Second tour et après ?
Au premier tour de l’élection présidentielle, 4 candidats obtiennent autour de 20 % des suffrages exprimés. Les autres derrière Benoît Hamon (6,36%) et Nicolas Dupont-Aignan (4,7%), obtiennent chacun moins de 2 %.
Ces 20 % n’ont pas la même signification pour tous les candidats. Ils donnent aux seuls Emmanuel Macron et Marine Le Pen la possibilité de participer au second tour.
C’est un remarquable succès personnel pour Emmanuel Macron, inconnu, il y a quelques années, n’ayant jamais affronté le suffrage universel, sans aucun appareil. Il a su créer autour de sa personne avec un programme flou, une dynamique impressionnante par les supports médiatiques et politiques qu’il a suscités. Soutiens que le jeune candidat récolte sur tout l’échiquier politique. Auprès des médias. Aidé par la grand’peur que suscite la victoire sondagière possible de Marine Le Pen et les flottements dans la droite extrême, désorientée par les mésaventures de son champion entêté.
Atout et problème pour Emmanuel Macron : le trop plein de ralliements hétéroclites, en vue des élections législatives. Candidats, plus ou moins connus, d’aujourd’hui et d’hier, du centre, de droite ou de gauche, prêts à poursuivre la politique des Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande mais qui attendent quelques gratifications...
Peur-être, Emmanuel Macron pourrait il engager François Hollande comme conseiller à la synthèse…
Marine Le Pen n’est pas arrivée, comme elle l’espérait et comme beaucoup l’annonçaient, en tête de ce premier tour. Il n’en demeure pas moins qu’elle continue de progresser en nombre de voix et en pourcentage par rapport aux élections présidentielles antérieures.
Considérant son assise populaire assurée, elle mène une politique de second tour en élargissant son assise vers la droite avec Nicolas Dupont-Aignan et en revenant sur ses promesses de retraite à 60 ans, sur la sortie de l’euro qu’elle éloigne...
Il faut remercier François Fillon. D’avoir, par son entêtement et son programme social fracassant, éliminé la droite de la présidence. D’avoir dévoilé avec quelle facilité la vertueuse droite est prête à devenir la droite extrême quand elle trouve un champion, apparemment propre sur lui, avec la juste ostentation qui permet de reconnaître la bonne société. Pourfendeuse de la fraude sociale, elle n’est nullement gênée, par les petits arrangements familiaux, les petits cadeaux entre amis.
Éternelle contradiction entre le moralisme affiché pour le bas peuple et la morale pratiquée entre soi.
La progression la plus importante est celle de Jean-Luc Mélenchon, passé de 11,10 % en 2012 (3 984 822voix) à 19,58 % (7 060 885 ) en 2017 alors qu’il ne pouvait compter ni sur un parti décidé et efficace, ni sur un important réseau d’élus motivés, la difficulté dans la collecte des signatures l’a bien montré. Et avec des médias plus intéressés, dans un premier temps, par son caractère, ensuite par ses qualités d’orateur, enfin par ses tropismes internationaux mais beaucoup plus rarement par le travail dans l’élaboration de son programme, par la nouveauté de l’alliage qu’il a construit entre le social et l’écologique, par sa volonté de reconstruire une nouvelle démocratie avec la participation du maximum de citoyens, par sa volonté de s’attaquer au vote d’extrême droite et à l’abstention (caravanes pour l’inscription sur les listes électorales). Les médias ont fini, face aux mobilisations qu’il a suscitées, par découvrir qu’il les avait en partie contournés par ses propres moyens.
Lors de ce premier tour, il a déjà été question du vote utile en faveur d’Emmanuel Macron. Ce n’est pas étranger au fait que Jean-Luc Mélenchon ne peut participer au second tour, il ne lui a manqué que 600 000 voix. Nationalement, il recueille 19,58 % des voix. Ce pourcentage est entre 27 et 30 %, suivant les sondages, chez les 18-24 ans, soit le double de 2012, 24 % chez les ouvriers, 22 % chez les employés.
Chez les musulmans, le candidat le plus laïque de la présidentielle, obtient 37 % des voix (20 % en 2012) contre 24 % pour Emmanuel Macron, 17 % pour Benoît Hamon, 10 % pour François Fillon et 5 % pour Marine Le Pen (sondage Ifop – Le Pèlerin).
Depuis le début de la campagne électorale, nombreux sont ceux qui donnent des conseils avisés à Jean-Luc Mélenchon : participer à la brillante primaire de la Belle alliance populaire, rallier Benoît Hamon avant qu’il ne soit abandonné par le PS et ses électeurs, maintenant rejoindre le camp de la peur.
