Sécurité d’approvisionnement : la France n’en a pas fini avec le nucléaire
Au coeur de la consultation publique sur la Programmation pluriannuelle de l’énergie récemment ouverte par le gouvernement, la question de la sécurité d’approvisionnement fait actuellement débat en France. Afin de continuer à pourvoir aux besoins énergétiques du pays, le nucléaire semble devoir conserver une place prépondérante, en complément des énergies renouvelables.
Du 19 mars au 30 juin 2018, les Français sont invités à donner leur avis sur la future Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) fraîchement révisée par le ministère de la Transition écologique et solidaire. Destiné à déterminer la politique énergétique de la France jusqu’en 2028, ce plan de 168 pages passe en revue les différentes filières afin de fixer des échéances précises en termes de production et de consommation d’énergie. Définie par l’OCDE comme la capacité de « résilience d’un système énergétique à des événements exceptionnels et imprévus qui menacent l’intégrité physique de l’acheminement de l’énergie et peuvent entraîner des hausses irrégulières des prix de l’énergie », la sécurité d’approvisionnement constitue un élément indispensable de la PPE afin d’assurer l’accès à une source d’énergie fiable et bon marché, et réduire la dépendance aux importations. Selon le ministère, cette notion repose sur deux piliers : l’adéquation des capacités pour couvrir à tout moment la demande d’électricité ; et la sûreté de fonctionnement du système électrique via le Réseau de transport de l’électricité (RTE).
En cas de défaillance causée par un déséquilibre entre l’offre et la demande, la durée moyenne tolérée par le Code de l’énergie s’élève à trois heures par an, hors tempêtes. À titre de comparaison, la marge est plus élevée en Europe : huit heures en Irlande et même vingt en Belgique. Pourtant RTE, en charge de vérifier le risque de défaillance en France, se montre encore plus strict, considérant « qu’il y a délestage dès lors qu’un consommateur est exposé à des actions non consenties et/ou non contractualisées avec lui », comme une baisse de tension. « Le cas de coupure n’est donc, selon cette interprétation, qu’un cas de défaillance parmi d’autres, ce qui implique que le respect du critère de trois heures fixé par le Code de l’énergie signifierait moins de trois heures de coupure, selon RTE », souligne un récent rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et du Conseil général de l’économie (CGE), qui préconise de clarifier la réglementation.
Le nucléaire, garant d’une électricité décarbonée
Si l’approche plus restrictive de RTE fait débat, c’est parce qu’elle implique une sécurité d’approvisionnement énergétique plus élevée afin de limiter tout risque de défaillance, y compris minime, à moins de trois heures par an, et donc un parc de production plus important, s’appuyant davantage sur le nucléaire. La place de l’atome est donc au centre de la réflexion alors que le gouvernement tente, dans le cadre de la loi de transition énergétique pour la croissance verte, de concilier ses objectifs de dénucléarisation et de décarbonation du mix énergétique français. Or la filière présente des avantages certains par rapport aux autres sources d’énergie, à commencer par son impact minimal en termes d’émissions de gaz à effet de serre (GES).
Responsable de 71,6 % de la production électrique dans l’Hexagone l’an dernier, le nucléaire permet à la France d’afficher un mix électrique décarboné à 97 %, soit un des taux les plus élevés au monde avec l’Islande et la Norvège. En comparaison avec l’Allemagne, qui a opté pour une sortie de l’atome d’ici 2022, notre pays émet ainsi presque deux fois moins de CO2 par habitant (6,5 tonnes contre 11,5 tonnes) grâce aux progrès réalisés par les principaux fournisseurs d’énergie. Depuis 2004, Orano (ex-Areva) a quasiment atteint son objectif de réduire ses émissions de CO2 de 50 %, et même 85 % pour les usines du Tricastin. EDF n’a, pour sa part, rejeté que 26g d’équivalent CO2/kWh en décembre 2017 contre 44g de moyenne ces quinze dernières années. Quant à Engie, le groupe se situait déjà largement en dessous de la moyenne européenne en 2011 et a depuis multiplié par deux son parc éolien et par quatre ses capacités photovoltaïques. Critiqué pour sa gestion des déchets, l’industrie nucléaire française a également effectué d’importantes avancées technologiques dans ce domaine avec un recyclage de 96 % du combustible usé, 10 % de l’électricité provenant même de matières recyclées.
Vers la fermeture de seulement 11 réacteurs
Autre atout majeur de l’atome, son coût s’élève en moyenne à 32-33 euros du MWh selon la SFEN (Société française de l’énergie nucléaire), soit 70 % de moins qu’en Allemagne, ce qui constitue le prix le plus bas d’Europe de l’ouest pour les particuliers et 25 % moins cher que la moyenne européenne pour les industriels. Mais l’intérêt du nucléaire réside surtout dans sa fiabilité et sa rapidité de déploiement, qui assure à notre pays un taux d’indépendance énergétique de plus de 50 % contre 25 % en 1973, avant la construction des premières centrales. Les 58 réacteurs français peuvent en effet faire varier à la hausse ou à la baisse jusqu’à 80 % de leur puissance en moins de 30 minutes à une fréquence de deux fois par jour. Cette adaptabilité demeure actuellement indispensable à défaut de pouvoir stocker efficacement l’électricité, contrairement au gaz et autres combustibles fossiles. Combinée à la continuité de production par toutes conditions météorologiques, elle constitue un avantage déterminant sur les énergies renouvelables, qui fonctionnent de manière intermittente en raison de leur dépendance aux éléments (vent, soleil, débit d’eau, etc).
À la lumière de l’exemple allemand, il semblerait difficile pour la France d’assurer un réseau électrique stable avec plus de 45 % d’énergies renouvelables. Le fonctionnement complémentaire nucléaire/EnR serait d’autant plus privilégié par l’État que les centrales nucléaires disposent d’une durée de vie d’au moins 60 ans (contre 20 à 25 ans pour l’éolien terrestre et le solaire) et que l’approvisionnement en uranium est sûr et abondant (45 % des réserves mondiales étant situées dans des pays de l’OCDE, contre 15 % pour le pétrole et 10 % pour le gaz). Sans surprise, le gouvernement pencherait donc, parmi les cinq scenarios envisagés dans la PPE, pour celui prévoyant le moins de fermeture de centrales nucléaires, selon l’une des associations participant aux réunions ministérielles. Comme pressenti suite aux précédentes sorties médiatiques de Nicolas Hulot sur le nucléaire, l’État envisagerait d’arrêter onze réacteurs, dont les deux de Fessenheim, afin de réduire la part du nucléaire à 56 % de la production électrique à l’horizon 2035. Dans le même temps, l’apport des énergies renouvelables grimperait à 40 % du mix français. Une solution gagnant-gagnant, qui permettrait de concilier à la fois les objectifs de décarbonation et de sécurité d’approvisionnement.
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