Sectes et anti-sectes : l’ancien adepte
Voici un extrait d’un chapitre du livre sur lequel je travaille depuis quelques mois. Le sujet est passionnant, « sectes et anti-sectes en France », et parfois on ne sait plus qui est qui dans ce conflit étonnant. J’ai lu pas mal pour attaquer le sujet, la presse, les forums, Internet, les études diverses des pour et des contre...
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Mais ce petit passage du futur livre me fait souvent sourire :
"L’ingrédient indispensable : les anciens adeptes Dans la lutte anti-sectes, il fallait l’ingrédient sans lequel rien n’est possible, le ciment qui donne toute sa légitimité au combat, la preuve qu’on peut s’en sortir et témoigner : l’ancien adepte.
Toutes les sectes ont leurs anciens adeptes. Parmi eux, la grande majorité ne se prononcent jamais sur leur passage dans le mouvement qu’ils fréquentaient assidûment. Une page est tournée, elle est parfois un bon souvenir, parfois un calvaire, mais rarement suffisamment lourd pour qu’ils estiment devoir en parler et se retourner contre leurs anciens amis. Pour le combattant anti-sectes, il faut trouver deux types d’anciens adeptes. Le revanchard, et la victime. Tandis que la victime servira à apporter la preuve nécessaire à l’action en justice, le revanchard, lui, sera le porte parole de la victime, celui qui témoigne de ce qu’il faut pour que tout le monde comprenne que ce qui est arrivé à la victime est monnaie courante dans le mouvement et ne peut être remis en question.
Le problème avec le revanchard, c’est qu’il est contrôlable jusqu’à un certain point, mais peut aussi déraper et commettre des erreurs qui nuiront à la cause.
Un cas d’école : le revanchard ancien scientologue
La scientologie est peut-être le mouvement qui fait le plus de bruit dans notre pays (quoique les Témoins de Jéhovah ont été les premiers pendant longtemps, aujourd’hui c’est la scientologie qui défraye le plus souvent la chronique). Comme les autres, elle a ses détracteurs, mais ceux-ci sont peut-être les plus virulents de la scène mondiale. Dans chaque pays, elle a ses anciens adeptes revanchards en chef. La France ne fait pas exception, et elle a trouvé en la personne de Roger Gonnet un adversaire zélé et endurant, puisque depuis 30 ans celui-ci n’a de cesse de s’attaquer à son ancienne confession.
En 1982, après 8 ans passés à la tête d’une petite mission de scientologie d’une dizaine de membres permanents, Roger Gonnet est excommunié par la maison-mère, qui lui reproche des malversations financières et des falsifications des écritures du Fondateur, Ron Hubbard. Il consacre alors sa vie à la lutte contre la scientologie et sera utilisé par les uns et les autres pour porter haut la flamme de la lutte contre la scientologie.
Le problème, ce sont les erreurs qu’il commet. Récemment l’actualité a de nouveau amené la scientologie sur le devant de la scène, et c’est sur ce terrain que je vais tenter de donner quelques exemples de ce qui peut se produire lorsqu’un ancien adepte revanchard est lancé dans l’arène et échappe au contrôle.
Premier exemple : les petits mensonges qui choquent.
En plein procès de l’église de scientologie, Roger Gonnet enchaîne les interviews. Malheureusement, le discours qu’il tient, s’il est bien rodé dans ses grandes lignes, varie parfois sur des détails qui font taches. Lors d’un entretien avec Angélique Négroni publié le 25 mai 2009 dans le Figaro, Roger Gonnet déclare "J’ai quitté la Scientologie en 1982. Je leur ai versé au total environ 30 500 euros." C’est, d’après ce que m’a rapporté un ami journaliste irlandais présent à l’audience, ce que Roger déclarera à peu de chose près au tribunal devant lequel il a été cité par la partie civile. Mais dans La Tribune de Lyon du 18 juin 2009, il s’emporte et dérape : "De la base à Ot8 (un niveau de grade chez les scientologues, NdA), j’ai dépensé à peu près 300000 euros, et ainsi de suite jusqu’à OT 15". En plus du brusque changement dans les sommes versées, un ancien adepte me dira que cela est impossible, puisque les grades de Ot 9 à Ot 15 n’ont jamais été disponibles aux adeptes et ne sont censés l’être que dans l’avenir.
