ou un contrat ou une action effectuée par un autre. Là c’est assez clair. On se situe parfaitement dans le cadre sociologique. Maintenant, la confiance peut aussi concerner l’individu. On peut ne plus avoir confiance en soi. Un thème bien d’époque, labouré par Alain Ehrenberg qui traça le portait de la fatigue de soi dans un monde où on exige de plus en plus du sujet et où les injonctions normatives et médiatiques deviennent envahissantes. La confiance est une sorte d’indicateur du psychisme, dépendant de multiples facteurs, autant sociaux que subjectifs et dépendant d’un trajet existentiel parsemé de réussites, d’échecs, de coups de chance et de coups durs. Mais aussi d’une constitution psychique, intellectuelle, spirituelle et physique faisant qu’il y a ou non une distorsion entre la représentation de ce qu’on pense faire et ce qu’on fait en réalité. Vaste thème pour notre époque.
Un thème à la foi psychologique, philosophique mais aussi sociologique et allons-y pour ne pas rester inutile, politique. Car si l’ère des classes sociales est révolue, nous sommes entrés dans l’ère des destins d’existence. Et si le progrès n’est plus partagé ni proposé par les partis politiques, les uns ont confiance en leur avenir, en l’avenir de la nation et d’autres n’ont pas confiance. Ceux qui n’ont pas confiance en leur avenir ne sont pas moins valeureux que ceux qui ont confiance, ni plus peureux. La société produit autant de divergences de destinées que l’essence des sujets. Une société qui ne sait pas redonner confiance aux écartés du chemin économique et social ne pourra que décliner. Ce qui ne signifie pas que la société doive devenir l’armée du salut pour ceux qui ne font aucun effort.
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