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Accueil du site > Tribune Libre > Sciences Po et la gestion bling-bling de Descoings

Sciences Po et la gestion bling-bling de Descoings

L’Institut d’études politiques de Paris (IEP) et ses antennes en province font rêver nombre d’étudiants : sortir diplômé de « Sciences Po » est en effet le gage d’une passerelle assurée vers les grandes entreprises, le haut fonctionnariat ou… la politique ! Au même titre que l’ENA, HEC ou X-Mines, Sciences Po a longtemps joui d’une réputation d’excellence fondée sur le caractère élitiste de son recrutement. Lors des 15 dernières années, cette belle image s’est doucement délitée. Baisse du niveau général des étudiants ? Concurrence des grandes écoles internationales ? Non : gestion Richard Descoings !

Nommé en 1996, le directeur est décédé dans d’obscures circonstances en avril 2012 dans une chambre d’hôtel New-Yorkaise. Crise cardiaque pour les uns, overdose ou jeu sexuel ayant mal tourné pour les autres, l’affaire a été quoi qu’il en soit vite classée malgré des éléments pour le moins troublants(1)  : présence de drogue dans la chambre, ordinateur et téléphone portable jetés par la fenêtre, départ précipité de deux jeunes hommes au matin de la découverte du cadavre…

Diversité, « genre » et nivellement par le bas

C’est qu’il n’était pas question de toucher à une icône : Descoings n’était-il pas celui qui avait fait entrer la discrimination positive dans la glorieuse institution ? En 2000, le directeur avait lancé à grand renfort médiatique les « conventions ZEP » : officiellement, il s’agissait d’ouvrir l’école aux enfants des milieux populaires. Dans les faits, ces quotas de recrutement ont été prioritairement réservés aux élèves des cités ethnicisées et aux étudiants étrangers. Etrangement, ce souci de diversité sociale n’est pas allé jusqu’à la promotion de jeunes issus de zones rurales. Pas assez défavorisés, sans doute. Un échec quoi qu’il en soit, puisque la proportion d’étudiants dont les parents exercent une profession intellectuelle supérieure est entretemps passée de 58,5% à 63,3%.

Autre marqueur de la gestion Descoings, la fin de l’épreuve de culture générale, jugée « discriminante » : parce qu’elle ne favorisait pas les élèves des promotions ZEP ?

Tout à son œuvre de destruction d’une institution trop traditionnelle à son goût, le directeur de Sciences Po avait par ailleurs imposé l’enseignement de la théorie du gender – le « genre » – importée des Etats-Unis : le sexe cesse d’y être défini comme une réalité biologique et ne serait que le résultat d’une construction sociale artificielle, dont il serait impératif de se libérer (par des opérations de changement de sexe… remboursées par la Sécurité sociale).

Fort de tels faits d’armes, Descoings a pu compter sur le soutien de l’ensemble de la classe politique, jamais en retard d’une mesure susceptible de saper les fondements de notre société. Dès son décès connu, Nicolas Sarkozy avait d’ailleurs salué « un grand serviteur de l’État, qui aura consacré toute sa vie à la cause qu’il s’était choisie et dont rien ne l’avait détourné : l’éducation ». On a connu homélie plus judicieuse…

Un serviteur sachant (se) servir

De l’ex président de la République, le directeur de Sciences Po avait hérité d’un goût certain pour l’argent vite gagné. Lancé du vivant de Descoings, un contrôle de la Cour des comptes sur l’IEP vient en effet d’être rendu public et le moins que l’on puisse dire est que ce serviteur de la noble cause enseignante savait… se servir !

Alertés par une information du site Médiapart(2) – lequel avait dénoncé le système de grosses primes entre amis institué à Sciences Po –, les sages de la rue Cambon ont épluché les comptes de l’institution. Surprise : de 2005 à 2011, la rémunération du directeur avait fait un bond de… 60 % ! Descoings a donc terminé sa carrière avec un traitement annuel de 537.000 €, soit près de 45.000 € par mois ! Les primes de Jean-Claude Casanova – président de la Fondation nationale des sciences politiques, en charge de la gestion de l’établissement dans un étrange mélange des genres public-privé – ont quant à elles plus que doublées entre 2007 et 2010. Le tout, sans vote du conseil d’administration et malgré des déficits d’exploitation en 2005, 2006 et 2008. Vieille connaissance du marigot politique, le banquier Michel Pébereau appartenait lui aussi à cette caste de dirigeants incapables et/ou malhonnêtes : c’est par son intermédiaire que quatre prêts ont été signés entre 2005 et 2010, dont l’un considéré par la Cour des comptes comme « spéculatif et dangereux ».

