Sarkozy ou la politique de l’iceberg avec la France dans le rôle du Titanic
Après avoir été l’un des premiers et seuls chefs d’Etat à avoir félicité chaleureusement le dictateur brutal russe d’une victoire entachée, Sarkozy se dit très heureux de recevoir Kadhafi quand celui-ci défend, juste avant sa venue en France, la légitimité du terrorisme.
Cela fait plus de six mois que Sarkozy règne sans partage sur la politique intérieure, extérieure et économique en France. Bien heureux et très savant est celui qui sait où notre guide nous guide. Pour un observateur un peu simple comme je le suis, on ne voit que du pointillisme réactif à l’actualité émotive avec un dessein clair - celui de faire parler de lui et d’user des médias complices comme d’une arme de propagande - mais sans tableau cohérent qui se dessinerait même à l’œil d’un professionnel (peut-être à celui d’un astrologue ou d’un scientologue). Une des rares clartés de cette politique est le business quel qu’en soit le coût pour les libertés, l’humanisme et l’honneur.

Pour définir ce qu’est une politique de l’iceberg, il faut poser quelques jalons. Les faits et les actes se jugent dans un contexte, mais également en regard des promesses et des déclarations antérieures à ces actes et faits. Il faut donc ne pas avoir la mémoire courte et se souvenir. Pour cette démonstration - je me flatte - nul n’est besoin de prendre mille et une références - que le sultan Shâriyâr me pardonne, mais je n’ai pas assez de place ici - seulement deux ou trois. En politique intérieure il nous était annoncé deux éléments fondamentaux : Sarkozy et sa bande UMP avaient un programme de gouvernement prêt, cohérent et salué par des organismes d’analyse financière indépendants, dépendants du patronat. Une fois en place on appuyait sur le bouton de la machine à loi et le doux crépitement des imprimantes nationales donnerait un son mélodieux qui déclencherait joie, richesse et choc de confiance. Les jours heureux allaient chanter. Et élément corollaire non moins certain : une équipe gouvernementale soudée, compétente (la meilleure non seulement possible, mais jamais vue depuis la création de la terre - peut-être même était-ce écrit dans la Bible dans le chapitre de l’Apocalypse qui n’est pas le désastre, mais bien au contraire l’avènement du royaume de Dieu sur terre). En politique extérieure, il en serait enfin fini de la langue de bois, des reculades diplomatiques, du repentir, d’une France inaudible et éteinte, avec Sarkozy sur le théâtre international France would be back !
Que voit-on dans la réalité ? Borloo - compétent mais amer - que l’on change de ministère car il parle trop et est trop brouillon - deux questions : ne le savait-on pas avant - il semble que Sarkozy devait le connaître un peu quand-même ? Et pourquoi donc lui avoir confié ce ministère ? Juppé incompétent car battu aux législatives. En ce qui concerne une équipe soudée et appréciée il suffit d’ouvrir un journal pour lire que Yama Rade n’apprécie pas la favorite Rachida Dati - petite digression sur notre minsitre de la Justice car cette femme est effectivement stupéfiante : a-t-on jamais vu un ministre devenir mannequin Dior dans un magazine ? On ne pourra plus le dire -, que Fadela Amara - dont le langage ravit tous les poètes et Nadine Morano - n’aime guère Hortefeux, mais ne se retire pas et que le Grand Chef passe régulièrement des avoinées aux uns et aux autres en fonction de son humeur, des baisses de sondage ou de la conception égocentrée qu’il a de la communication. Que voit-on d’autre ? En matière de lois des reculades (Université, service minimum), des incompétences (intérêts d’emprunt) alors que tout était soi-disant prêt et aux petits oignons et par-ci par-là : des cadeaux non prévus injustes car catégoriels et restrictifs (marin pêcheurs) ou alambiqués (la complexité des heures supplémentaires est telle que personne n’y comprend rien et c’est de toute façon anticonstitutionnel). Nous pouvons aussi parler de la contradiction de cette politique à la petite semaine. Exemple : notre lider Massimo annonce aux Français - obligatoirement béats et fascinés - que les 35 heures n’existent plus. Et donc quid des heures supplémentaires ? Notre père Noël comme la semeuse d’un geste large distribue à chaque réunion publique quelques millions. Ce fut le cas avec les pêcheurs juste après un petit accrochage verbal avec un marin et menace de bagarre à poings nus. On attend maintenant les routiers, les chauffeurs de taxi, les ambulanciers, les coursiers. Devant la CGPME d’une phrase (mais où est donc Christine Lagarde ?), notre Manitou incantateur supprime l’IFA (l’impôt forfaitaire annuel). Rien de tout cela n’était dans un programme quelconque et rien de tout cela ne procède d’une vue d’ensemble ni d’une cohérence de gouvernement. J’y reviendrai plus loin.
