Se mobiliser pour sauver le grand hamster
Victime, entre autres causes, des monocultures intensives et de l’extension des zones urbanisées, ce charmant petit animal est de facto le mammifère le plus menacé de France. D’ores et déjà, il n’est plus présent, en effectif très limité, que dans quelques communes d’Alsace...
Avant toute chose, rappelons ce qu’est le grand hamster ou hamster d’Europe, appelé parfois « cochon des blés » et, en Alsace, « marmotte de Strasbourg ». De son vrai nom Cricetus cricetus (il constitue la seule espèce de son genre), ce superbe rongeur tricolore dont le pelage comporte en général du blanc, du roux et du noir mesure au maximum 30 cm de longueur, queue comprise, pour un poids maximal de 500 g. Omnivore, ce sympathique animal aux allures de peluche se nourrit principalement de graines, de tubercules, de fruits, de vers, de mollusques et d’insectes. Très craintif, il ne sort de son terrier qu’à la nuit tombante, ce qui rend son observation peu aisée.
Du milieu de l’automne jusqu’au milieu du printemps le grand hamster hiberne dans des terriers profonds d’au moins 1,5 m où il a préalablement stocké des réserves de nourriture ; l’été, il préfère un habitat plus proche de la surface (environ 50 cm). Dans la majorité des cas, c’est dans le sous-sol sédimentaire lœssique des plantations céréalières ou fourragères de type légumineuses (trèfle, luzerne, vesces) qu’il aime se réfugier car il y trouve tout à la fois un garde-manger et une protection visuelle contre les prédateurs (renards, fouines, belettes, chats errants). Résolument polygame, le grand hamster se reproduit à raison d’une à deux portées par an, plus rarement trois.
Menacé dans la plaine d’Alsace par les travaux d’urbanisme, la création de nouvelles voies de communication et l’évolution de l’activité agricole (plus de maïs, moins de plantes fourragères et de céréales, mais aussi emploi nocif de produits phytosanitaires), le grand hamster a vu son habitat fondre de manière spectaculaire ces dernières décennies. Saisie par une plainte de l’association Sauvegarde Faune Sauvage fondée sur le non-respect des directives de protection de la faune, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) s’est prononcée le 9 juin 2011 en condamnant notre pays pour manquement à ses obligations de protection d’une espèce animale protégée.
Faute de mesures réellement efficaces, la situation s’est dégradée jusqu’en 2015. Les raisons du recul du grand hamster sont principalement imputables à deux causes principales. D’une part, le manque de fermeté, pour ne pas dire l’incurie, des pouvoirs publics relativement aux préconisations européennes, hélas ! non contraignantes. D’autre part, l’hostilité des milieux agricoles dont les cultures ont, il est vrai, été naguère impactées localement par la présence des colonies de hamsters. Au point que cet animal, durant quelques décennies, a été considéré comme un nuisible avant de bénéficier, à compter de 1993, d’un classement dans les espèces protégées.
Á noter, et ce n’est pas le moindre problème du hamster d’Alsace, que l’on a également compté (et qu’il subsiste encore) des personnes hostiles à la protection du grand hamster parmi les élus locaux, contrariés dans les plans d’aménagement de leur territoire, soit en termes de réalisation, soit en termes d’alourdissement des coûts. Des élus au nombre desquels ceux qui ont soutenu avec une grande détermination la réalisation du « grand contournement ouest » de Strasbourg (autoroute A355), lequel a directement impacté l’habitat du grand hamster. Construit par l’entreprise de BTP Vinci, cet équipement a été inauguré en 2021 par Jean Castex.
Grâce à la détermination des associations les plus impliquées dans la survie du grand hamster – notamment Alsace Nature, France Nature Environnement, Sauvegarde Faune Sauvage et l’APELE de Lingolsheim –, le Plan National d’Actions 2019-2028 commence à porter ses fruits. Au point qu’avec 960 terriers recensés en 2022 par l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) sur 24 communes*, l’on constate une augmentation fragile mais significative, saluée il y a quelques mois par la préfecture du Grand Est. Mais on est encore loin des 1 500 terriers dont les spécialistes estiment qu’ils seraient nécessaires pour assurer la pérennité de l’espèce.
Une chose est sûre : la mobilisation reste de mise. Outre le travail constant des associations, des habitants et des commerçants d’Alsace prennent des initiatives pour aider au financement du soutien aux actions de sauvegarde. Parmi les dernières initiatives, citons les bières labellisées « Grand hamster », élaborées et produites par un collectif d’agriculteurs, de malteurs et de brasseurs bio locaux. Ou bien encore la farine et les pains, produits par des artisans bio sous le label « Grand hamster d’Alsace ». Sans oublier le jeu de société créé par une plasticienne strasbourgeoise originaire de Sibérie : le hamster doit échapper à ses prédateurs et aux pièges qui lui sont tendus par l’activité humaine.
Un résumé des défis auxquels est confronté cet animal, si beau mais encore si menacé !
* L’aire d’habitat du grand hamster avait atteint 380 communes au cours du 20e siècle !
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