Deuxième exemple : les altercations entre revanchards.
Jean-Luc Barbier est à la Suisse ce que Roger Gonnet est à la France. Ancien adepte reconverti dans la lutte anti-scientologie, il a fondé une "association des victimes de la scientologie" qu’il anime tant bien que mal chez les helvêtes. Les deux hommes se connaissent, ils ont chacun leur site, et partagent leurs contacts, leurs articles, et fréquentent les mêmes associations anti-sectes qui ont leurs dépendances tant en Suisse que dans l’hexagone. Mais parfois leurs rapports sont houleux, et quand cela déborde sur internet, la lutte anti-sectes y voit une perte de crédibilité.
Quelques échanges entre les deux hommes sur un forum dédié à la lutte anti-sectes (soc-sectes) :
Roger Gonnet s’adresse à Jean-Luc Barbier : "continue à me faire rigoler avec tes associations, tes "président de ceci et cela", "artiste peintre et musicien. Retourne à ton métier au lieu de te draguer des clients via tes "associations" et tes sites webs fabriqués en piquant les textes des autres sans rien y ajouter dans la plupart des cas ; et ne t’occupe plus de la manière dont je fais le boulot, et quand les auteurs râlent, tu tentes de les manipuler avec des observations insultantes d’abord, puis avec toute une série de méthodes que j’éviterai de qualifier, et tu insistes." Jean-Luc Barbier, répond : "vos invectives et diffamations commençaient à m’apprendre bien des choses sur votre personne et me donnaient le sentiment d’être en présence d’une personne souffrant de jalousie." Puis s’adresse a d’autres membres de la communauté internet : "Par exemple dans de récents message M. Roger Gonnet n’a pas cessé d’appliquer les mêmes méthodes que la secte de scientologie : - insultes - termes victimaires ("lavé du cerveau" - "crétinisé" - Va te faire foutre, ... ) - diffamation et calomnie (Tu es un menteur, un voleur etc) - menace ( mon but est bien de "te nuire") - coupure de lien (je te parlerai plus) - autoritarisme (Tu dois me tutoyer) - copyright insensés sur des traductions d’articles qui ne sont pas de sa plume et cela dans le seul but d’empêcher leur diffusion !" Et cela Continue. Roger Gonnet : "C’est to qui dis ça ? Attends un peu, je vais finir par dévoiler TES méthodes si tu continues, JLB." Alors Roger Gonnet reprochera à Jean-Luc Barbier d’avoir été aidé grâce à un donateur milliardaire américain pour payer ses procès contre la secte, sur intervention de Roger Gonnet : "alors qu’ils vous ont aidé des années durant à tenter de récupérer du pognon de la secte, et qu’ils ont obtenu une grosse somme d’un mécène pour vos avocats... " Jean-Luc Barbier de répondre : "Aussi je trouve que vos tentatives d’harcèlement de ma personne ressemblent aux méthodes des scientologues. Vous étiez un "capo" de la secte de scientologie et des petits gars comme moi se devaient de vous obéir. J’ignore totalement cette affaire d’aide financière et je me demande si ce n’est pas vous qui avez utilisé cet argent car mes avocats n’ont jamais reçu le moindre centime d’un mécène. (Par ailleurs si cela avait été le cas je me serais empressé de vous remercier en vous rendant visite avec une bonne bouteille)." Et ainsi de suite.
Cela ne vole pas très haut et malheureusement sur Internet, tout le monde peut y avoir accès. Ce cas d’école des revanchards est malheureusement un peu trop fréquent pour les acteurs de la lutte anti-sectes qui tentent tant bien que mal de garder le contrôle sur ces hommes providentiels qui, tout en étant indispensables à la cause, en sont parfois le maillon faible..."
La suite au prochain numéro.
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