Sarkozy veut-il nous déshériter ?
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Dans son discours du dimanche 29 avril 2007 à Bercy, Nicolas Sarkozy a déclaré : "Dans cette élection il s’agit de savoir si l’héritage de Mai 68 doit être perpétué ou s’il doit être liquidé une bonne fois pour toutes." (Source : site officiel de l’UMP). Face à la virulence de ces propos, que le bouillant Daniel Cohn-Bendit n’a pas hésité à traiter de "staliniens" (Source : site du Nouvelobs - 30/04/07), "L’OEuvre au noir" (prix Fémina 1968) de Marguerite Yourcenar brille d’un singulier éclat.
Ce roman captivant, publié à point nommé en mai 68 (le hasard fait parfois bien les choses !) met en scène un alchimiste, médecin et philosophe de la Renaissance, qui n’aurait certes pas renié les valeurs portées par Mai 68. En effet, derrière les outrances d’une jeunesse contestataire, se cachait une réelle et légitime "soif de vie" (dixit Daniel Cohn-Bendit) et de liberté ; c’est ce même appétit de vivre libre qui animait Zénon, le héros principal de l’ouvrage qui apporta la célébrité à la première femme à entrer sous la Coupole (en 1980). Nicolas Sarkozy, dans sa rageuse obstination à balayer ce legs, ne se trompe donc pas d’ennemi : sa longue et furieuse diatribe proférée à l’encontre des acteurs de ce salutaire mouvement d’émancipation, et des actuels "soixante-huitards", montre à l’évidence sa haine des libertés, contrairement à ses protestations d’amour de la démocratie. La "fixette" que fait notre tout récent président de la République sur Mai 68 est plus que suspecte, et révèle en filigrane de qui ou de quoi il est héritier : de l’obscurantisme sciemment entretenu par les autorités tant civiles que religieuses, auquel Zénon fut en butte tout au long de ses pérégrinations. Les pouvoirs séculier et spirituel de cette époque luttaient avec l’énergie du désespoir, contre toute tentative de "rupture" (comme dirait Sarkozy) avec la pensée scolastique moyen-âgeuse.
Ce 8 juin aura marqué le 104e anniversaire de la naissance du grand écrivain et humaniste que fut Marguerite Yourcenar. Souhaitons donc que de modernes Zénon naîtront (politiquement parlant), qui nous aideront à dissoudre la "substance" des conventions et de la pensée unique, qu’un "anti-Zénon" belliqueux voudrait nous imposer, malgré une apparente et feinte modernité : gageons que ce "Janus" nous montrera bientôt son vrai visage !
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