Gabegie à tous les étages

Les anomalies relevées par les magistrats placés sous l’autorité du socialiste Didier Migaud sont légion. Quelques exemples représentatifs de la gestion Descoings méritent toutefois d’être signalés : chargé en 2009 par Nicolas Sarkozy d’une « mission d’analyse, de compréhension, d’écoute et de proposition sur la réforme du lycée », le directeur de Sciences Po a produit un rapport de 87 pages, facturé… 836.000 € ! Plus de 9000 € la page : à ce tarif, on espère qu’elles sont gravées à l’or dans le marbre. La société Giacometti – propriété de Pierre Giacometti, ancien directeur général France de l’institut IPSOS et alors conseiller du chef de l’Etat – n’a coûté « que » 250.000 € au contribuable, pour un conseil en coordination relatif à la même Mission lycée. Certains directeurs de centre de recherche ont également bénéficié de la manne : gracieusement logé à Paris dans un appartement de fonction dont le loyer était estimé à plus de 3257 € par mois, l’un eux reportait cet avantage en nature sur sa déclaration d’impôts pour un montant moitié moindre. Lorsqu’il dut prendre le bail en son nom propre, l’IEP augmenta ses primes du montant exact du loyer désormais à régler, soit 3257 € ! En bout de chaîne enfin, les enseignants-chercheurs n’assuraient en moyenne que 30 % de leurs cours, bien entendu payés 100 %.
Dans ces conditions, on ne s’étonnera pas du bond de la subvention du ministère de l’Enseignement supérieur, passée de 47 à 63 millions d’euros entre 2005 et 2010… Les frais d’inscription demandés aux familles des étudiants ayant eux-mêmes augmenté de façon sensible durant la même période, la Cour des comptes invite le ministère à revoir sa subvention à la baisse. Sera-t-elle entendue ?

Aujourd’hui encore, le gâteau Sciences Po reste appétissant et le successeur de Richard Descoings, Hervé Crest, avait été prestement nommé pour un intérim appelé à se prolonger. Hélas pour lui et ses amis, les éléments détaillés dans le rapport de la Cour des comptes ont conduit la ministre de l’Enseignement supérieur Geneviève Fioraso à désigner un administrateur provisoire, dans l’espoir de « maintenir la réputation de l’école ».
La Cour de discipline budgétaire et financière de la Cour des comptes saisie, il faut désormais s’attendre à la mise en cause de dirigeants ayant œuvré à la gestion Descoings… Et à d’autres révélations sur cette énième gabegie de l’Etat UMPS.

(1) Site du New-York post, 5 avril 2012 : http://www.nypost.com/

(2) 13 décembre 2011 : http://www.mediapart.fr/


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11 réactions à cet article    


  • voxagora voxagora 27 novembre 2012 15:25

    .

    Un savant brouillage des pistes est entretenu par certains
    sur la différence entre secteur public et secteur privé, qui aboutit à une image fausse, et folle, bien entretenue par un usage pervers de la sémantique :
    - le secteur privé, serait le seul champ où règne la loi de la jungle, et les perroquets ne parlent de l’argent gagné par « le privé », balancé comme suprême insulte, qu’en termes péjoratifs : juteux, se gaver etc
    - le secteur public, qualifié de « service » public comme s’il s’agissait d’un service rendu bénévolement à la communauté, et de manière désintéressée, ne serait que le champ de l’honnêteté, de l’abnégation, et de l’amour du prochain 
    Non. Moi (moi moi moi) je connais les deux. 
     Les braves gens, laborieux et modestes, existent dans les deux secteurs. 
     Les loups aussi.
     Les pires étant ceux qui, sous couvert de « service » public, se gavent avec l’argent public venu du privé qu’ils méprisent.

    • Aldous Aldous 27 novembre 2012 16:10

      ’’Tout vient de cette rému­né­ra­tion. Cela a consumé son image, [Descoings] en a souf­fert très pro­fon­dé­ment, et je peux dire qu’il en est mort", a déclaré Casanova devant la com­mis­sion des affaires cultu­relles et de l’éducation de l’Assemblée natio­nale.

