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Accueil du site > Tribune Libre > Sarkozy : droit dans le mur

Sarkozy : droit dans le mur

Mémoire et histoire sont trop souvent confondues par les hommes politiques. Or, les deux termes ont un sens bien différent.

Mémoire et Histoire : des notions différentes

La mémoire est de l’ordre du souvenir, de l’émotion, du vécu, du point de vue, du ressenti. Elle est éminemment subjective parce qu’elle suppose des choix (conscients et inconscients). Elle sécrète l’oubli, car elle est une sélection entre ce qui mérite d’être retenu et ce qu’il convient d’oublier. Il suffit de rappeler, par exemple, que l’existence de lois mémorielles vise à lutter collectivement contre l’oubli, bien que la mémoire puisse être également défaillante ou sujette à discussion.

L’histoire, en revanche, se définit par la mise à distance, la reconstruction problématisée du passé. Elle tend à l’objectivité parce qu’elle suppose un décentrement du regard, une mise à distance du souvenir, de l’émotion, du point de vue, du ressenti. Elle appelle donc la réflexion, l’analyse et implique la possibilité de changer de point de vue.

La nouvelle polémique au sujet de la présence (douteuse) de Nicolas Sarkozy à Berlin, le soir du 9 novembre 1989, au moment des premières brèches dans le Mur, est un cas intéressant de télescopage des deux notions au service d’une utilisation intéressée à des fins politiques.

Sarkozy affirme qu’il ne rasait pas les murs à Berlin

Au fond, ce qui est important, ce n’est pas tant la présence (réelle ou supposée) de Nicolas Sarkozy à Berlin, que le message implicite que le président de la République a voulu donner de lui-même au monde entier en publiant, dimanche 8 novembre à 04:44, sur le réseau social Facebook, une photo le représentant, maillet et burin à la main, devant le Mur qui sépara, pendant 28 ans, les deux Allemagne et, au-delà d’elles, les blocs de l’est et de l’ouest. Car Sarkozy, ce soir-là, ne rasait pas les murs, qu’on se le dise, mais il était aux avant-postes devant le Mur.

Quel est donc le sens du message présidentiel sur Facebook ?

Avant toute chose, l’expression d’une subjectivité, la sienne en l’occurrence, mais aussi celle d’une mégalomanie pathologique aux termes de laquelle Nicolas Sarkozy tente, par la mémoire imprécise de ce qu’il faisait le 9 novembre 1989, de réécrire l’histoire afin de l’instrumentaliser à sa propre gloire.

Nicolas Sarkozy aurait pu tout simplement se contenter de signaler qu’il s’était rendu à Berlin une semaine après les premières brèches faites dans le Mur. Cette indication chronologique ne l’aurait pas desservi.

Mais las ! Cette précision était aussi probablement indigne du Monarque qui a préféré déclarer avoir été présent le soir de l’événement, comme pour mieux souligner son prétendu sens de l’Histoire, et comme s’il s’agissait, pour lui, de montrer qu’il a en a été acteur à sa manière.

Sarkozy emmuré dans son entêtement grotesque

Le sens grandiose que le président de la République a de lui-même, l’a donc conduit à quelques arrangements avec son agenda passé, même si son entourage (Philippe Martel en tête) essaie désespérément de rattraper le coup en inventant, de toute pièce, une escapade rocambolesque à Berlin en avion privé en compagnie d’Alain Juppé (qui ne s’en souvient pas), Jean-Jacques de Peretti (muet) et Philippe Martel (qui s’agite beaucoup pour faire avaler la réalité de cette improbable virée nocturne).

C’est ainsi que l’on apprend que Sarkozy aurait rencontré, le soir du 9 novembre 1989, à Berlin, François Fillon (ô divin hasard !) et Alain Madelin (qui dément avoir été à Berlin le 9 novembre au soir).

Quel entêtement grotesque !… Car si Nicolas Sarkozy a voulu se présenter a posteriori comme un visionnaire, l’actualité n’en retient dès à présent que l’image d’un mythomane.

 

Sarkozy : un scénario à se taper la tête contre les murs

On savait que Nicolas Sarkozy manquait singulièrement de hauteur au sens propre. On sait désormais qu’il en manque aussi au sens figuré car, finalement, il aurait très bien pu accompagner sa photo publiée sur le réseau Facebook d’un commentaire plus anodin ou, disons-le, qui soit plus dans le ton de la célébration du vingtième anniversaire de la chute du Mur de Berlin. Par exemple, il aurait pu écrire quelques mots sur l’amitié franco-allemande, sur l’Europe, sur la paix, la liberté.

Bref, les thèmes ne manquaient pas.

Mais au lieu d’un commentaire consensuel, celui-ci a préféré parler de lui-même et de son immense clairvoyance. Et d’écrire ce scénario à se taper la tête contre les murs (nous soulignons) :

« Souvenirs de la chute du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989.