Quelques mots maintenant en politique étrangère. On nous avait dit - le "on" vous savez qui sait, suivez mon regard - donc on nous avait dit que nous aurions désormais un héraut sur la scène internationale et que tout allait changer : les dictateurs et autres autocrates allaient trembler dans leur culottes : Duguesclin était là ! Que remarque-t-on ? Rama Yade ne va pas en Chine, Dati oui. Elle va en Tunisie, mais se tait. Sarkozy va en Russie et tout d’abord comprend les "spécificités russes" - vous savez celles qui donnent le droit dans une salle d’opéra de gazer des centaines de personnes ou à Boslan de dynamiter les enfants, celles qui autorisent l’emprisonnement de Kasparov (Sarkozy silencieux là-dessus) ou de journalistes quand on ne les tue pas, celles qui autorisent le massacre des Tchétchènes ou l’asphyxie de l’Ukraine par coupure du gaz, quelques bonnes petites spécifités russes spécialités d’un ancien du KGB, cette ONG humanitaire communiste qui réservait des traitements corporels pour aider à perdre du poids et parfois une dent ou deux ou un œil ou sa raison mentale et qui offrait des séjours de survie dans les conditions extrêmes, sorte d’exercice de motivation (un management à l’américaine en somme) - puis a félicité son éminent dirigeant après une élection douteuse - c’est cela notre honneur retrouvé celui d’avoir à la tête de notre monarchie républicaine un des rares et premiers chefs d’Etat à féliciter un tortionnaire. Vient ensuite la Chine où le Tibet et Taïwan - alors que personne ne demandait rien à notre omniscient - sont par évidence pour Sarkozy des provinces chinoises. On couronne ce tour du monde par la venue de l’autre guide, celui de la révolution libyenne qui va loger sous sa tente sans égard pour le pays qui le reçoit montrant que le chef des deux c’est bien lui, le roi du désert, lui qui vient juste de légitimer le terrorisme, lui dont la photo parue dans Le Figaro montre un personnage de film noir avec ses lunettes de soleil et son sourire de bandit de grand chemin auquel répond celui d’un Sarkozy béat et indigne. Tous ces reniements et toute cette honte pour notre pays en politique étrangère pour quoi et pourquoi ? La réponse est multiple. Il y a cette dualité du discours pour l’intérieur de nos frontières opposé à celui pour l’extérieur, il y a flatter le côté coq de bruyère des Français avec la lâcheté fondamentale de Sarkozy qui est fort et méprisant pour les faibles et faible et obséquieux devant les forts. Et il y a son environnement, le business et l’argent roi. Ses défenseurs vont nous seriner que derrière il y a des contrats. Ah les contrats ! Si ce n’est pas nous, ce sera les autres. Soyons pragmatiques tonnerre de Brest (et d’ailleurs) ! Voilà, la morale du compte en banque. Peu importe que l’Allemagne ne suive pas ce chemin et ait pourtant plus de contrats que nous. Mais il est vrai que ceux qui ont payé les vacances de Sarkozy à Malte ou aux Etats-Unis (à ce propos les deux familles commanditaires de ces vacances étaient les fournisseurs vestimentaires de la première dame de France à l’époque, dame qui a disparu de la circulation, enterrée), les amis de Sarkozy sont des conseillers philanthropes qui ont dû glisser quelques mots bien sentis dans le tuyau de son oreille fort réceptive. Il serait bon de rappeler la mauvaise foi des journalistes dans ces fameux contrats tant en Chine qu’en Algérie. En Chine, d’abord, ils ont négligemment oublié de dire que la France dans Airbus n’est qu’à une minorité tant dans le capital qu’en retombée économique - se trouvent dans ce consortium également l’Allemagne, l’Angleterre, l’Espagne et, à une moindre mesure, l’Italie - comme pour Areva une part sera localisée avec un investissement de cette société sur place avec création d’une société commune. Ceci réduit de façon significative ces contrats d’une part et ensuite Sarkozy n’est en rien responsable de ces signatures dont certains sont en négociation depuis plus de quatre ans. En ce qui concerne l’Algérie, l’amalgame est plus complet encore. Sont allègrement mélangés les contrats de fournitures algériennes (gaz), les investissements français (Total) et les contrats au bénéfice de la France. En somme, on additionne pommes, poires et carottes et on présente le tout dans un beau paquet cadeau en sous-entendant ou même en le criant sur les toits - voilà l’efficacité de Sarkozy. Ici aussi, il est évident que ces contrats sont négociés depuis des années et, en ce qui concerne le gaz, la date ne correspond à rien d’autre qu’à la date d’échéance et de renouvellement d’un contrat d’approvisionnement. Du reste, bientôt, on va féliciter Sarkozy que le jour de l’an (en l’occurrence celui de 2008 le premier de son quinquennat) tombe un premier janvier.
