Sarkozy et son nouveau remaniement ministériel : un sommet d’hypocrisie au sommet de l’Etat

L’allocution que le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a prononcé ce dimanche 27 février 2011, devant les caméras de télévision, a atteint un rare sommet d’hypocrisie, sinon de supercherie, qui devrait faire tressaillir d’indignation tout autant que de révolte les Français et, plus généralement, les peuples réclamant une certaine honnêteté intellectuelle, à défaut de rigueur éthique, de la part de leurs dirigeants.
Car qu’a-t-il fait là, ce petit monarque agité, sinon exploiter de manière aussi abusive qu’éhontée, sous couvert d’intelligence politique, un événement historique d’une importance aussi considérable que les actuelles et diverses révolutions du monde arabo-musulman, dont celles secouant la Tunisie comme l’Egypte, pour justifier son nouveau remaniement ministériel, lequel n’est dû, en réalité, qu’à la manifeste et consternante incompétence diplomatique de son Ministre des Affaires Etrangères, Michèle Alliot-Marie, coupable d’avoir traficoté, en pleine tourmente tunisienne, quelques sordides marchés juteux avec l’un des hommes d’affaires les plus proches d’un dictateur tel que Ben Ali ?
Mais il y a pire encore. Car le Président de la République Française n’a-t-il pas lui-même reçu très officiellement et en grandes pompes, pas plus tard qu’en décembre 2007, alors même que son propre électorat et quelques-uns de ses ministres (dont Bernard Kouchner et Rama Yade) s’en offusquaient publiquement, ce fou furieux de Kadhafi, président d’une Libye qu’il est en train, tel Néron incendiant Rome à la fin de son empire, de mettre à feu et à sang, n’hésitant pas à faire bombarder son propre peuple (ce que les pires tyrans de l’histoire, d’Attila à Hitler, n’imaginèrent même pas !), pour conserver le peu de pouvoir qu’il lui reste encore ?
Certes de cette déshonorante et quasi criminelle visite de Kadhafi en France, fût-elle alors organisée au triste nom de cet alibi suprême qu’est la « real politik », l’Elysée, qui n’en est plus à une bourde ni à un cafouillage près, vient-il d’ôter les encombrantes photos de son site. Mais inutile, soudain mû par un opportunisme de tout aussi mauvais aloi, de pratiquer ici la ridicule et même risible politique de l’autruche : se cacher piteusement la face dans le sable, fût-ce-t-il celui du désert libyen, n’efface pas, pour autant, l’ignominieuse réalité des faits ; c’est même là, bien au contraire, l’un des camouflages les plus misérables, par-delà son affligeante maladresse, qui soient !
Et puis, et peut-être surtout, que dire, montant encore là d’un cran dans la fumisterie, de cette « Union pour la Méditerranée » que, se gaussant là d’une invraisemblable dose d’autosatisfaction, a évoqué l’inénarrable, et parfois dangereusement imprévisible, Sarkozy, toujours dans le discours télévisé de ce dimanche 27 février 2011, pour vanter les supposés mérites, prétendument visionnaires, de sa stratégie politico-économique dans le Maghreb et Proche-Orient ? Car, comble de l’aveuglement, doublé en l’occurrence d’un aplomb défiant tout cynisme, n’est-ce pas précisément avec certains de ces dictateurs déchus, ou qui sont en passe de le devenir, que Sarkozy a signé, le 13 juillet 2008, lors de la présidence française de l’Union Européenne, ce fameux partenariat ?
Ainsi est-ce le Président de la République lui-même, premier responsable de cet immense fiasco qu’est la politique internationale française d’aujourd’hui, qui, s’il avait quelque once de dignité, sans même invoquer ici un minimum de sens moral, se devrait, tout seul comme un grand (ce qu’il n’est certes pas à voir la dimension de ses talonnettes), de démissionner de la plus haute fonction de l’Etat : celle-là même que les Français, abusés comme rarement dans la glorieuse histoire de leur pays, lui ont confié, à grands regrets apparemment (comme les Italiens avec Berlusconi, autre ancien et ignoble complice de Kadhafi) un peu trop vite !
DANIEL SALVATORE SCHIFFER*
* Philosophe, écrivain, auteur de l’essai « Critique de la déraison pure - La faillite intellectuelle des ‘nouveaux philosophes’ et de leurs épigones » (Bourin Editeur).
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