      Ha ha ha !

      La révélation de sa rémunération l’aurait tué de honte !

      Pourquoi donc ? Elle n ’etait pas honnêtement gagnée ?

      La revelation de son homosexualité n’avait pas entrainé de telles pudeurs.

      Victime de la transparence ?

      Decidément le monde marche sur la tête.

      Perso si on ’’revèle’’ mon salaire, j’aurais aucun risque de trepasser. Et vous ?


      • Armand 27 novembre 2012 16:40

        Bravo pour votre article.Une bonne synthèse de l’escroquerie Descoings...escroquerie soutenue par les différents gouvernements ! Quand on connait le réseau d’influence dudit Descoings (Pepy, le club Le Siècle et compagnie)... il ne risquait aucune remontrance.
        S’il n’était pas mort, aurait-on révéler tout cela ? Pas si sûr...


        • ZEN ZEN 27 novembre 2012 17:31

          L’affaire dépasse la personnalité de Descoings
          Il y a un projet plus global...
          Sciences Po ou l’avant-garde néolibérale


          • openbar 27 novembre 2012 17:53

            Descoings l’oppresseur. Descoings l’escroc. Descoings le corrompu. Descoings le nuisible. Descoings le pillard.
            bon article.


            • blablablietblabla blablablietblabla 28 novembre 2012 10:01

              Pétard 45 000 euros par mois ,salaire hallucinant mais qu’est-ce qu’il pouvait bien foutre avec tout ce fric et je me demande si il était heureux !


              • Talion Talion 28 novembre 2012 14:01

                Qu’est ce qu’il pouvait faire de son fric ?... Heu... Après avoir regardé l’interview que Médiapart a réalisé avec lui j’ai comme une idée...  smiley 

                http://www.dailymotion.com/video/xas92t_richard-descoings-l-interview-de-me_news

                Il parait que la drogue ça coûte cher... Ceci expliquant probablement pourquoi il a à ce point augmenté ses « émoluments ».


              • kalagan75 28 novembre 2012 11:30

                malheureusement il n’y a pas qu’à science po que le système universitaire déraille .
                nos enseignants chercheurs sont sensés chercher mais quel pourcentage le fait-il vraiment ... ?


                • lebreton 28 novembre 2012 14:35

                  @ l’auteur

                   

                  vous dite enieme gabgie de l’umps ,que je sache le PS n’était pas au pouvoir ,sarko et sa bande oui


                  • Francois Vial 75 Francois Vial 75 28 novembre 2012 18:08

                    @Lebreton
                    Descoings a été nommé en 1996. Or, c’est bien le PS - période Jospin, qui a tenu le Gouvernement dès 1997, jusqu’à 2002. Il a donc bénéficié de l’indulgence et/ou de l’incompétence de gouvernements successifs PS puis UMP.


                  • jak2pad 30 novembre 2012 02:08

                    Excellent article.

                    Peut-être un peu à rebrousse-poil de la sensibilité générale.

                    N’oublions pas que l’escroquerie-Descoings n’a pu durer et prospérer ( jusqu’à la nausée) que parce que tous nos amis bien-placés voulaient trouver pour leur progéniture une voie bien balisée garantissant un atterrissage en douceur.

                    N’oublions pas que dans un ( ou plusieurs ?) Lycées parisiens, il existait des classes prépas « à vocation Sciences Po », avec un recrutement parfaitement opaque, sauf si l’on consultait l’origine socio-professionnelle des parents.
                    Ainsi cette belle jeunesse se retrouvait entre elle, UMP et PS mélangés, Et le vivier des copinages se constituait le plus naturellement du monde.
                    C’est fou le nombre de personnalités farouchement opposées sur le plan politique, qui se tutoient, déjeunent ensemble, couchent ensemble si besoin est, et peuvent même se marier en franchissant les barrières idéologiques tout juste bonnes à exciter les adeptes de Mélenchon.

                    Que Sciences Po soit une école de la frime et du blabla, tout le monde le savait, mais un certain nombre de frasques de Descoings restaient dans l’ombre.

                    Merci à l’auteur de les mettre en pleine lumière....et attendons la suite.

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