Sarkozy se prend pour Tobin des bois

C’était il y a deux ans, la banque Lehman Brothers était liquidée et avec elle la confiance dans le système bancaire. Les Etats ont réussi à éviter un possible effondrement systémique. Mais on ne saura jamais quel était le danger. L’affaire H1N1 a montré qu’on ne pouvait plus faire confiance aux dirigeants des grandes institutions, que ce soit la santé ou les gouvernements. Les Etats ont certes agi pour limiter la casse financière mais on se saura jamais si nous n’avons pas été dans la conjoncture du type qui met des bouts de laine sur les routes pour éloigner les éléphants et à qui l’on dit qu’il n’y a pas d’éléphants tandis qu’il rétorque que c’est la preuve que ça marche. Les Etats ont maintenu le dispositif financier en bon état de marche et c’est donc la preuve que les gouvernants ont agi comme il fallait. Le citoyen n’a rien à dire vu qu’il ne connaît pas les comptes des finances. Il paraît même que les agences de notation se trompent, que les directeurs de banques ne savent pas comment fonctionnent les produits financiers qu’ils achètent ou vendent, et que parfois, les comptables des grands groupes falsifient leurs comptes pour duper les investisseurs, tromper les traders, sauf ceux qui ont les bon tuyaux. Bref, tout est complexe mais dans le principe, on retrouve la nature humaine avide de gain. La vénalité anime les coulisses de la finance ou bien les réseaux occultes qui truquent les matchs et les courses hippiques.
Cela ne peut plus durer ! Moraliser, il faut moraliser le capitalisme décréta Nicolas Sarkozy après les déboires de l’économie mondiale amorcée fin 2008. Chaque sortie dans une grande réunion comme le G-20, notre président veut apparaître comme le plus combatif, le plus volontariste, le plus audacieux, le plus vertueux, le plus innovant. Lors du sommet orchestré par l’ONU autour des enjeux du 21ème siècle, Sarkozy a proposé de taxer sur le champ les transactions financières en reprenant l’idée de Tobin qui du reste, fut popularisée par les mouvements altermondialistes et notamment Attac. Les historiens sauront apprécier l’attitude de Sarkozy en temps voulu. Mais pour rester dans l’actu et livrer quelque analyse, on ne peut contourner l’hypothèse d’un président prisant la mise en scène, les gesticulations à la plus haute tribune, les déclarations d’intentions, les effets d’annonce. Son appel pour la taxe Tobin sonne comme un rasage gratis, propos à prendre un entrelacs mélangeant allégorie et second degré. Le président nous rase et nous fait perdre notre temps comme le dit Thomas Legrand.
La taxe Tobin est une mesure qui d’abord fait l’objet d’un veto définitif du côté des Etats-Unis et de la Chine. Ce qui n’a rien d’étonnant mais rien de choquant non plus. Seul les bureaucrates invétérés peuvent croire en la faisabilité d’une telle taxe. Un minimum de culture économique montre la difficulté à mettre en place cette usine à gaz. La bureaucratie internationale finirait vite par devenir plus coûteuse que l’assiette récoltée par cette taxe qui ferait l’objet de négociations et de marchandage incessant entre les banques et les émanations de l’Etat mondial. A quel taux taxer et quoi taxer ? Rien que cette question donne la mesure des difficultés à collecter une taxe bien incertaine. Qu’est-ce qu’une transaction financière au juste ? Une opération sur le Forex ? Ou bien sur d’autres marchés ? Une brève du Figaro annonce une assiette en centaines de milliards d’euros pour cette taxe sur les transactions financières. Le chiffre paraît falsifié. Il semble établi en imaginant un tout petit prélèvement (0.01 %) sur les milliards de devises échangées chaque jour. Mais dès que la taxe intervient, les marchés se calment et les échanges chutent, ce qui diminue drastiquement le bilan. Au bout du compte, la taxe Robin se métamorphose en taxe Tobin, servant alors l’objectif initial assigné par son créateur, un objectif purement technique, permettant d’éviter trop de chaos dans les fluctuations.
Au bout du compte, cette proposition lancée par Sarkozy n’est pas sérieuse. On ne comprend plus rien, même notre président échappe à l’analyse. On dirait qu’il vit dans deux mondes alors qu’un troisième monde lui est étranger et se prépare à subir une crise sociale de grande ampleur. La jeunesse a perdu espoir. Les citoyens sont inquiets. Les sociétés sont disloquées. Pendant ce temps, Disney construit des paradis pour classes moyennes aisées en achetant des terrains à prix cassé mais l’Etat en fait-il de même pour les logements sociaux ? Bon, de ce voyage de Sarkoy aux Etats-Unis on retiendra qu’il a déclaré vouloir lutter contre la pauvreté. Tout en soulignant les efforts de la France. Oui, il a bien dit ça. Il veut aider les pays pauvres. Question jeu d’acteur, c’est franchement moyen mais suffisant pour jouer à la tribune des puissants. Le monde est une comédie. Les citoyens sont réduits au rôle de figurants. Ce dont on ne peut parler, il faut le taire.
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