Sarkozy, l’Europe et les poissons
C’est beau, Malte. Un jour j’irai y passer mes vacances, même s’il est peu probable que je devienne président de la République. Mais peut-être aurai-je la chance, Français que je suis, d’en faire le tour sur le yacht d’un ami milliardaire, voire, rêvons, allongé quelque part sur les 60 mètres de mon propre bateau. Car le message qu’a voulu faire passer Nicolas Sarkozy est évident (pauvres d’esprit ceux qui ne l’ont pas compris ainsi !) : en travaillant plus et en gagnant plus, tout le monde pourra atteindre ce but ultime, à savoir sauter de jets privés en bateaux de plaisance en Méditerranée car, oui, avec Nicolas Sarkozy, « tout est possible ». Voilà le message.
Toujours est-il qu’en Européen convaincu, je me pose des questions. En effet, si la politique de Nicolas Sarkozy porte ses fruits, apporte croissance et met « à la portée de chacun ses rêves et ambitions », ne risque-t-on pas un encombrement de la Mare Nostrum ?
Car, comme le montre l’exemple de réussite du nouveau président, si les Français pourront bientôt acquérir (ou, plus les plus modestes, louer) un yacht sur la Méditerranée, où irons-nous ? Pensez, des milliers, voire des millions de yachts encombrant cette superbe étendue d’eau salée ! Et je ne parle pas des émissions de gaz à effet de serre produits par les Falcon (dont la production de masse sera toutefois de nature à alimenter la croissance)...
Bref, on va tout droit à la catastrophe : pollution de l’air et des eaux marines, menace potentiellement très grave sur une faune et une flore déjà bien abîmées.
Et l’Europe dans tout ça ? me direz-vous, eh bien, là aussi, les choses sont évidentes et prévisibles.
L’Union européenne dispose d’une compétence exclusive en matière de conservation et de gestion des ressources marines vivantes : elle est censée veiller à la bonne tenue des stocks de poisson, menacés par la pollution et la pêche. C’est ainsi elle qui fixe les quotas de pêche dans les eaux territoriales des Etats membres, afin de préserver les fameuses ressources halieutiques. Et dans les 2,5 millions de kilomètres carrés de la Méditerranée, on trouve une ressource particulièrement précieuse, objet d’une véritable bataille économique : le thon rouge. Or, dans le monde, une très grande partie de la pêche de ce fameux poisson, absolument délicieux cru ou légèrement saisi (en tartare ou mi-cuit, spécialité du Fouquet’s, c’est merveilleux), provient de la Méditerranée (en particulier de la Libye et de la Turquie, qu’au passage Nicolas Sarkozy ne veut pas intégrer à l’UE). Les Japonais en sont particulièrement friands et en sont les premiers consommateurs, mais la mode du sushi a désormais gagné la planète.
L’UE, en accord avec la CICTA (Commission internationale de conservation des thonidés d’Atlantique), a établi des quotas très restrictifs qui ne sont absolument pas respectés par les pêcheurs : entre 45 000 et 50 000 tonnes pêchées en 2005 alors que le quota, fixé à 32 000 tonnes, représente déjà plus du double de ce qu’il faudrait pour que les stocks se renouvellent. Pire, les produits de la pêche s’amenuisent de manière alarmante. Les associations écologiques sont révoltées. Outre la pollution, certains pays de l’UE, qui ne respectent pas suffisamment les quotas, sont responsables, mais c’est surtout Ankara et Tripoli qui sont pointées du doigt : le 17 avril 2007, la Commission a ainsi demandé aux Etats membres d’interdire à leurs pêcheurs d’opérer dans les eaux libyennes. Mais trop tard, les bateaux sont déjà partis...
Les ministres de l’Agriculture et de la Pêche des 27 se sont donc réunis le 8 mai 2007 pour tenter de trouver une issue à la crise ; la Libye, de son côté, s’est dite prête à se plier aux règles internationales.
Pendant ce temps-là, le futur président français méditait et nous faisait rêver, sur son yacht...
Par Mathieu COLLET, pour Euros du Village
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