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Se libérer du passé et penser à partir du futur

Comme un fleuve est attiré par la mer qui est son futur, nous devons nous libérer de notre passé pour penser à partir de nos mers à venir, nos « MERS DE L’INCERTITUDE »

Edgar Morin en appelle à l’imagination : « Le réalisme banal ignore les possibilités, (…) ignore que le réel est travaillé par des forces souterraines, au départ invisibles, qui tendent à le transformer. (…) Le vrai réalisme se fonde sur l’incertitude du réel. Être réaliste/utopiste au sens complexe : comprendre l’incertitude du réel, savoir qu’il y a du possible encore invisible dans le réel. » 1

Effectivement, souvent nous manquons d’imagination : pleins d’a priori tirés du passé, conditionnés par nos habitudes, nos savoirs et nos expériences, nous pensons trop le futur comme le prolongement du présent. Or il est beaucoup plus libre qu’on ne le pense souvent.

Pourquoi ?

Parce que, dans le passé, notre présent n’était pas qu’un des futurs possibles, et non pas un futur certain. Il est devenu le présent à cause de l’ensemble des choix faits, et du bricolage qui est advenu. Du coup, il nous apparaît aujourd’hui comme certain, et donc inéluctable. Mais si le jeu avait été différent, le présent ne serait pas le même. En dehors des lois de la matière comme la gravitation, rien n’est fatal, tout est contingent. Donc rien qu’en modifiant le jeu des acteurs, le futur peut être en rupture par rapport au présent.

La structure d’un marché à un instant donné n’est pas prédéfinie par des données immuables et objectives, elle est la sédimentation des efforts, des succès et des échecs des acteurs en place. Elle peut donc être changée. Un marché est comme sa vie : il sera largement ce qu’on en aura fait. La situation du marché aujourd’hui n’est pas tant une contrainte pour le futur, qu’une donnée à prendre en compte, une donnée parmi d’autres, ni plus, ni moins.

Pourquoi un shampooing pour cheveux blonds et pas un carburant pour 4x4 ?

S’intéresse-t-on plus à nos cheveux qu’à nos voitures ?

Non, c’est un investissement continu d’Unilever, Procter & Gamble et L’Oréal qui nous a convaincus de la pertinence de leurs propositions. Sans barrières à l’entrée en amont, dotées de dirigeants de culture marketing et commerciale, elles ont donné la priorité à la diversification produit.

Avec des barrières amont fortes, dotées de dirigeants de culture industrielle, les entreprises pétrolières ont donné la priorité à la standardisation et l’interchangeabilité du produit.

Deux stratégies pertinentes et adaptées à la logique des acteurs en place, mais qui n’étaient pas écrites à l’avance.

D’autre part, plus la solution apportée pour l’accès à la mer visée sera en rupture avec le présent, plus le courant aura des chances d’être fort. A l’inverse si elle n’est que la reproduction ou la continuité de la situation présente, elle n’aura qu’un faible pouvoir d’attraction, et, vraisemblablement, ce ne sera même pas un moyen d’accès pertinent à cette mer.

Redonnons donc place à l’imagination et l’invention, car c’est à ce prix que l’on trouvera les vraies opportunités qui vont créer plus de valeur :

- Tout le monde disait que l’industrie horlogère était finie et il n’en était rien : Nicolas Hayek a vu que la montre pouvait être un accessoire de mode que l’on allait assortir à son habillement et à son humeur. Il a lancé la Swatch en rupture avec tous les codes de l’horlogerie.

- Qui pensait que ce serait une entreprise venant de l’informatique qui révolutionnerait le téléphone ? Apple a imaginé l’iPhone en rupture par rapport à tous les téléphones mobiles existants : écran interactif, navigation par le doigt en utilisant des icônes et le « glissé ».

L’un comme l’autre avaient « vu une mer » : celle de la beauté et de l’embellissement personnel pour la Swatch, celle de la communication et de l’échange pour l’iPhone. L’un et l’autre avaient compris comment ils pouvaient faciliter l’accès à leur mer en simplifiant la situation actuelle et en résolvant des problèmes existants auxquels les clients étaient confrontés :

- Les montres mode étaient trop chères et peu créatives.

- Seule la fonction de base des téléphones était simple : naviguer sur Internet, voir ses mails, accéder à la liste de ses contacts, écouter de la musique, tout cela était complexe.