J’étais alors secrétaire général adjoint du RPR. Le 9 novembre au matin, nous nous intéressons aux informations qui arrivent de Berlin, et semblent annoncer du changement dans la capitale divisée de l’Allemagne. Nous décidons de quitter Paris avec Alain Juppé pour participer à l’événement qui se profile. »

Or, le 9 novembre 1989 au matin, il est un fait que tous les chefs d’Etat et de gouvernement étaient dans l’incapacité d’anticiper la chute du Mur de Berlin. Rien ne pouvait laisser transparaître cet effondrement pour le soir même et les jours qui suivirent. Sauf bien sûr pour le (petit) maire de Neuilly-sur-Seine qui avait senti l’évènement qui se profilait. Un véritable génie politique.

Comment ne pas observer ici que le discours de Ségolène Royal, prononcé à l’Institut pour la Diplomatie Nouvelle, à Berlin le 8 novembre, contraste de façon saisissante avec l’esprit étriqué et narcissique du Président de la République ?

(Billet publié initialement sur www.gabale.fr)


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10 réactions à cet article    


  • L'enfoiré L’enfoiré 10 novembre 2009 16:25

    @L’auteur,

     Toujours cette obsession d’« y être » « Faire partie de l’événement ». Pour en garder un maximum de souvenirs. Pour pouvoir le raconter. Souvenirs qui ne servent à rien en définitive. Car ils ne tiennent pas la longueur avec ceux qui ont vécu l’évent de l’intérieur. Alors, la date de la présence ????

     C’est le même complexe qui se retrouve au foot, dans les représentations du showbiz et autres manifestations.
     La télé, c’est pour les « idiots » qui ne savent se payer une place pour aller voir sur place.
     On ne veut plus dépenser un sou pour ce qui fait notre vie de tous les jours. Internet doit être gratuit.
     Mais on est prêt à dépenser des fortunes pour aller voir les vedettes dans leur show.
     Désolé d’avoir extrapoler, mais l’un n’est que la suite de l’autre.



      • Fergus Fergus 10 novembre 2009 17:02

        100 % d’accord, Gabale.

        Tout le problème de Sarkozy, et par conséquent le nôtre, tient dans ces deux extraits de l’article : « mégalomanie pathologique » et « entêtement grotesque ».

        On a parlé, à propos de Sarkozy, de comportement adolescent. Manifestement, il n’est pas sorti de la cour d’école et des rodomontades compulsives dont quelques ados ont le secret. Au propre comme au figuré Sarkozy a oublié de grandir. Et c’est consternant !!! 


        • antennerelais 10 novembre 2009 18:03

          Ce qui est tordant c’est toutes les parodies qui circulent

          « Sarko à Berlin » : les parodies


          • albo 10 novembre 2009 18:14

            Les dispositions qui vont de l’hystérie à la mythomanie semblent se greffer sur une habitude précoce de perdre le contact direct avec le monde réel et d’abandonner à une affectivité sans règle la direction de la vie psychique (MOUNIER, Traité caract., 1946, p.386)


            • BA 10 novembre 2009 20:58

              Nicolas Sarkozy et Alain Juppé sont arrivés à Berlin le soir du jeudi 16 novembre 1989.

              Images d’archive de TF1 en date du 16 novembre 1989, diffusé lundi 9 novembre 2009 par LCI. Alain Madelin, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé devant le Mur de Berlin, coté ouest. (Capture d’écran)

              http://tempsreel.nouvelobs.com/speciales/international/19892009_le_mur_de_b erlin/20091110.OBS7414/sarkozy_a_berlin_en_1989__a_qui_peuton_se_fier_ .html

               

              Cette date du 16 novembre 1989 est confirmée par les archives du journal Le Figaro.

              Samedi 18 novembre 1989, le journal Le Figaro écrivait qu’Alain Juppé s’était rendu à Berlin dans la nuit de jeudi 16 novembre à vendredi 17 novembre 1989.

              «  Alain Juppé, qui s’est rendu à Berlin dans la nuit de jeudi à vendredi, a annoncé hier la création d’une association … »

              http://www.lefigaro.fr/assets/pdf/juppe_fig_1989.pdf


              • fhefhe fhefhe 11 novembre 2009 04:38

                Je le répète...SarkomythoSkosy était le 9 Novembre 1989 à Colombey les 2 Eglises pour se receuillir sur la tombe du Général de Gaulle ...mort le 9 NOVEMBRE 1970
                L’année prochaine nous célébrerons en grandes pompes le quarantième anniversaire de sa mort...et je tiens le pari ...qu’il dira être présent chaque année sur sa tombe ...hors évènement , exceptionnel , comme cette année par exemple...quoique ... !!!!
                Au départ il était « Gaulliste » ....à l’arrivée il est « Gobiste » c’est à dire qu’il maîtrise l’art de faire « Gober » n’importe quoi pas à n’importe qui mais aux Merdias !!


                • monbula 11 novembre 2009 11:08

                  Gabale
                  Vous n’y êtes pas allé avec le dos de la cuillère avec Sarkosy.

                  N’oublions pas qu’il gouverne la France !

                  Merci pour le discours de Ségolène Royal.



                    • Gabriel Gabriel 15 novembre 2009 18:17

                      Bienvenue à Mégalomania !

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