Sarkozy-Hollande : de regrettables omissions
Comme beaucoup de téléspectateurs, j’ai écouté attentivement les duellistes du 2 mai. Leur affrontement m’a inspiré quelques réflexions.
A) Sur la forme. Au niveau humain, je me trompe peut-être, mais Hollande m’a fait l’impression d’un homme honnête, sérieux, prêt à mettre en œuvre les quelques réformes qu’il propose. Cela ne va pas loin, mais c’est mieux que rien. Sarkozy de son côté n’a fait que confirmer l’image qu’il donne depuis cinq ans : celle d’un homme dévoré d’ambition personnelle, totalement cynique, prêt à dire et à promettre n’importe quoi pour colmater son pouvoir. Cela tourne en rond, et ne va nulle part. Il me semble que dans leur discussion, Hollande a pris un certain avantage avec calme et dignité, alors que Sarkozy, agité de ses tics habituels, était plutôt sur une défensive embarrassée. Ce n’est qu’une réaction épidermique, qui ne préjuge en rien du contenu de leurs programmes.
B) Sur le fond. Au niveau politique, le débat a été à mon sens tristement décevant. Les deux hommes, aspirant l’un à conserver, l’autre à conquérir la magistrature suprême, ont complètement ignoré au moins trois éléments essentiels de la vue d’ensemble d’un homme d’Etat dans cette position. Trois éléments qui influent pourtant directement sur le niveau de vie de nos concitoyens.
1) L’analyse du système économique néolibéral. Pas un mot sur la faillite de la version actuelle du capitalisme de marché, de la nature de la crise qui dévore l’Occident, Aucune velléité de briser la sinistre logique qui conduit à étrangler les peuples par des mesures d’austérité ne faisant que renforcer une mécanique déréglée. Aucun effort de sortir de l’édifice du libre échange qui a prouvé sa nocivité, de s’affranchir de la loi des marchés et de leur manipulation financière. Des rustines sur la crevaison, au lieu de faire face à la nécessité de changer le pneu.
2) La dette et le pouvoir des banques. Rien sur la nouvelle gouvernance mondiale des établissements financiers, rien qui puisse ébranler leur puissance. Même pas une allusion à la loi Glass-Steagall de séparation des banques d’affaires et des banques de dépôt. Aucune dénonciation de l’augmentation de la dette par de nouveaux emprunts creusant d’autres trous pour boucher les premiers. Silence sur le scandaleux règlement des intérêts qui grève le budget d’un poids insoutenable, ou sur un rejet, ou au moins une renégociation, de tout ou partie de la dette, à l’image d’autres pays plus courageux.
3) L’appartenance à l’OTAN et l’hégémonie impériale américaine. Pas la moindre allusion à la lourde domination de l’Alliance Atlantique et à son instrument meurtrier. Voilà un organisme qui a déclenché quatre guerres, ruiné des pays indépendants, éliminé des chefs d’Etats, entraîné la mort de milliers et de milliers d’innocents, contrevenu à la charte des Nations Unies, ravagé les environnements de régions entières et déséquilibré les budgets nationaux, et on n’exprime même pas un petit doute à son sujet ? De Gaulle avait fait mieux dans le temps : il en était sorti.
Ces trois éléments n’ont-ils aucune portée sur notre existence quotidienne ? Ne paupérisent-ils pas nos classes moyennes ? N’ont-ils aucun effet sur le pouvoir d’achat des peuples ? Ne mobilisent-ils pas des sommes gigantesques qui pourraient servir à améliorer des conditions de vie ? Ne coûtent-ils pas la vie à nos soldats ? Bien sûr que si. Mais ni l’un ni l’autre des candidats ne les a mis en question. A la place, ils ont énuméré des réformes mineures sagement rangées dans les étagères d’un système dans lequel ils restent enfermés, sur les rives droite et gauche du même bourbier.
J’ai été déçu par ce qu’ils ont proposé. Mais encore plus par ce qu’ils n’ont pas dit.
Louis DALMAS.
Directeur de B. I.
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