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Sea, sex and books : la figure de l’écrivain, de Voltaire à BHL

C'est une vieille tradition chez les écrivains que de mettre en scène leur génie, leur élévation d'âme, leur verve poétique : Chateaubriand battu par le vent de Bretagne, embrassant d'un regard pénétrant le lointain, l'Histoire et les proches galaxies, Hugo soupesant son crâne comme s'il s'agissait d'une enclume, Balzac engoncé dans sa robe de bure, Montesquieu vêtu à la romaine car, après tout, n'est-il pas de l'étoffe des antiques ? Et si nos contemporains se sont départis du goût de la toge – à l'exception, peut-être, de Gonzague Saint Bris – l'achalandage par l'image n'a jamais été si prégnant.

L'âge de la « littérature industrielle », dont l'avènement fit l'amertume de Sainte-Beuve, a pris un tour prodigieusement médiatique : talk-shows, interviews et séances photos sont désormais les promontoires du succès ; dès lors, comme l'ont bien compris les maisons d'édition, il n'est pas absurde de mettre en avant des qualités telles que la sensualité d'un regard, la virilité d'une mâchoire, l'audace d'une chute de rein, d'un tempérament enjôleur, rebelle ou gouailleur, en somme, tout ce qui dope et l'audience et les ventes. Imaginerait-on Socrate promener son intemporelle laideur sur le plateau d'Ardisson ? Difficilement. La sécurité l'enverrait bouler sans façons : trop bavard, ratiocineur, vraiment dégueulasse. « Allez me chercher Platon ! Lui au moins est beau gosse... »

A ciseler l'image des écrivains comme on le ferait d'un produit, il n'est pas rare que les vertus littéraires soient reléguées au second plan. Mais cette désacralisation de la figure de l'écrivain ne tient pas seulement à la qualité déclinante des œuvres promues, ni davantage au fait que les auteurs se soient mus en stands de tir (Zemmour à la carabine), elle plonge ses racines dans un phénomène plus global : nombre des fonctions auxquelles étaient attachées prestige et déférence suscitent désormais l'indifférence ; ainsi des docteurs, des avocats, des journalistes, des politiciens, des professeurs, des historiens, des hommes-grenouilles... Et les Cassandres de se récrier : « nôtre civilisation part à vau-l'eau ! »

Le temps où l'on s'en remettait au « jugement infaillible » de Sartre, intellectuel engagé s'il en fut, semble si pleinement révolu qu'on le contemple aujourd'hui avec incrédulité. Et BHL dans tout ça ? Il faut croire que les brunes comptent pour des prunes. Malgré un déploiement de sex-appeal tel que la Libye n'en connut jamais, malgré les accolades qu'il donna, radieux, à des combattants enturbannés, malgré de superbes clichés le montrant couronner de sa personne les chars de la Libye libre, malgré tout cela, quand il eut l'idée de se glisser entre David Cameron et Nicolas Sarkozy pour faire du gringue aux caméras, la sécurité n'hésita pas à le congédier comme le dernier des chenapans : « dégage ! » De là où ils se trouvaient détenus, ciel, enfer ou bière, il paraîtrait que Sartre et Voltaire se seraient alors poilés sans retenu.

En un mot, les écrivains sont redevenus des hommes. Marc Lévy compris. Des hommes à l'avenir incertain, aux prises avec la concurrence des écrans (cinéma, télévision, internet, bientôt lunettes et lentilles numériques), l'omniprésence des moyens de communication, l'effondrement des idéologies, l'autorité des « experts » dans les domaines intellectuel et savant, l'appauvrissement de la langue... Autant de tendances qui, s'ajoutant les unes aux autres, n'ont cessé de rogner le temps de lecture journalier. Ça, c'est ce qu'on appelle une époque de transition.

Arthur Deming


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15 réactions à cet article    


  • TSS 13 mars 2013 13:43

    il y a une petite erreur BHL n’est pas un ecrivain ,un plagiaire tout au plus... !!


    • tesla_droid84 14 mars 2013 15:36

      Il est à la philosophie ce que DSK est à l’abstinence.


    • Titus Deming 13 mars 2013 14:00

      @ TSS


      ^^ Je ne suis parvenu à lire qu’un seul de ses bouquins. Une débauche de lyrisme pour exprimer son positionnement à gauche... Assez indigeste. En revanche, j’ignorais que le bonhomme s’était rendu coupable de plagiat...
      D’autres articles sur les vicissitudes du monde littéraire sont disponibles sur le blog de ce site http://www.monbestseller.com/





      • King Al Batar King Al Batar 13 mars 2013 14:30

        Bonjour à l’auteur,
        Je suis globalement d’accord avec ce que vous venez d’ecrire, à l’exceptin près que j’ai moi-même du mal avec Sartre aussi, et toutes ces pseudo philosophies existencialistes qui ne sont pour moi que des simulacres de philisophies au meme titre que BHL est un simulacre d’écrivain...
        Mais bon, au moins on ne peut douter de la sincérité d’un Sartre...

        En fait, je considère qu’à partir du moment ou on a décidé d’établir un classement des ventes de livres, au meme titre qu’on a fait le top 50 pour la musique. A partir du moment ou on determine que ce qui fait la qualité d’un livre n’est pas son ecriture et/ou les concepts qui s’en dégage, mais plutot le nombre de personne qui ont souhaiter acquerir ce livre, on se prete au jeu de l’apparence et de l’exploitation commerciale. Donc des talk-show qui sont ce terme au combien ecoeurant de « promo », etc...

        Ce n’est pas le classement des ventes qui fait la qualité d’un livre et je crois que c’est Hugo qui a dit qu’un bon auteur était un auteur mort. Au moins, on ne peut plus douter de la sincérité de sa démarche puisqu’elle ne lui profite plus à lui...