Ne croyez pas que j’ai oublié le titre de cet article : la politique de l’iceberg. Tout ce qui est écrit plus haut en est la démonstration. Sarkozy règne comme un capitaine qui n’a jamais navigué (ohé ohé), mais qui a tout fait pour être capitaine : mensonges, promesses éhontées, tromperie manifeste sur sa supposée compétence, tromperie sur sa préparation à gouverner, sur son trajet maritime, sur ses réserves de carburant, sur son équipe de matelots. Il voulait le bateau et faire une petite croisière, mais ignorait complètement comment le diriger et vers quel port il allait le diriger (vers les Etats-Unis ?). Capitaine incompétent, colérique et sûr de lui, celui qui donne à tout le personnel de bord les ordres en passant par dessus tous les lieutenants, quartiers maîtres et maître queue. Le navigateur c’est lui, sans boussole et sans carte. C’est son jouet et qu’on ne vienne pas l’emmerder. Le premier grand coup de barre qu’il donne pour donner du punch à son navire coûte un petit quatorze milliards d’euros. Et le bateau quitte le port en tanguant. Malheureusement sa route est très vite déviée au nord (contrairement au réchauffement climatique) : choc de confiance inexistant, grèves, économie en berne, subprime américains qui plombent les marchés, etc. Un capitaine au long cours possède une carte, un trajet, tient compte des éléments et doit tout en conservant son objectif à long terme (son port d’arrivée) tenir compte du moyen terme et du court terme, cependant il délègue aux compétents concernés leurs tâches respectives et se contente de donner la direction au navire et de répondre aux urgences quand cela concerne son grade. Notre actuel capitaine bondissant qui navigue, lui, à vue, sans carte, mais sous les projecteurs des médias et pour tout outil d’orientation les sondages, regarde ce qu’il voit sur les flots en l’occurrence les icebergs qui dérivent. Or, comme il ne traite que ce qui se voit (média oblige), qu’il ne cherche pas à traiter le fond (la partie non visible des icebergs), qu’il arrive directement sur eux car il n’a pas de plan cohérent à long terme et qu’il réagit en donnant des coups de barre ici et là en fonction uniquement de l’actualité, et, comme il est sûr de lui et croit en l’insubmersibilité de notre pauvre France, il fonce sur l’iceberg comme on joue aux autotamponeuses. Comme il n’a qu’une courte vue, il voit les icebergs juste quand le navire les aborde et réagit à l’instinct communiquant : presse, compassion et aucun recul. Un des plus beaux exemples en a été la réception à l’Elysée des parents des deux adolescents morts dans ce qui est un banal accident de la route. Certes la police a été engagée, mais ce n’est qu’une coïncidence. Ce n’est ni politiquement ni moralement juste de recevoir ces parents-là. Va-il recevoir tous les parents de tous les accidentés de la route ? Il est allé voir les policiers blessés lors des émeutes qui ont suivi, mais non (à ma connaissance) le conducteur du véhicule et ceux qui étaient avec lui qui, s’ils sont des êtres normaux, doivent être terriblement choqués d’avoir été impliqués dans un accident qui a ôté la vie à deux hommes encore bien trop jeunes pour mourir, comme il n’a pas rencontré les parents de la jeune fille assassinée dans le RER. Sa compassion est médiatique et opportuniste. Cette politique de l’iceberg est aussi appliquée dans le choix des ministres notamment Rachida Dati, Fadella Amara, Rama Yade et les ouverts. On les prend parce que sous le soleil, comme le haut d’un iceberg, ils sont beaux et brillent. Peu importe tout ce qu’il y a sous la ligne de flottaison. Ils sont en fait représentatifs, plutôt démonstratifs. Des marionnettes que l’on montre en foire. Ils possèdent en plus - ce pour quoi ils ont été choisis - en eux une contre-attaque permanente à toute velléité de mettre en cause leur compétence ou leur honnêteté intellectuelle. A toute critique est immédiatement opposée une série de contre-feu difficilement contrables : vous les attaquez parce qu’ils sont minoritaires (femme, d’origine immigrée) ce qui fait de leurs détracteurs au choix des jaloux, des racistes, des machistes, des aigris, des malhonnêtes. Tout est dit. Du reste Sarkozy aux Etats-Unis les a montrées comme des animaux en disant voyez regardez-les bien, moi je fais de l’ouverture tous azimuts. Voilà ce que c’est que la politique de l’iceberg et j’ai bien peur que notre pauvre France ne soit en fait qu’un Titanic en devenir.
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