Se Reconnaître...
Se reconnaître. S'arrêter.
Tout simplement décider de s'arrêter. De prendre une nécessaire respiration, se poser, souffler, scruter, sonder jusqu'au tréfonds de son âme pour se reconnaître, être et exister.
Quand la fugace image que vous renvoie votre miroir, lorsque vous passez à proximité vous devient inconnue. Quand vous avez la certitude d'être là, mais que vous ne savez pas où ... Perdue, inexistante, transparente, tout juste un fantôme dans votre propre vie.
La vie est si proche de la mort.
Une bombe à retardement est posée sans espoir d'être un jour retirée dans le crâne de mon fils. Elle côtoie la source jaillissante de vie qui s'invite, sans être attendue dans le ventre de sa sœur, tandis que bien blottie dans le sein de la plus jeune, une tubérosité y fait son nid, même si le crabe n'y est pas tapi.
La vie, la promesse de vie, la menace d'une fin, une épée de Damoclès avec laquelle il faut apprendre à composer, à continuer, à espérer, et toujours se battre pour progresser....Ne jamais s'avouer vaincue.
Vous, moi ? Je ne sais pas, je ne sais plus.
Les murs du logis, se tendent, s'étirent. Comme dans mon cœur, il y aura toujours de la place. Tandis que le plus âgé perdait son autonomie et ne pouvait plus vivre seul, la plus jeune décidait de lui laisser sa chambre, et sans regret je cédais alors à celle-là, la mienne.
Mon canapé, cadeau de cet enfant souffrant, offert avec les maigres économies qu'il avait encore, à son arrivée ici, est devenu mon havre de repos. Et c'est tout près de cette fenêtre toujours ouverte sur l'extérieur, quelque soit le temps que je m'apaise.
C'est alors que dans le silence de la nuit j'aime entendre les miens respirer, rêver et vivre...
Quand tout est calme et qu'il n'y a pas d'alarme, je m'évade enfin, laissant à quai ce corps qui me tient enfermée... Mon regard s'accroche au ciel de la nuit tandis que mon esprit vagabonde vers d'improbables étoiles, se veut explorateur et même découvreur de mystérieuses planètes...
Apprivoiser le sommeil qui me fuit, tenter de se ressourcer, penser un avenir incertain, autant pour les miens que pour cette société déboussolée, désemparée...
Mais le tourbillon des luttes de chaque jour m'emporte dès le réveil. Votre vie, la mienne, intimement mêlée à cet espoir de changement de société. Vous y œuvrez, de manière effrénée. Tout est urgence et surtout douleur. l'Humain à chercher, à toujours préférer à une nouvelle déité érigée en alpha et omega de tout choix : ce capital qui ne capitalise ni la solidarité, ni le partage, ni l'Etre, avec ce grand "E" et surtout pas la vie.
Jeunes, vieux, femmes, malades, étrangers, chômeurs...Mixez le tout et vous avez là, le cocktail détonant brandi à tous propos. Et il vous désigne comme fauteurs de troubles, responsables d'une dette mensongère. Pourtant, les avoirs du très petit cercle fermé des ultras riches se comptent à l'aune de son corollaire délétère, la progression de la misère la plus sordide. Alors que tout se devrait partage.
Moi ? Moi ?
Je me reconnais en chacun de ces mots, mais je ne me vois plus, je ne me vis plus.
J'ai rencontré il y a quelques mois, années devrais-je dire maintenant, un petit caillou sur le bord de mon chemin, à l'un de ces tournants de vie où je n'allais pas bien. Conséquences d'une rupture, de la fin d'un épisode de vie commune que j'aurais aimé faire perdurer...Mais on ne continue pas seule ce que l'autre veut déserter.
Alors, dans les brumes de votre chagrin, vous croyez découvrir un talisman. Une de ces pierres rares, prétendûment magiques, comme un porte-bonheur, un repousse chagrin.
Mais le talisman n'était qu'un petit caillou pointu, assez acéré pour vous égratigner le cœur et y laisser une nouvelle cicatrice. Comme celles que portent les troncs de ces arbres gravés de promesses d'éternel amour, éteint depuis aussi longtemps que la lumière de nombre d'étoiles. Une de plus, mais qu'importe, il bat toujours, ce cœur.
Et vous arrivez à rire de vous, de l'énorme incongruité de celui qui se pensant roc, n'est en fait que gravier coloré pour bocal à poissons, et qui en guise de regret, vous dit qu'il vous a aimé, qu'il a passé avec vous de "délicieux moments"...
Vous voilà réduite en deux mots au lokoum dégusté dans un cinq à sept bien caché, nécessairement caché. Une pâtisserie pour amateur de dive bouteille. L'éclat de rire fut à la hauteur de la déception.
Se reconnaître...
Ce samedi, je devais participer à une inauguration de crèche dans l'agglomération orléanaise.
Douchée, habillée, en chemin...Et puis...
Et puis, j'ai pris mon téléphone, appelé ma fille ainée : puis-je venir ? De quelques heures imprévues ensemble je suis restée auprès d'elle et de mes petites filles toute cette fin de semaine. Et j'ai repris corps, et j'ai repris force, et j'ai repris vie...
Ce matin, alors que je venais de prendre une longue douche chaude et bienfaisante, et que la vapeur avait envahi la salle de bain, j'ai essuyé le miroir.
Je m'y suis vue et je me suis reconnue, là, en face. Et j'ai aimé ce que j'y voyais, mes rides de fatigue et de rires, de chagrin et d'attention, de toute ma vie inscrite en ces sillons. Je me suis sourie.
Je suis à l'automne de ma vie, mais le bouillonnement rouge du printemps coule toujours en mes veines. Je suis !
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