        Après des escrocs, il y en a toujours eu, le tout étant d’essayer de trouver des moyens de l’identifier... POur BHL c’est plus simple, il s’identifie tout seul ! D’autres sont plus compliqués à determiner.

        Cordialement


        • Titus Deming 13 mars 2013 14:42

          @ King Al Batar

          Je partage votre point de vue sur la philosophie de Sarte. Quant à sa littérature, c’est une tout autre affaire. « Les mots » est un bouquin formidable ! 
          Pas mal la citation d’Hugo smiley

        • King Al Batar King Al Batar 13 mars 2013 14:46

          Re-bonjour

          Je viens de faire une brève recherche, comme ca, et en fait je me suis trompé, cette citation n’est pas de Hugo mais de Jean Pierre Enard...
          Bon pour moi l’important c’est le sens de la citation, (meme si Hugo j’avoue ca rajoute de la force à l’argumentation).
          Mais je tenais a me corriger parce que c’est con de se tromper dans ce type de discussion.
          Cordialeemnt


        • Titus Deming 13 mars 2013 14:48

          Alors nous citerons Jean-pierre !


        • Whackangel Whackangel 13 mars 2013 14:37

          Comparer BHL à un écrivain, c’est aussi absurde qu’un poisson rouge sans bicyclette. Ce mec est une chienlie, un milliardaire qui a hérité de ses parents enrichis sur l’exploitation de l’Afrique. Il n’a rien d’un écrivain, c’est un parasite.


          • Gabriel Gabriel 13 mars 2013 15:44

            J’ai toujours pensé, peut-être à tord, que l’auteur était moins important que l’œuvre. Certains n’étant pas classés dans le hit parade des ventes et médiatiquement ignorés sont des magiciens de la syntaxe et des alchimistes de la grammaire à tel point que les lire, nos âmes vibrent au rythme de leurs mots, ils n’écrivent pas, ils partagent. Quant à BHL, le pauvre…


            • tesla_droid84 14 mars 2013 15:40

              je ne pense pas que ce soit un tord. Mais quand vous attaquez un bouquin de BHL, il faut vraiment etre doté d’une capacité d’abstraction hors du commun, ou avoir vécu dans une grotte pendant 40 ans pour ne pas avoir un a priori entachant le livre de cet ignoble personnage.


            • L'enfoiré L’enfoiré 13 mars 2013 17:49

              Tiens, c’est un titre qui me rappelle la Foire du livre de l’année passée.

              Cette année, il vient de se terminer, le thème était le roman policier.
              La Fureur de lire, un autre salon dans lequel on analysait.

              • alinea Alinea 13 mars 2013 22:20

                Peut-être que l’ego des écrivains d’antan avait de plus universelles ambitions ; la postérité leur était acquise ; je pense que c’est bien pour eux que certains se dépêchent de profiter d’une image vendeuse, aujourd’hui ! Tout passe si vite ma bonne dame !
                Mais Kundera, on ne peut pas dire qu’il nous envahit ; le Clézio, Modiano, N’Diaye ; Je ne sais même pas si Tournier est encore vivant !
                Dans un autre registre, Régis Debray, Jean-Claude Michéa et quelques-uns du même tonneau, on ne’ les voit pas beaucoup ; ils ne sont pourtant pas laids ! smiley


                • Ricquet Ricquet 14 mars 2013 09:35

                  « il paraîtrait que Sartre et Voltaire se seraient alors poilés sans retenu. »

                  Si c’est le cas, c’est pour 2 raisons totalement contraire.

                  Voltaire a une réputation très construite puisqu’il a fait la pluie et le beau temps durant son siècle, il a donc écrit son histoire envers et contre tout...
                  Mais sur un plan historique, (documents à l’appui) c’est complètement erroné.
                  « Mentez mes amis, mentez, je vous le rendrai un jour. » (Voltaire)
                  ça ne vous rappelle rien ?
                  BHL ne pourrait-il s’approprier cette phrase ? smiley
                  Ouais, c’est du pareil au même...

                  • Titus Deming 14 mars 2013 11:49

                    @Ricquet,


                    J’irai jeter un oeil à votre lien dès que possible. Merci à vous !

                  • bakerstreet bakerstreet 14 mars 2013 12:38

                    Du haut de ma niche
                    J’ai beau regarder à l’horizon, pas l’ombre d’un Tolstoï pour écrire guerre et paix !
                    Il faut les comprendre...A quoi bon ?
                    Il n’y a plus grand monde pour lire les « œuvres ».
                    Pourtant ce genre de génie solitaire, portant barbe et rouflaquette
                    Hemingway, Conrad, Hugo, Shakespeare, Homère
                     Doivent bien encore exister, quelque part, non ?
                    Du moins en potentiel comme Platon le disait.

                    Doutent-ils de leur art ?
                    De leur message ?
                    C’est vrai à quoi bon s’échiner des pages et des pages, quand le livre ne sert plus guère qu’à caler une commode !
                    Pensent-ils que faire pousser des carottes bio ou faire du vélo est maintenant bien plus engagé que d’écrire ?

                    A force de faire des plateaux télé, ont-ils oublié l’écriture ?
                    Bien sûr, il reste les tweet,
                    Mon correcteur d’orthographe qui n’est plus de première bourre m’indique une faute, et me conseille l’utilisation de tweed

                    Le tweed est un tissu en laine carné, très peu porté dans les banlieues. Un peu comme le livre justement.
                    A près tout, pourquoi ne pas aller m’acheter une casquette en tweed ?
                    Avec une pire au coin de la bouche, j’aurais l’air d’un écrivain

                     Un de ces types qui écrive guerre et paix pour les nuls.

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