Sarkozy, président magicien pour génération Harry Potter
Depuis quelques décennies, les sociologues et autres écrivains des médias baptisent, désignent par quelque nom à visée générique, la jeunesse d’une époque. Brièvement, après la guerre, les enfants de l’existentialisme et du jazz, Sartre sous les yeux et Vian dans les oreilles, puis au milieu des sixties les copains et les yéyés écoutaient François Hardy ; vint alors la génération 68, plus rebelle et politisée. Fin seventies, les observateurs ont cru déceler une bof génération, moins politisée et plus conforme. Les années Mitterrand ont vu apparaître la génération des potes, de SOS racisme, désignée aussi comme génération 86, avec Julien Dray naviguant entre les « potes », l’université, l’UNEF, bref, le parfait strapontin pour prendre des responsabilités au pouvoir. Ensuite, les générations se sont un peu diluées, faute d’adhésion, de mouvement musical dominant et inédit, de figure politique ou intellectuelle marquante. Tout au plus évoquera-t-on une génération désenchantée début 1990, après la chute du mur et la fin d’un régime de quatorze ans. Les analystes ont parlé de la génération Chirac, ceux qui étaient ados quand le héraut de la lutte contre la fracture sociale fut élu, génération qui maintenant, forme les jeunes actifs. La dernière génération, elle, remonte sans doute aux élections de 2002. Les jeunes de cette époque ont été marqués par l’ascension de Le Pen au second tour. Cette génération se présente comme anti-Sarko. Mais elle n’épuise pas le réel si bien qu’on voit poindre presque en même temps la génération Harry Potter.
L’univers d’Harry Potter est marqué autour de quelques ingrédients essentiels où l’idée de toute-puissance, orchestrée par la magie et l’initiation, structure le récit. Une magie qui permet de réaliser des prouesses, semble aux débuts merveilleusement au service des bonnes causes, puis se dévoile sous sa vérité de Janus, comme une force à double sens, lumineuse quand elle sert le bien et sombre quand elle se voue au mal. Le phénomène Harry Potter n’est pas qu’un simple succès éditorial planétaire. Benoît XVI, alors qu’il s’appelait encore Cardinal Ratzinger, s’était fortement préoccupé de cet engouement pour cette fable à succès. En bon docteur de l’Eglise, il avait étudié le texte et vu dans son contenu une séduction subtile pouvant sérieusement déformer le caractère chrétien de l’âme avant qu’il ne s’accomplisse dans sa plénitude. Les sociologues y verront sans doute un autre danger, en prenant un cadre d’interprétation laïque. D’après les fans de cette saga, jeunes adultes pour certains, Harry Potter fascine par son organisation et son efficacité permettant de plonger l’individu dans un autre univers. En ce sens, Harry Potter n’est rien d’autre qu’une œuvre littéraire bien conçue, à l’instar de la Comédie de Balzac qui, elle, propulse son lecteur dans le Paris de la Monarchie de Juillet, alors que Proust, dans la Recherche, nous amène au pays des aristocrates avant la grande guerre. Qu’il s’agisse de l’un ou l’autre de ces deux géants de la littérature, le texte nous renvoie à des réalités humaines, qui ne sont plus mais qui ont existé, et constituent encore matière à figurer le genre humain, ses caractères et ses travers. L’univers d’Harry Potter n’existe pas mais quand on s’y plonge, on y est et on s’éloigne de notre monde réel.
Observons maintenant les prestations de notre président Sarkozy, et tout spécialement la libération des infirmières bulgares. On y verra quelques connivences avec l’univers d’Harry Potter. Soyons cependant prudents dans la comparaison. Le colonel Khadafi est réellement le chef d’Etat d’une nation qui s’appelle la Libye et dont la capitale est Tripoli. Qu’a-t-on vu de remarquable dans cette histoire. D’abord une scénarisation et des cadrages impeccables. Sarkozy en maître d’ouvrage, face aux pupitres, à ses côtés, Fillon et Kouchner en « figurants de cœur », qu’il faut bien faire tourner dans les séquences afin de légitimer leur fonction. Et puis, Madame la Présidente, qui s’est trouvée un rôle improvisé d’émissaire, sortie d’on ne sait où sinon des studio de production élyséenne, disposant d’une bonne logistique, un, puis deux voyages et l’affaire était classée. La présence de la commissaire européenne était bien évidemment indispensable. D’ailleurs, près de 100 % de nos concitoyens ont pu découvrir son visage. Et puis un soir, au JT de 20 heures, Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée, venu exposer le compte-rendu de l’opération pour un débriefing médiatique, ayant entre autre utilité de déminer les critiques du camp adverse. Le fait est à noter. Rappelons que le peuple français, pendant le septennat Chirac, n’avait jamais entendu parler de Dominique de Villepin, si ce n’est comme le subtil conseiller de la dissolution, avec quelques apparitions furtives. Ensuite, on a pu le voir, notamment lors d’un fameux discours à l’ONU, mais avec la fonction de ministre des Affaires étrangères. Sinon, de 1995 à 2002, nous pouvons dire que Chirac nous a caché son secrétaire général alors que ce 24 juillet 2007, même pas deux mois après sa prise de fonction, Claude Guéant était sous la lumière médiatique.
Toute cette affaire relève d’un conte, de la mise en place de pouvoirs politiques qu’on pourrait croire magique, avec un président doué de facultés spéciales évoquant la toute-puissance. A se demander si nous n’avons pas affaire au croisement entre Napoléon III et Harry Potter. Si tel était le cas, gageons que Sarkozy gagnera quelques popularité auprès de cette génération Potter en attente de phénomènes politiques non ordinaires, comme on parle de phénomènes climatiques extrêmes. Sarkozy n’est pas de gauche ni de droite, il est magique ! Mais attention, une réalité peut en cacher une autre. La saga de Sarkozy pourrait bien être analysée, non pas par Benoît XVI, mais un Tocqueville qui y verrait une possibilité de déformation du caractère citoyen de l’âme avant qu’il ne s’accomplisse.
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