Sarkozy : déconstruction d’une rhétorique
Le discours de Nicolas Sarkozy séduit, c’est évident. Mais une élection présidentielle n’étant pas tout à fait, ou ne devant pas devenir le concours du discours le plus habile, il est intéressant d’observer de plus près la belle mécanique rhétorique qui fait ainsi ronronner si joliment aux oreilles des Français les paroles de ce candidat. Et surtout, au-delà du ronronnement, quelle réalité pouvons-nous entendre ?
Pourtant, la mécanique est toute simple, et
c’est cette simplicité même qui rend le discours si redoutable,
tellement efficace. Voyons comment cela fonctionne.
1- Il y a deux catégories de Français
: c’est la base du discours de M. Sarkozy, toujours opposer deux
France, l’une mauvaise et fantasmée qu’il faut stigmatiser, l’autre
bonne qu’il faut aider à prospérer.
2- Vous faites partie des gentils :
c’est la deuxième phase : l’auditoire doit être convaincu qu’il est
dans le camp à qui l’on va faire du bien.
3- Les uns (les méchants) mangent sur le
dos des autres (les gentils) : tout ce qui ne va pas pour vous
vient de l’existence de l’autre qui vous fait du mal.
4- "Je n’accepte pas" les agissements des
méchants (ils profitent de vous) : si je suis élu, je saurai
être ferme (M. Sarkozy dit beaucoup qu’il "n’accepte pas" ; on
remarquera qu’il prend bien garde de ne pas être plus précis).
5- "Je veux" privilégier les gentils (ils sont méritants) : il y aura des privilèges et c’est à vous que je les réserve, puisque vous faites partie du camp des gentils - je suis de votre côté, votez pour moi.
CQFD
Le raisonnement de M. Sarkozy est on ne peut plus évident : pour chacun d’entre nous, le méchant, c’est l’autre - c’est bien humain. Il suffit donc de déclamer avec force et emphase qu’on fera une politique favorisant les gentils et sera intraitable avec les méchants, pour que tout le monde applaudisse.
On pourrait sans doute inviter chacun à considérer que peut-être M. Sarkozy pourrait ne pas l’inclure dans les gentils et considérer alors ce que rend cette fois son discours : "Je ferai une politique qui favorisera les uns et sera intraitable avec les autres." Considérant alors que cet homme ne fait pas mystère de son attachement au libéralisme, considérant par ailleurs la politique que mène la droite depuis cinq ans, on peut aisément deviner qui sont en réalité "les uns" (les quelques-uns) et qui sont en réalité "les autres" (tous les autres).
La démagogie est l’art de plaire au peuple. Le but est que le peuple nous veuille du bien (nous donne son suffrage). Ça ne signifie pas qu’on veuille du bien au peuple, et bien au contraire.
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