Sarkozy, le voyou de la République
Réponse à Marianne et Jean-François Kahn
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH150/marianne-1-19515.jpg)
Belle leçon de courage moral tout autant que de résistance civique de la part de cet hebdomadaire, et de l’article écrit en la circonstance par son fondateur, Jean-François Kahn, serait-on légitimement tenter de dire au vu du dangereux amalgame fait récemment, via la nouvelle offensive sécuritaire de ce même Sarkozy, entre immigration et délinquance. Avec, pour aggraver son cas, la péremptoire mais surtout illégale menace, contraire au premier article (portant sur l’égalité des citoyens) de la Constitution de la République, de déchoir de sa nationalité les « Français d’origine étrangère » reconnus coupables d’avoir porté atteinte à la vie d’une personne dépositaire de l’autorité publique.
Mais un argument de taille, dans ce papier de Jean-François Kahn, journaliste d’habitude aussi lucide qu’incisif, heurte cependant notre conscience d’homme libre. C’est que, pour justifier l’apparente boursouflure de son titre - jugement dont nous lui laissons l’entière responsabilité -, il se croit obligé, en revanche, de minimiser la périlleuse et pourtant véritable portée idéologique de ce qui, précisément, caractérise ces derniers effets d’annonce, par-delà leur indubitable teneur populo-démagogique, de Nicolas Sarkozy : une dérive fasciste, proche du pétainisme, plus encore que monarchiste !
Car qu’écrit-il au juste, Kahn, dans ce fameux article ? Ceci, très exactement : « Sarkozy n’est pas plus ‘pétainiste’ ou même ‘maurrassien’ qu’il n’est ‘xénophobe’, ‘raciste’ ou ‘facho’. Je suis même convaincu qu’il n’est fondamentalement hostile ni aux émigrés ni à l’émigration (qu’il a d’ailleurs, contrairement aux apparences, largement favorisée) ».
Pour le moins paradoxale, en effet, cette tirade, où nous percevons ainsi, pour notre part, quelque très complaisante tentation de négationnisme, non pas certes par rapport au pétainisme en tant que tel, qu’il fût de Charles Maurras ou de Pierre Laval, mais bien face au sarkozysme lui-même. D’autant que l’un n’empêche pas l’autre : Sarkozy peut très bien être à la fois un « voyou de la République », pour reprendre l’épithète de Kahn, et un Président squattant (le terme est plus que jamais d’actualité !) les terres de Le Pen. Car, on le sait, ce petit chef, mais dont l’égo surdimensionné n’est pas le moindre des traits de caractère, aime cumuler les différentes sphères de pouvoir… jusqu’à passer aux yeux d’une opinion publique de plus en plus consternée, ces derniers temps surtout, pour un despote mal éclairé !
Ce fascisme rampant, dans ses accents xénophobes et même franchement racistes, ce n’est du reste pas nous qui le dénonçons ouvertement aujourd’hui, mais bien, très officiellement, l’un des organismes politiques les plus prestigieux internationalement : l’ONU, dont les membres du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) viennent de condamner la France, jadis patrie des droits de l’homme, pour son « manque de volonté politique » face à la « recrudescence notable du racisme et de la xénophobie ». Et, suprême honte au pays de Voltaire et des anciennes Lumières, l’expert du Niger de stigmatiser « le carnet de circulation » des Roms et autres gens du voyage qui, a-t-il asséné, « nous rappelle l’époque de Pétain ». Pis : c’est un « racisme d’Etat qu’instaure Nicolas Sarkozy », vient de renchérir Eva Joly, députée européenne écologiste !
Et, de fait, les funestes conséquences à ces ultimes déclarations de Sarkozy, pour intempestives et antidémocratiques qu’elles soient, ne se sont pas fait attendre : c’est l’arbitraire et encore plus odieux démantèlement de dizaines de camps Roms que le très zélé Ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, vient d’ordonner, au mépris de toute compassion humaine et en dehors de tout cadre législatif, à ses brigades policières. L’ignominie est à son comble ! A tel point qu’elle choque même, à présent, certains députés de l’UMP, tel Jean-Pierre Grand, proche de Dominique de Villepin, qui, indigné par l’évacuation forcée de l’un de ces camps dans la périphérie parisienne, compare, de sinistre mémoire, « cette politique de démembrement de camps illégaux tournant à l’ignoble » aux « rafles de la guerre ». Le mot est lâché ! Bref : hier, les Juifs au Vel d’Hiv ; aujourd’hui les Roms à Montreuil ! Et demain, à qui le tour ?
Morale de l’histoire ? Alors quid de l’analyse de Jean-François Kahn, qui n’entrevoit donc qu’en Nicolas Sarkozy qu’un simple « voyou de la République », pareil à ces caïds de banlieues qu’il souhaite nettoyer au Karcher, là même où il devrait plutôt apercevoir, pour aller jusqu’au bout de son courage moral comme au terme de son honnêteté politique, l’épouvantail idéologique de la France des sombres années 30 ?
Si bien qu’il nous vient, à la lecture de ce papier de Kahn, un soupçon : qu’il n’ait donc voulu là, comme nous le suggère par ailleurs certains de ses passages, régler ses comptes, en une rivalité d’intellectuels aussi dérisoire que déplacée, avec le philosophe Alain Badiou (dont nous ne partageons certes pas, là non plus, la nostalgie vaguement stalinienne) ? Car lui ne craignit effectivement pas de traiter le Président de la République, en un opuscule intitulé De quoi Sarkozy est-il le nom ?, de « transcendantal pétainiste »1 et même, au vu du très surprenant mais très opportuniste virage de cuti de certains hommes et femmes réputés de gauche (Bernard Kouchner, Eric Besson, Martin Hirsch, Fadela Amara, Philippe Val, André Glucksmann, Max Gallo et même une certaine Carla Bruni), d’ « homme aux rats »2, selon la célèbre métaphore freudienne !
1 Alain Badiou, De quoi Sarkozy est-il le nom ? (Circonstances, 4), Nouvelles Editions Lignes, Paris, 2007, p. 114.
2 Ibid., p. 54.
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