Attention toutefois, au moment où l’on se dégage des habitudes et du passé, à ne pas tomber dans le piège des courants factices. Pour éviter ce risque, il faut comprendre en profondeur les mécanismes en jeu et les courants de fond, et mettre en œuvre une capacité d’attention intensive. Comme l’ont écrit Adrian Slywotzky et David Morrison, Il s’agit de trouver les patterns en jeu : « Dans le monde de la stratégie traditionnelle, il était facile de voir ce qui se passait. On reconnaissait la réalité. Bien que parfois flou, le tableau était compréhensible. Puis les choses commencèrent à sembler bizarres, plus difficiles à reconnaître, incohérentes. On pouvait encore deviner ce qui se passait, mais cela devenait ardu, de plus en plus ardu. Et un jour, il devint impossible de distinguer ce qui se passait en posant sur les choses notre regard habituel. Notre métier consiste à déceler le pattern qui se dessine sous le chaos apparent de la surface, à deviner sous le Picasso le Vélasquez qui se cache. (…) Connaître les patterns ne garantit pas le succès dans cet environnement perturbé. Mais cela aide à se focaliser sur les tendances de fond des mouvements économiques et les changements de comportement des consommateurs  ».2

(1) Edgar Morin, Méthode 6. Éthique, p.103

(2) Adrian Slywotzky et David Morrison, Patterns, Introduction et XI

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7 réactions à cet article    


  • M.Junior M.Junior 21 août 2010 16:37

    Robert,

    Allons plus loin :

    D’Edgar Morin et son triptyque : «  »Individu, société, et espèce, sont non seulement inséparables mais coproducteurs l’un de l’autre ...au sein de cette triade complexe émerge la conscience"

    Devrions-nous oublier une autre loi de nature ? Le mouvement brownien
    Le mouvement brownien est un double phénomène aléatoire : le trajet de la particule suspendue est rendu aléatoire par les fluctuations aléatoires des vitesses des molécules voisines. Ces mouvements résultent des impulsions transmises par les molécules du milieu soumises à l’agitation thermique.

    Et si c’était si simple devrons-nous faire abstraction de cette devise ?

    • Qui contrôle le passé, contrôle le futur. Qui contrôle le présent le passé
    Alors quels seraient les 10 premiers pas facilement réalisables pour chacun ?

    • silversamourai silversamourai 22 août 2010 10:29

      Bonjour,

      « faire table rase du passé », c’est un des vers de l’Internationale communiste, si je me souviens
      bien....afin de prôner de nouvelles valeurs directement issues de la jouissance narcissique de
      l’avant-garde du prolétariat....

       


      • morice morice 22 août 2010 11:08

        ah ,on a retrouvé votre façon de parler :

        c’est ici :


        et c’est aussi creux, en effet, que ce que vous racontez : avec 17 mots, voire moins, on fabrique tous vos textes.....

        • Dolores 22 août 2010 17:40


          « Se libérer du passé et penser à partir du futur » ne veut strictement rien dire.

          Le passé est le socle de la construction du futur.
          Personne ne peut raisonner sur quelque chose qui n’existe pas encore sous une forme ou une autre. On ne peut qu’imaginer un progrès à partir de quelque chose de déjà connu.

          Nous-même ne sommes que le résultat de notre passé.


          • Robert Branche Robert Branche 22 août 2010 19:12

            Oui le passé est le socle, c’est-à-dire le point d’où on part, mais si l’on veut comprendre vers quoi l’on va, il faut oublier le présent et le passé pour comprendre ce qui attire les courants - comme la mer attire un fleuve - et ainsi partir du futur. Ensuite, on repartira de là où l’on est - c’est-à-dire ce présent issu d’un passé - pour agir en direction de ce « futur » (Pour plus d’éléments allez jeter un coup d’oeil sur mon blog et tous les articles liés à ce thème soit :


            • Dolores 23 août 2010 14:27


              Pardonnez-moi, mais ce galimatias ne veut rien dire.

              Le futur s’imagine à partir du rêve ou de l’utopie qui est devenu un sujet de raillerie pour les personnes ne vivant que dans le présent ou le court terme.

              Seul le rêve et l’utopie permettent de se projeter dans le futur. Il faut beaucoup de temps pour que de nouvelles idées murissent, et le futur n’est qu’hypothétique.


              • Robert Branche Robert Branche 23 août 2010 14:36

                Non je ne crois vraiment pas que cela soit du galimatias... D’ailleurs mon dernier livre « les mers de l’incertitude » développe cette idée et reçoit un excellent accueil, y compris lors de conférences, et avec des dirigeants d’entreprises peu enclins à être ouvert à de telles approches... mais il est difficile d’expliquer dans le format court d’un article, ce qui demande des développements nettement plus long.


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