Hier, la peur de tout avait mauvaise presse parce qu’elle poussait les citoyens à voter Le Pen, aujourd’hui la peur de Marine Le Pen a bonne presse pour faire voter Macron. Mais la presse est toujours la presse, elle va toujours dans le même sens. Hier et aujourd’hui ! Faire rentrer dans le rang et dans le cas présent, voter Emmanuel Macron !
Connaissant la diversité des points de vue des partisans de la France insoumise sur le vote au second tour, Jean-Luc Mélenchon a dit qu’il voterait mais n’a pas dit comment. Il ne donne pas de consigne de vote pour préserver l’unité des Insoumis avant les législatives. Tout en rappelant que voter Front national n'était pas une option. Ni pour lui, ni pour les Insoumis consultés.
La France insoumise a organisé une consultation ouverte à tous les Insoumis pour qu’ils disent ce qu’ils allaient faire au second tour, sans que cette consultation soit normative.
Il a tendu une perche à Emmanuel Macron, en lui demandant de faire un geste sur la loi travail que Macron a immédiatement rejeté.
C’était prévisible. Peut-être aurait-il pu demander un geste sur l’usage du 49-3 et des ordonnances dont Emmanuel Macron a dit qu’il les utiliserait dés cet été pour aller plus vite. Et court-circuiter, bon début, tout débat démocratique !
Le résultat de la consultation des Insoumis est maintenant connu. 243.000 personnes ont donné leur avis, soit environ 55% des 440.000 inscrits pour soutenir la candidature de Jean-Luc Mélenchon. Bien sûr, des personnes peuvent changer entre le moment où elles ont donné leur avis et le jour du scrutin. Mais ce n’est pas un sondage, c’est le résultat d’une consultation : vote blanc ou nul, 36,12 %, vote Emmanuel Macron 34,83%, abstention 29,05% (1). Les deux tiers, 65,17%, ne voteront pas pour Emmanuel Macron. D’après un sondage Elabe BFMTV, 44% des électeurs de Mélenchon au premier tour voteraient pour Emmanuel Macron.
Ces résultats permettent de penser que les Insoumis vont compter dans les semaines qui viennent. Une première indication sera donnée dimanche par le taux d’abstentions, de bulletins blancs ou nuls : en 2012, il y a eu 9 049 998 abstentions (19,65%), et 2 154 956 bulletins blancs ou nuls (5,82%)...
Avec l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée, on va parler du triomphe de la démocratie, de la République, de l’Union européenne (qu’on appellera Europe) alors qu’on aura simplement élu le gendre idéal pour continuer, plus ou moins habilement, la politique suivie pendant des années – avec le succès que l’on sait aussi bien au point de vue socio-économique qu’au point de vue politique avec le vote Marine Le Pen - par les gouvernants successifs dont les artisans se retrouvent dans En Marche ! l’UMPS, comme disait le Front national, officialisée… !
Reste que les résultats du second tour ne vont pas tout régler. Mais servir de base aux discussions, déjà engagées dans tous les camps pour les investitures législatives. La victoire à la présidentielle donnera, certes, une dynamique. Il n’est pas certain qu’elle soit suffisante pour obtenir une majorité à l’Assemblée nationale. Encore moins une majorité cohérente.
De ce point de vue, Jean-Luc Mélenchon fait des calculs risqués quand il annonce que, avec les résultats de la présidentielle, la France insoumise peut espérer être présente dans 451 des 577 circonscriptions où il a dépassé le seuil de 12,5% nécessaires pour se qualifier pour le deuxième tour dont les 67 où il est arrivé en tête. Certes ils est probable qu’il y aura beaucoup de triangulaires ou même de quadrangulaires mais ces multiples candidatures risquent de diviser autant la gauche que la droite.
C’est cependant un motif pour dynamiser les Insoumis surtout si le taux d’abstention, de votes blancs ou nuls est important. Abstentions, votes blancs ou nuls de résistance, d’espoir. Ils ne seront pas comptabilisés pour l’élection mais seront examinés de près et pèseront dans la mobilisation.
L’espoir maintenant est dans une refondation de la gauche autour de la France insoumise et un groupe de députés aussi étoffé que possible. C’est ce que les résultats de Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle permet d’espérer...
Tout en sachant que cela ne sera pas suffisant. Et qu’il faudra d’autres mobilisations. Mais c’est la première lueur en Europe pour une contestation qui ne soit pas nationaliste mais pour un changement d’orientation économique et sociale.
1 - Noter que ces Insoumis n’ont pas suivi Jean-Luc Mélenchon qui votera dimanche et qui veut rendre le vote obligatoire.
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